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Marseille. Traité comme un simple fait-divers

« Mon père, intermittent du spectacle et handicapé, s’est immolé par le feu devant la caisse de retraite »

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Avant même que Coraline n’apprenne que son père, intermittent et handicapé, s’était immolé par le feu ce mercredi 27 avril à Marseille, les médias ont relayé, comme un simple fait-divers, cet acte hautement politique. 20 Minutes titrait ainsi : « Marseille : Il s’immole par le feu en pleine rue ». Pas un média n’a pris le risque de préciser qu’il s’agissait d’un intermittent, alors que les employeurs du secteur du spectacle s’apprêtaient à signer un accord avec les syndicats de la branche. On peut ainsi lire la directrice de la caisse de retraite expliquer qu’il s’agissait « d’un dossier de demande de retraite et d’allocation très classique (…). Il n’y a pas de retard ». On comprend surtout que l’immolation du père de Coraline aurait pu raviver la colère des intermittents mobilisés contre la réforme de leur régime d’allocation. Coraline nous a livré son témoignage qu’elle espère bien être largement entendu.

Propos recueillis par Flora Carpentier

J’habite à Paris, je devais arriver à Marseille lundi prochain. Mon père avait tout organisé pour mon arrivée. Mercredi 27 avril, on s’est parlé par SMS jusqu’à midi, et l’après-midi, il s’est immolé devant la caisse de retraite. La police et l’état ne m’ont appelée que deux jours après. Pourquoi attendre deux jours ?
La police a eu le temps de passer dans l’appartement de mon père, mais ils n’ont pas eu le temps de me prévenir. Mon père était à bout à cause des administrations qui lui demandaient toujours plein de papiers pour sa constitution de retraite. Intermittent du spectacle et handicapé (car malade depuis quelques années), il n’avait jamais tous les documents qu’il fallait.

Aujourd’hui, il est à l’hôpital, son état est stable. Son corps réagit plutôt bien. Il a malgré tout une force de vie incroyable.
Quand je suis arrivée dans son appart, il avait mis des choses pour moi dans ma chambre, il savait que j’allais arriver, il avait tout préparé… Et le jour J, mercredi, il me parlait d’un projet que j’ai en tête. Donc je ne sais pas ce qu’il s’est passé, mais il y a bien eu quelque chose…

« On me demande s’il était dépressif, mais non. Il faut reconnaitre que la société tourne mal et que les gens deviennent fous »

Mon père est quelqu’un qui a manifesté toute sa vie. Malgré son handicap, il a participé aux dernières manifs ce mois-ci sur Marseille, à chaque fois, il m’envoyait des photos. Il me disait qu’il s’était pris des lacrymos dans la figure et que son corps ne le supportait plus, qu’il avait trop de mal à s’en remettre. Il disait qu’il n’avait plus 20 ans, mais il a quand même eu la force d’aller s’asperger d’alcool à brûler, donc c’est bien que là, c’est allé trop loin.

On me parle de dépression, on me demande s’il était dépressif. Ils ont eu son médecin au téléphone qui leur a dit que non, qu’il n’avait jamais pris d’antidépresseurs. A un moment, il faut reconnaitre que la société tourne mal, et que les gens deviennent fous. Ce n’est pas parce qu’il était dépressif, c’est parce que ça l’a rendu fou.

« Mon père a été intermittent toute une partie de sa vie »

Ca faisait des mois qu’il constituait son dossier de retraite et à chaque fois ça ne passait pas, on lui disait « il manque ci, il manque ça ». Il me disait qu’il n’en pouvait plus…
Mon père a été intermittent toute une partie de sa vie, en tant qu’administrateur de compagnie théâtrale, puis il a fait de la photographie, et cela fait quelques années qu’il est reconnu comme handicapé, suite à sa maladie. Son dossier n’avançait pas.

Pour moi c’est important de témoigner parce que le pire, c’est qu’il n’est pas le seul dans ce cas… C’est aussi plein d’autres personnes qui se retrouvent face à des situations comme ça et ne savent plus quoi faire…

« Je lui ai dit ‘Je ne peux pas t’en vouloir papa, j’en veux plus à tout ce monde de merde qui nous rend malade’ »

Quand je l’ai vu à l’hôpital je lui ai dit ‘Je ne peux pas t’en vouloir papa, j’en veux plus à tout ce monde de merde qui nous rend malade’.

Moi aussi je suis un peu une excitée et j’en veux parfois à la terre entière, mais là il me donne encore plus de force et d’envie de bouger les choses ! J’essaye de rebondir, il faut que ça bouge.


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