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Sélection et précarité étudiante

Montpellier. Un étudiant contraint d’entamer une grève de la faim pour obtenir une place en master

Mehdi avait entamé une grève de la faim vendredi dernier pour protester contre son refus en master. Une affaire qui met en lumière la situation de milliers d’étudiants victimes de la sélection à l’Université et touchés par la précarité.

Jade Ruiz

24 septembre 2020

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Crédit photo : le SCUM

La nouvelle est tombée mardi soir. Il aura fallu 5 jours de grève de la faim à Mehdi, étudiant en droit à Montpellier, pour obtenir une place en master en droit des assurances. « Je suis triste que l’on doive en arriver là pour parvenir à trouver un master. Énormément d’étudiants sont dans ce cas. » a indiqué l’étudiant au quotidien 20 Minutes. Après avoir obtenu sa licence en Droit privé à l’Université de Montpellier, Mehdi s’était vu refuser son entrée en master droit des affaires et droit pénal, à cause des capacités d’accueil limitées. « Ils procèdent à des sélections, sur des critères opaques. Et ce n’est pas uniquement l’université de Montpellier, toutes les universités de France sont dans ce cas. Beaucoup d’étudiants laissent tomber. Ce système ne fonctionne pas, et laisse des étudiants motivés sur le carreau ». Logé en cité universitaire et n’ayant plus de bourse, il risquait de perdre également son hébergement et de finir à la rue.

Si le Rectorat s’est félicité, dans sa communication, d’avoir trouvé une affectation à Mehdi, ni celui-ci, ni le Crous, ni l’Université n’avaient répondu aux sollicitations du jeune homme avant qu’il n’entame sa grève de la faim. « Lorsque l’on discute normalement, cela ne fonctionne pas, déclarait Mehdi au début de son jeun. Alors, on est obligé de passer par des actions comme celle-là… La grève de la faim, c’est très dur. Mais ce qui me fait tenir, c’est l’espoir d’avoir une réponse… Et de toute façon, ce sera encore plus dur si je sors aujourd’hui du système universitaire. Avec une licence de droit, sur le marché du travail, on ne fait pas grand-chose… »

Une sélection qui laisse des milliers d’étudiants sur le carreau

Son action désespérée met en lumière les difficultés de milliers de jeunes confrontés à la sélection à l’Université et à la peur d’être jetés sur un marché du travail de plus en plus incertain. En effet, les contre-réformes des gouvernements successifs, dont la loi ORE et Parcoursup, ainsi que l’augmentation des frais d’inscriptions pour les étudiants étrangers (dernières en date), ont été dans le sens d’accroître la sélection sociale à l’Université sur la base de critères scolaires et géographiques toujours plus exigeants. Des mesures néolibérales qui ont également eu pour effet la fusion et la suppression de filières et la réduction des capacités d’accueil des universités, sous fond de manques de moyens et de personnels. Une situation qui explique que seule une minorité des entrants en licence finissent leur parcours, alors que la dévaluation des diplômes tend à rallonger la durée d’études nécessaire.

S’ajoute à cela la menace de la précarité étudiante, alors même qu’en l’espace d’une semaine, la ville de Montpellier a également connu le suicide d’une étudiante transgenre, qui en plus de l’oppression qu’elle subissait, avait confié à ses amis l’angoisse de perdre son logement Crous et sa bourse. L’année dernière, cette thématique avait également ressurgi dans le débat public, à la suite de la tentative de suicide d’Anas à Lyon, qui s’était immolé devant un bâtiment du Crous, et s’insurgeait contre les politiques néolibérales menées « par Macron, Hollande, Sarkozy et l’Union Européenne ».

Il est inacceptable que des étudiants doivent en arriver à ce genre d’actes, parfois fatals, pour alerter sur leurs conditions de vie et d’étude. A l’heure actuelle, un étudiant sur deux est forcé de travailler en parallèle de ses études, enchaînant des boulots précaires et mal rémunérés. Une situation qui s’est aggravée avec la crise du covid-19 qui a causé la perte pour beaucoup de jeunes de leur emploi, étant le secteur de la population le plus touché par le chômage avec une augmentation de 20% depuis février.

Mener un combat contre la précarité et la sélection

Pour que les enfants des classes populaires et des travailleurs puissent accéder à l’université, pour mettre fin à la sélection des étudiants par la précarité, et pour répondre à la situation d’urgence que connaissent les étudiants pauvres, il est plus que jamais nécessaire d’exiger des revenus pour ne plus être obligé de travailler pour survivre le temps de ses études. Un salaire étudiant, à la hauteur du smic et indexé sur l’inflation pour faire face au coût de la vie, et qui serait financé par un impôt fortement progressif sur les grandes fortunes. En effet, alors que les classes populaires et les classes moyennes sont déjà lourdement taxées, nous pensons que ce sont aux riches et aux grands patrons de payer. En France, 500 familles détiennent 460 milliards d’euros, tandis que l’aide aux étudiants se chiffre à seulement 5,7 milliards. C’est la seule source de financement qui puisse permettre de répondre au problème structurel de la précarité étudiante. De plus, toutes les mesures sélectives de ces dernières années doivent être abrogées : Parcoursup, mais également la hausse des frais d’inscriptions pour les étudiants étrangers, entre autres.

De la même manière, nous devons exiger poser la question du logement, premier poste de dépense des étudiants, et alors que nombre d’entre eux vivent dans des logements insalubres, sont contraints de rester chez leurs parents jusqu’à tard, voire de dormir dans leur voiture. Alors que des centaines de milliers de logements sont laissés vides par une poignée de propriétaires qui spéculent, ceux-ci doivent être expropriés sans rachat. Des logements décents doivent également être construits pour répondre au problème du mal-logement et offrir un toit d’urgence à celles et ceux qui en sont privés.

Alors qu’une fois de plus les jeunes sont destinés à être la variable d’ajustement des gouvernements et du patronat face à la crise économique, il est plus que jamais nécessaire de se battre pour des conditions d’éducation dignes et contre la précarité, aux côtés de l’ensemble du monde du travail.


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