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Dans les coulisses du débat

J’ai représenté la candidature de Philippe Poutou au débat jeune de MinuteBuzz

Militante au NPA depuis septembre 2012, et militante auparavant dans les mobilisations contre le CPE ou la LRU, mon terrain politique habituel se situe bien loin des plateaux télé et des regards des caméras. Mes interventions et débats politiques, au quotidien, ont lieu devant l'entrée de mon université autour d'une diffusion de tracts, ou au milieu des Assemblées Générales étudiantes. C'est pourtant à de tout autres interlocuteurs que j'ai du faire face mercredi dernier, lors du débat organisé par MinuteBuzz et TF1 One, et publié en direct sur Facebook, face aux dix autres représentants des candidats à l'élection présidentielle. Témoignage des coulisses d'un débat où, derrière les promesses et les formules toutes faites de mes adversaires, c'est plus que jamais les frontières de classe que j'ai pu ressentir.

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Leur monde, et le nôtre

Ils ont beau n’être que les représentants et représentantes « jeunes » de leur candidat, le programme de leurs aînés transpire par leur costume, leur manière de parler et leur sourire. Les journalistes avaient pourtant dit « habillez-vous comme vous êtes habillés tous les jours, pas besoin de costard ». Mais pour les représentants de Macron, Fillon, Dupont-Aignan, Asselineau et Le Pen, c’est bien le costume, la chemise, le tailleur ou la raie sur le côté qui est de mise. Pour ma part, vêtue avec mon jean habituel et mes Dock Martens encore pleine de colle du collage de la veille, je suis bien heureuse de retrouver en arrivant le camarade de Lutte Ouvrière, Nicolas Krinh, avec qui j’avais déjà partagé les Coordinations nationales étudiantes de la mobilisation contre la loi Travail au printemps dernier.

En attendant le débat, on discute en s’étonnant du programme prévu pour l’émission : rien sur les questions féministes, mais à la place une discussion sur « le numérique », qui est pourtant bien loin des discussions que nous avons l’habitude d’avoir sur nos universités respectives. Par le hasard des choses, c’est le représentant du Front national qui viendra confirmer notre discussion sur le mépris des « grands candidats » pour le combat des femmes, en venant s’imposer pour me faire la bise, bien que tout mon corps le lui refuse explicitement, comme le ferait n’importe quel macho de bas étage. Mais qu’attendre d’autre du représentant de l’extrême droite ?

« Caricaturale », « agressive »...

Le débat commence, et je me demande parfois de quoi parlent les autres représentants. Les questions des journalistes, déjà, sont posées de manière à laisser la porte ouverte aux faux débats. « Comment intéresser les jeunes à la politique ? », « Comment faire en sorte que les jeunes se dirigent vers les filières d’avenir ? »... Comme si c’était la faute des jeunes, trop superficiels pour s’intéresser à la politique, ou pour choisir la bonne orientation professionnelle !

Dans cette ambiance, où chacun répète bien souvent les formules abstraites de son candidat sans aucun lien avec la situation réelle, difficile de garder son calme. Même le représentant de Mélenchon me semble à côté de la plaque : revendiquer une allocation pour les jeunes à 800 euros, c’est-à-dire moins que le seuil de pauvreté, c’est vraiment ça la solution face à la précarité et la misère de la jeunesse ? Mais c’est face à la représentante de Macron que je pourrai exprimer ma colère, lorsqu’elle défend le statut d’auto-entrepreneur pour tous les jeunes, c’est-à-dire un statut ultra-précaire qu’elle présente comme « un tremplin ». Mais un tremplin pour quoi ? Pour une société où certains crèvent au boulot tandis que d’autres crèvent de ne pas en avoir ? A cette colère légitime, la réponse du représentant de Duont-Aignan n’a rien trouvé d’autre que de reprocher mon « agressivité »…

Défense de la « culture française » vs. Justice pour Adama

J’avais commencé le débat en disant que la candidature de Philippe Poutou était « la candidature d’une jeunesse qui refuse de marcher au pas », et le débat me confirme cette caractéristique. Tous les représentants – mis à part le camarade de Lutte Ouvrière, mais qui ne s’en délimite pas vraiment explicitement – revendiquent l’augmentation des forces de police, et la défense de la « culture française ». J’avais pour ma part choisi mon camp, en portant le tee-shirt « Justice pour Adama », en soutien à toutes les victimes de violences policières et leur famille. Car s’il y a une « culture française » ou une « histoire française » à défendre, pour ma part ce sera celle issue de la rue et des quartiers populaires, celle de la Commune de Paris et des mouvements féministes, celle d’un Kery James et du « Nique la France », de ZEP.

Mais rappeler cette histoire-là, tout comme rappeler dans une de mes interventions ce lycéen de Bergson matraqué par la police pendant la mobilisation contre la loi Travail, n’est vraiment pas du goût d’un certain nombre de mes voisins mercredi dernier. C’est d’ailleurs pourquoi le représentant de Dupont-Aignan n’a pas pu s’empêcher d’y réagir, dans sa conclusion, en allant plus loin encore que ce que j’aurais pu imaginer : face à mon tee-shirt, il revendique alors plus de police, et plus encore, la remise en place des « voltigeurs », ces policiers à moto qui ont assassiné Malik Oussekine en 1986, en marge d’une manifestation contre la loi Devaquet. Sans équivoque, les masques tombent.

Philippe Poutou, un vote de menace

Avant de partir au débat, je publiais ceci sur ma page facebook :

« Ce soir à partir de 18h, je serai face à des représentant.e.s "jeunes" des 10 autres candidat.e.s, pour défendre le programme de Philippe Poutou pour la jeunesse.
Que la force des dockers du Havre, des cheminot.e.s du Bourget, des AG de Paris 8 en lutte, des familles de victimes de violences policières, des féministes révolutionnaires, des blocages de bahut, des ouvrières textiles de 1917, et de tou.te.s celleux qui refusent de marcher au pas de l’exploitation capitaliste soit avec moi !
#JevotePoutou »

Peu habituée au débat de ce type, c’est en effet surtout parce que j’ai l’habitude, lorsque je défends mes convictions, de m’appuyer sur nos propres méthodes : celle de l’auto-organisation, celle de notre intelligence collective, contre toute idée de « sauveur suprême ». C’est cette force qui doit se faire entendre dimanche, plus que jamais.

L’ensemble du débat et de mes interventions sont disponible ici.


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