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Quand la science est mise au service de la guerre

Munich. Une bombe « écologique »... pour mieux mener la politique guerrière de l’Allemagne

A la faculté de chimie et pharmaceutique de la LMU (université Louis-et-Maximilien), le professeur Klapötke et son équipe mettent au point un nouvel explosif, meilleur pour l’environnement (et qui tue encore plus).

Marius Rabe


et Timo Sommer

31 janvier 2017

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Le professeur Thomas Matthias Klapötke a intitulé son projet « Science for Knowledge and Peace » (Science pour la connaissance et la paix). Depuis 2004, des recherches sont menées en particulier pour mettre au point des explosifs plus modernes. Ils sont commandés par des institutions aussi pacifistes que l’armée des Etats-Unis.

Une bombe verte ?

Le résultat des recherches le plus probant jusqu’à présent est une substance explosive brevetée par la LMU sous l’appellation « TKX-50 ». Contrairement à la RDX, utilisée le plus souvent, la TKX-50 ne dégage pas d’acide et de styphnate de plomb, substances néfastes pour les animaux et l’eau. Elles sont aussi cancérigènes et mauvaises pour le système nerveux de l’homme. Or, cette contamination de l’environnement représente un problème particulièrement important pour les troupes militaires sur place, car la purification de l’eau coûte cher. Le professeur Klapötke a donc mis au point une matière explosive non polluante. Mais cela ne doit pas faire oublier son objectif principal, qui est l’usage militaire. La bombe doit avant tout tuer... mais de façon non écologique. Klapötke le sait bien : « Lorsque la voiture électrique roule lentement, personne ne l’achète, même si elle est plus écologique. De même, l’industrie de l’armement ne s’intéressera pas à une matière explosive, si celle-ci n’est pas aussi performante que celle du marché. »

L’explosif développé par le professeur Klapötke et son équipe, aussi « vert » soit-il, doit donc être efficace. Le Journal of Materials Chemistry explique qu’en comparaison des autres, il serait moins sensible aux chocs et moins toxique, aurait une plus grande capacité de résistance aux hautes températures et serait également plus facile à fabriquer comme matière première de synthèse. La TKX-50 est un explosif secondaire, adapté aux munitions pour les fusils et les pistolets, les bombes, ainsi que l’exploitation des mines.

La matière la plus explosive du monde

Klapötke fait aussi des recherches sur les explosifs primaires, c’est-à-dire ceux qui amorcent la réaction qui conduit à l’explosion. Le but principal est que celle-ci puisse être suffisamment forte et rapide pour amener l’explosif secondaire à une détonation. La revue scientifique ACS Central Science explique dans un article qui s’intitule « The Record Breakers », que l’équipe de Klapötke fait aussi des recherches pour produire des réactifs hautement explosifs. L’un d’entre eux est le C2N14, considéré comme l’explosif le plus puissant du monde. Cette catégorisation se réfère au degré de sensibilité de la matière : « un simple contact le fait exploser ». Pour les chercheurs, ce réactif est donc trop dangereux pour être expérimenté de façon approfondie, et inapproprié à l’usage militaire. Le but est que le réactif produise le plus d’énergie possible par gramme, ou l’onde de choc la plus rapide. Pour cela, l’équipe a développé un autre réactif, qui contient une proportion appropriée d’atomes d’oxygène, pour une performance optimale lors de l’explosion. L’équipe de Klapötke espère qu’ainsi on pourra produire des armes plus petites et plus légères, par exemple pour équiper les drones. Ceux-ci pourraient ainsi tirer avec plus de précision.

Outre les explosifs primaires et secondaires, le professeur Klapötke fait des recherches qui pourraient servir pour la pyrotechnie militaire ou le lancement des fusées. L’ensemble de ces projets nous montre que le but premier du chercheur n’est pas l’écologie, loin de là. Klapötke considère qu’il a une mission politique : « L’Allemagne a une armée et est membre de l’OTAN. Il est donc logique de soutenir ses forces armées et celles de ses alliés, où elle va toujours ».

Pas de recherches pour l’armement dans nos universités !

L’exemple du professeur Klapötke et de sa « bombe verte » nous montre que la géopolitique et la politique de l’université sont étroitement liées. En 2012, l’armée américaine a écoulé 470 000 d’euros en recherches militaires, l’armée allemande 1,7 millions d’euros entre 2007 et 2013.

Le 20 janvier, Donald Trump a été élu président des Etats-Unis. Il veut augmenter les dépenses militaires, renforcer les armées et leur fournir de nouvelles armes, et exige des autres membres de l’OTAN plus d’« initiatives en propre ». Cela n’est pas difficile pour l’Allemagne, puisque ses interventions militaires augmentent chaque année. De 2014 à 2015, l’augmentation a été de 1,4 %, de 2015 à 2016 de 4%. Et suite à l’attentat de Berlin de décembre, de plus en plus de politiciens exigent une militarisation de l’intérieur du pays.

Mais ce n’est visiblement pas suffisant. A la LMU, des recherches militaires sont menées aussi bien pour l’armée américaine que pour l’armée allemande. Très peu de données sont disponibles, et tout se fait dans le secret. Par exemple, on ne sait pas quelles sommes les armées allemande et américaine versent à l’université pour ces recherches.

La LMU soutient les guerres de la Bundeswehr (l’armée allemande)

La LMU soutient donc indirectement les interventions de l’armée allemande au Mali, en Méditerranée, en Afghanistan et en Syrie. De même que celle des Etats-Unis. Par ces interventions, les puissances impérialistes ont semé la guerre Moyen-Orient et au Proche-Orient depuis des années, engendrant de multiples crises dans la région. En conséquence, des centaines de milliers de personnes ont été obligées de fuir vers l’Europe.

Or, l’accès à l’université est très difficile pour les réfugiés. Certains diplômes ne sont pas reconnus, si bien qu’il est parfois impossible d’accéder à certains cursus. Sans compter que la chancelière Merkel a signé avec Erdogan un accord ayant pour but de maintenir les migrants en Turquie. Ainsi, le gouvernement soutient le tournant autoritaire d’Erdogan, qui fait enfermer les militants de gauche, les Kurdes et les journalistes et attaque les régions du Kurdistan.

Qui décide de tout ça ?

A la LMU, l’association étudiante pro-kurde YXK demeure interdite. On lui refuse régulièrement des salles pour pouvoir se réunir et parler de la politique d’Erdogan. De même, il est impossible d’organiser des conférences pour informer sur les recherches militaires qui se font à l’université. Pourtant, la Bundeswehr a le droit de faire de la publicité pour l’armée pendant les salons de métiers.

Mais qui décide qu’il doit y avoir des recherches sur l’armement dans nos universités ? Nous voulons que ce soient les étudiants et le personnel de l’université et non des commissions secrètes qui décident de ce qui est enseigné !

C’est pourquoi nous revendiquons

  •  La fin immédiate des recherches militaires à l’université
  •  La publication des chiffres sur le financement des recherches
  •  Pas de publicité pour l’armée à la LMU
  •  L’ouverture de l’université aux migrants et reconnaissance de tous les diplômes
  •  La fermeture de toutes les commissions secrètes, remplacées par un parlement de l’université pour le choix des programmes de l’enseignement
  •  Le droit d’asile pour tous les migrants et arrêt immédiat des expulsions
  •  L’arrêt des interventions militaires, non à l’intervention de l’armée à l’intérieur du pays
  •  La sortie de l’OTAN

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