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Justice patriarcale

Menacée de mort par son mari, pour le juge « elle se soustrait au devoir conjugal »

A Nanterre, au cours d'une audience pour « violences conjugales », le juge a reproché à la victime, - qui avait fait le choix de dormir dans une autre chambre que celle de son mari pour échapper à ses violentes menaces – de ne pas accomplir son devoir conjugal.

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Ce mercredi, au tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre, un magistrat a fait la criante démonstration du sexisme qui régit la justice. Présidant les comparutions immédiates, il devait légiférer sur une sordide affaire de violences conjugales.

Une femme a porté plainte contre son mari – Hocine, 48 ans – pour « violences physiques et psychologiques depuis dix ans ». Preuve à l’appui (elle l’avait enregistré avec son portable pour appuyer sa plainte), l’avocate et la victime expliquent que cela fait des années que Hocine hurle sur sa femme, la menace de mort : « Je vais t’asperger d’essence », « Tu rentreras en Tunisie entre quatre planches » ou encore « Je vais te graver un H au couteau sur la peau »… Pour échapper à cette violence, la femme a décidé de faire chambre à part depuis un an.

Des faits accablants, qui malheureusement sont le quotidien de milliers de femmes – en France, une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon – et que Hocine, au vu des preuves accumulées, n’a pas pu nier. Il a seulement rétorqué que sa femme ne voulait plus avoir de relations sexuelles avec lui. Mais le juge, à mille lieues de se soucier du sort de la victime, a déclaré en conclusion aux déclarations de Hocine, cette phrase incroyable :

Ah effectivement Madame, si vous vous soustrayez à votre devoir conjugal, on peut comprendre...

L’avocate de la victime, Me Migueline Rosset, lui demande de répétée, choquée. Et le magistrat, de réitérer par trois fois ses propos, en ajoutant même « qu’il avait été juge aux affaires familiales, et qu’il connaissait donc bien la question ».

Me Rosset a par la suite envoyé un courrier au président du TGI de Nanterre, rappelant avec raison que sa « cliente, comme toutes les femmes victimes de violences conjugales, n’avait jamais osé jusque-là déposer plainte contre son mari violent, précisément parce qu’elle se sentait coupable. Et lorsqu’elle a enfin trouvé le courage de le faire, l’institution judiciaire, dans sa robe noire, lui a tenu ce discours culpabilisant. Elle était démolie en sortant de l’audience. »

Le magistrat, quant à lui, devrait être convoqué dans la semaine pour « s’expliquer » sur les faits. A ce stade, aucune procédure disciplinaire n’a encore été enclenchée. Procédure dont le nom pourrait d’ailleurs prêter à sourire si les faits n’étaient pas aussi grave : « procédure disciplinaire pour manquements à l’obligation de délicatesse ». Comme si une illustration aussi criante de la complicité entre la justice de classe et le patriarcat meurtrier dans la bouche d’un juge n’était qu’un manque de « délicatesse ».

Et si cette affaire a fait grand bruit parce que l’avocate de la victime l’a publicisée, elle n’est que l’expression aboutie d’une justice à deux vitesses, qui favorise ceux qui ont déjà une place privilégiée dans la société, au détriment des femmes, des personnes non-blanches et des plus précaires.


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