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« Embrassez Pierre Ménès vous êtes filmées »

Médiapart révèle que Canal+ soutenait Pierre Ménès depuis plusieurs années

La semaine dernière, le journal les Jours révélait que Canal+ avait fait censurer des scènes d’un reportage dénonçant le sexisme dans le journalisme sportif, pour protéger Pierre Ménès. Un blanc-seing au présentateur qui dure en réalité depuis plusieurs années.

Arthur Nicola

27 mars 2021

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Crédits photo : Geoffroy Van der Hasselt - AFP

Chassez le naturel, il revient au galop. Alors qu’il comptait surfer sur la vague de libération de la parole concernant le sexisme dans le milieu du journalisme, Canal+, le groupe détenu par Bolloré, fait face à un retour de bâton depuis que le journal LesJours a révélé que la chaîne a censuré deux passages d’un documentaire impliquant Pierre Ménès, son journaliste star de l’émission « Canal Football Club ». Dans ces deux scènes, le reportage, intitulé « Je ne suis pas une salope, je suis journaliste », était censé revenir sur deux agressions à caractère sexiste de la part du présentateur : le premier, en février 2011, lorsqu’il embrasse de force la journaliste Isabelle Moreau ; le second, en 2016, lorsqu’il soulève la jupe de Marie Portolano en public. Dans les deux extraits, cette dernière, réalisatrice du documentaire, confronte Pierre Ménès sur ces actes. Des séquences finalement coupées au montage par Canal+, qui dit hypocritement « préférer donner la parole aux femmes ».

Mais malgré la censure, les extraits ont pu être diffusés par Les Jours, des images où l’on voit Pierre Ménès tenter de se « défendre » après avoir entendu la victime de son baiser forcé dire que les images étaient « dévastatrices » pour elles : « C’est pas un smack qui va te salir non plus, faut se calmer. Tout ça, c’est ce que je ne supporte plus dans le truc d’aujourd’hui. Si tu ne peux plus faire un bisou sur la bouche à une copine… Au secours ! […] C’est #MeToo, on ne peut plus rien faire, on ne peut plus rien dire  » se plaint-il devant Marie Portolano.
Pour celles et ceux qui n’ont pas l’habitude de regarder les émissions avec Pierre Ménès, ces propos peuvent paraître choquants tant ils montrent une attitude décomplexée d’une des vedettes de Canal+, qui assume totalement ses agressions, en nuançant seulement « qu’on ne l’y reprendra pas ». Et pourtant, ce sexisme décomplexé, on peut le voir tous les dimanches soir, ou sur le compte twitter de l’intéressé, qui demandait à Marie Portolano en 2017 si elle mettrait ses « lunettes de secrétaire perverse » le lendemain.

Les accusations ne s’arrêtent pas là : dans une enquête de Médiapart, les langues se délient et les témoignages s’accumulent. Une journaliste témoigne que les « blagues » sexistes qu’il disait n’arrêtaient pas, comme sous-entendre qu’elle couchait avec tous les footballeurs, ou encore une maquilleuse qui explique qu’en loge, il n’hésiterait pas à « blaguer » sur le fait qu’elle devrait être en train de lui faire une fellation. Tous ces actes, loin d’être cachés ou insoupçonnés, étaient en réalité connus de tous et toutes à Canal+. Tout d’abord, parce que nombre d’entre eux pouvaient avoir lieu en direct, comme un autre baiser qu’il a pu faire à la journaliste Francesca Antoniotti ; ensuite, parce qu’en loge comme en plateau, le personnage ne changeait pas. Et pourtant, pendant dix ans, aucune sanction contre le présentateur vedette, toujours protégé par la direction de Canal. Il y a bien eu un « avertissement » en juin 2020 après la participation de Pierre Ménès à une émission intitulée « Le QG », où il vantait ses « exploits » sexuels avec des lesbiennes ou des jumelles et où se vante d’être « la madone des flics, des Noirs et des Arabes. Statistiquement ils kiffent tous le foot ».

Un avertissement. Et ce sera tout. Circulez il n’y a rien à voir. Une fois de plus, le groupe détenu par Vivendi montre clairement ses priorités, car in fine, c’est bien les parts de marché qui comptent le plus. Car Pierre Ménès est un atout phare de Canal : suivi par 2,5 millions de personnes sur Twitter, celui qui commentait les matchs sur Fifa est un des journalistes qui ramène le plus de téléspectateurs au Canal Football Club. La censure de la direction montre de fait que la défense du sexisme et des agresseurs sexuels dans le milieu du journalisme n’est jamais loin des intérêts financiers. Une réalité qui nous rappelle que, dans le mouvement profond et salvateur qu’est celui de la libération de la parole dans le journalisme et dans la société en général, les femmes ne pourront rien attendre des grandes chaînes et des médias d’État par lesquelles elles ont souvent été employées, mais que c’est seulement par l’indépendance vis-à-vis de celles-ci qu’elles pourront faire réellement entendre leurs voix.


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Arthur Nicola

Journaliste pour Révolution Permanente.
Suivi des grèves, des luttes contre les licenciements et les plans sociaux et des occupations d’usine.
Twitter : @ArthurNicola_

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