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Le chômage ou l'armée

Mise au pas de la jeunesse : le service national universel pourrait devenir obligatoire

Après avoir annoncé une refonte du SNU lors de ses vœux, Macron devrait préciser les détails de l’approfondissement du dispositif à la mi-janvier. Favorable à un renforcement du nombre de jeunes mobilisés, le gouvernement hésite à rendre le SNU obligatoire, ou à augmenter le nombre de « volontaires » en échange d’avantages pour les participants.

Antoine Weil

5 janvier 2023

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Crédits photo : JULIEN DE ROSA / AFP

Lors de ses vœux pour la nouvelle année, Emmanuel Macron a déclaré qu’il « poserait dans les toutes prochaines semaines les jalons d’un service national universel. » Alors que l’annonce de l’exécutif devrait avoir [lieu à la mi-janvier, peu après celle de la réforme des retraites, cette refonte du SNU vise à augmenter le nombre de participants au dispositif, largement rejeté par les lycéens auquel il s’adresse. 

Bientôt un service obligatoire ?

 

En 2022, quand le gouvernement espérait 50 000 volontaires, seuls 32 000 jeunes ont participé au service national universel, qui a pour but principal de former les jeunes de 15 à 17 ans aux « valeurs de la république » avec un « séjour de cohésion » de deux semaines dans un autre département que le leur, suivi d’une « mission d’intérêt général » non rémunérée d’au moins 84 heures. Le projet, déjà présent dans la campagne présidentielle de Macron, tient à cœur au gouvernement, qui espère en faire un grand moment du mandat, comme l’explique un conseiller de l’Élysée à France Info : « Le SNU pour tous les jeunes, c’est quelque chose qui restera dans les esprits en fin de quinquennat. »

Pour ce faire, deux scénarios sont sur la table. Le premier est celui d’une généralisation du SNU à l’ensemble d’une classe d’âge, rendant obligatoire le dispositif pour 800 000 jeunes chaque année. Cette option semble être l’ambition des macronistes, qui veulent généraliser le SNU depuis son lancement. Sur le site gouvernemental dédié, il est notamment présenté comme un cadre qui a « vocation à devenir obligatoire pour l’ensemble d’une classe d’âge » et qui provisoirement « [s’effectue] sur la base du volontariat ». Si le SNU devient obligatoire, les élèves de Seconde devraient être mobilisés chaque année, notamment lors du mois de juin. On verrait alors une progression hallucinante de l’encadrement de la jeunesse, avec dans chaque département deux centres pouvant accueillir des jeunes tout au long de l’année. 

Cependant, certaines voix au sein du gouvernement estiment que dans le contexte de majorité relative, il sera difficile de faire passer le dispositif maximal. Dans ce cas, la solution de repli serait d’augmenter le nombre de « volontaires » en échange d’avantages pour les jeunes, notamment la possibilité de passer son permis de conduire gratuitement. Quand on connait le coût du permis, qui entraîne des dépenses allant jusqu’à 1804 euros, il est probable que beaucoup de lycéens soient contraints d’accepter ce séjour afin d’éviter de débourser des sommes importantes. Avec cette carotte, le gouvernent espère ainsi gonfler artificiellement l’adhésion envers son projet de remake du service militaire. Dans les deux cas, le gouvernement veut faire passer par la contrainte la « généralisation » du SNU, pourtant largement rejeté par les jeunes. 

Avec le SNU, l’armée doit renforcer la morale de la jeunesse

Ce séjour imposé aura bien sûr une forte dimension militaire. Si la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et du Service National Universel Sarah El Haïry résumait en avril 2021 le dispositif par la formule suivante : « Ni la colo, ni l’armée, ni l’école ; le meilleur des trois », les deux semaines de service seront rythmées par les défilés en rang, le salut au drapeau, et la discipline, à l’image de la punition collective infligée aux volontaires du SNU en juillet dernier à Strasbourg.

Si la refonte du SNU n’est pas étrangère au renforcement du budget et des armées depuis la guerre en Ukraine, il est avant tout pensé comme un moyen de rapprocher la jeunesse de l’armée.

En ce sens, le 19 décembre dernier Macron justifiait depuis le porte-avion Charles de Gaulle cette réforme en insistant sur les « qualités de comportement, de savoir-être précieux » prodiguées par l’expérience militaire, qui font que « les entreprises sont heureuses de recruter d’anciens militaires qui quittent l’uniforme ». Ainsi, l’objectif du SNU et de sa généralisation doit être de « renforcer les forces morales de la nation, en particulier de la jeunesse (...). Cette force morale est sans doute la plus importante de tout ». Le gouvernement espère donc profiter du SNU pour discipliner la jeunesse, trop politisée à son goût, dans la continuité de l’offensive de Jean-Michel Blanquer contre le « wokisme »

Dans la même veine, Emmanuel Macron lors de ses vœux a justifié la refonte du SNU par le besoin d’ « unité de la Nation ». En effet, une des principales missions du service national universel est de promouvoir les « valeurs de la république », un terme systématiquement utilisé ces dernières années pour justifier les attaques islamophobes. Alors que l’éducation nationale et notamment les lycées sont marqués par une offensive contre les tenues vestimentaires chez les jeunes filles, il est à prévoir qu’avec l’obligation possible du SNU, les agressions de la part de l’État se multiplient. 

Pour gagner le soutien d’une partie de la jeunesse malgré la dimension militaire et sécuritaire évidente du SNU, l’exécutif envisage donc de rajouter des missions supplémentaires, autour de l’écologie. D’après Les Échos, les piliers du SNU « seraient revisités, sous l’angle des réactions à adopter face aux urgences climatiques, en lien avec les incendies de cet été ou les morts par noyade provoquée par des pluies torrentielles ». Une tentative d’acheter le soutien des jeunes largement sensibles aux questions climatiques qui ne manque pas d’hypocrisie : Macron qui a déclaré que la crise climatique était impossible à prévoir prétend maintenant nous former aux effets de la catastrophe !

Loin du vernis écologiste du nouveau SNU, dans le contexte de surenchère sécuritaire actuel autour de la loi sur l’immigration en discussion dans les prochaines semaines, il faut dénoncer tout élargissement du dispositif. Contre la volonté du gouvernement de discipliner la jeunesse, il faut au contraire exiger le retrait du service national universel.


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