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Tous au rassemblement jeudi 24 à Strasbourg en soutien à Mathieu

Mathieu, cheminot menacé de licenciement, raconte son calvaire depuis 3 ans

Nous sommes allés à la rencontre de Mathieu RELIN, cheminot à Strasbourg, syndicaliste de la première heure. Sa direction s’obstine à vouloir le licencier suite à une dispute dans un train. Le bras de fer dur depuis 3 ans. Nous avons voulu comprendre pourquoi ? Et comment il en est arrivé à être dans le viseur de la SNCF.

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RP- Bonjour Mathieu, tu es cheminot, à la SNCF depuis 20 ans, conducteur de train et délégué syndical, tu fais l’objet d’une procédure de licenciement depuis 3 ans, peux-tu nous expliquer pourquoi cette action contre toi ?

Mathieu- Bonjour, effectivement la Direction SNCF essaie de me radier depuis 2016 suite à une altercation avec des voyageurs dans un train, je rentrais de la manifestation contre la loi travail. Après avoir monté précautionneusement un dossier à charge, j’ai eu droit à une parodie de justice avec un conseil de discipline joué d’avance. Ils m’ont plus tard retiré de mon poste pour me mettre en Technicentre (maintenance des wagons). J’ai été privé de mon pass Carmillon, la carte qui permet aux cheminots de circuler librement sur le réseau, pendant 3 ans, j’ai clairement été mis au placard. Heureusement, l’inspection du travail a refusé la demande de licenciement. Etant salarié gréviste, je n’étais en effet pas soumis au pouvoir disciplinaire de mon employeur. Elle a ordonné que je reprenne mon poste de conducteur de train. Par la suite, puisque la boite ne cessait de faire appel, la hiérarchie de l’inspection du travail a également refusé mon licenciement, ainsi que le ministère du travail.
La SNCF a malgré tous poursuivi son acharnement en faisant, cette fois, appel au tribunal administratif. Se sont de grosses procédures avec des entretiens de 2 à 3 heures. Je dois à chaque fois réexpliquer, me défendre. C’est lourd, je dois concilier ma vie de famille et ma vie professionnelle avec la peur permanente de perdre mon travail. Au bout de 3 années de répression ça devient vraiment très difficile à vivre tout ça.
Et le 23 septembre le tribunal administratif a cassé la décision de l’inspection du travail. Je suis donc reparti pour une série d’interrogatoires. Le TA considère que lors du retour de la manifestation, je n’étais pas dans l’exercice de la grève, donc je n’aurais pas dû être protégé par l’article 2511-1 qui dit « qu’un salarié gréviste ne peut être licencié que pour une faute lourde, soit une faute avec l’intention de nuire à l’entreprise ». Il considère que j’étais dans ma vie privée mais tout en étant sur mon lieu de travail en étant dans un train. Le rapporteur en expliquant ses conclusions alambiquées, voir absurdes, a avoué qu’il s’agissait d’une idée novatrice et inédite…
Donc si on suit la logique du tribunal, pour être protégé, un salarié gréviste ne doit pas être protégé tout au long de sa journée de grève, mais seulement à lorsqu’il défend les revendications de cette dernière. C’est un concept assez flou qui laisse la place à beaucoup d’interprétations. Nous avons vite compris qu’il s’agissait pour le tribunal administratif de créer une nouvelle jurisprudence qui allait encore une fois affaiblir les salariés.

Le 23 septembre quand mon syndicat et moi avons eu connaissance de la décision du tribunal administratif, nous avons immédiatement demandé une audience avec la Directrice de région. Nous avons insisté sur le fait que depuis 3 ans de procédure, en dehors de mon implication syndicale, ils n’ont rien à me reprocher. Je conduis mes trains tous les jours et mon chef est satisfait de mon travail. J’ai eu l’occasion de démontrer que la radiation ne s’imposait absolument pas. Je n’avais aucun antécédent de cette nature avant cela dans mon dossier.
On a aussi fait valoir le rapport de force à venir s’ils persistaient à continuer. Mes collègues ne comprennent pas cet acharnement à mon encontre. La répression syndicale est de plus en plus flagrante. Ils sont donc très en colère contre la Direction.

Malgré tout, l’inspection du travail m’a informé récemment que la SNCF maintenait la demande de licenciement, je suis donc convoqué le 25 octobre pour recommencer, à nouveau, à me défendre pour garder ma place…
En réaction SUD-Rail organise un rassemblement le 24 octobre devant la gare de Strasbourg à 10h. La CGT et FO se joignent à l’appel à rassemblement. Je suis soutenu dans tout le « Grand-Est » et partout en France les militants SUD-Rail ont décidé de venir. Des copains d’autres entreprises qui m’avaient déjà soutenu à l’époque seront là aussi. Au final, il risque d’y avoir beaucoup de monde devant la gare jeudi… Après on leur avait promis la guerre, il faut savoir tenir parole !

RP – comment expliques-tu cet acharnement si tu es un bon élément, sans antécédant, pourquoi autant de représailles ?

Mathieu- la réponse est malheureusement dans mon action syndicale, dans l’engagement militant que je mène depuis toujours.
Dès qu’ils ont eu l’occasion d’essayer de m’écraser, ils ont monté le dossier en faisant venir les deux voyageurs impliqués dans l’altercation, leurs ont payé leur déplacement à Strasbourg pour écrire sur document CERFA leur version des faits. Puis la Direction a demandé au contrôleur de recommencer son rapport, sans doute pas assez incriminant à leur goût.
La Direction a diffusé les lettres entièrement à charge partout. Ils m’ont trainé dans la boue en lançant des rumeurs terribles.
Leur but étant de faire passer le message à ceux qui voudraient militer, qu’ils finiront comme moi en paria. Ils veulent faire peur.

RP-Cette stratégie qui viserait à détruire les délégués syndicaux tu l’as constatée ailleurs ?

Mathieu- Bien sur, je ne suis pas un cas isolé, Linda, Éric, Yannick et tant d’autres tous délégués syndicaux et militants engagés. Le fait d’attaquer ces collègues-là, c’est de l’épuration, c’est de la politique d’entreprise de bâillonner les cheminots par la peur et la répression. L’entreprise ne cesse de se transformer. Elle doit se découper en 5 sociétés anonymes en janvier 2020. C’est un vrai big bang social : réorganisation, restructuration, suppressions d’emploi, fin des embauches au statut, renégociation des accords d’entreprise, transfert de personnel dans le privé et les filiales, etc. Nous sommes nombreux à vouloir résister encore à tout ça. Il y a un contexte très tendu en France avec les gilets jaunes, les urgentistes, les pompiers les stylos rouges. Le gouvernement se fiche de tout ça et veut passer tout de même une réforme des retraites dégueulasse, qui sous couvert de mettre tout le monde à égalité, détruit notre système de solidarité intergénérationnel et abaisse le niveau de pension pour tous. Le 5 décembre une grève reconductible se prépare, nous sommes nombreux à œuvrer pour qu’elle soit largement suivie. La SNCF craint évidemment que les choses ne s’enflamment et elle redouble d’effort pour se débarrasser des « agitateurs » de mon espèce en envoyant un message très clair : « ceux qui se révoltent n’ont plus rien à faire chez nous, il n’y a plus rien à gagner taisez-vous ».

RP- Est-ce que tu envisages encore un avenir à la SNCF après avoir subi autant de coups durs ? Tu es toujours autant motivé à militer ?

J’ai surtout du mal à envisager mon avenir en dehors de l’entreprise. Je suis cheminot depuis mes 18 ans, je suis engagé pour le service public, pour la sécurité, pour mes collègues, beaucoup de choses me tiennent à cœur dans le chemin de fer. Je ne perds pas seulement un métier que j’aime, je perds aussi une partie de moi. Être cheminot c’est ce qui me définit en partie… Je n’arrive pas à m’imaginer ne plus l’être… Mais oui, si je parviens à rester dans l’entreprise je continuerai à me battre, plus que jamais, pour le service public, pour qu’on fasse du train, le transport de demain, pour qu’il se dimensionne afin de répondre aux nécessités écologiques de notre monde.

RP-Merci Mathieu d’avoir répondu à nos questions. On rappelle le rassemblement le 24 octobre devant la gare de Strasbourg à 10h pour te soutenir, et pour dénoncer la répression syndicale générale de la SNCF.


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