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M6, co-producteur de stéréotypes de genre

« Mariés au premier regard ». La « science de l’amour » au service de la folie patriarcale

Sarah Macna Nouvelle création de la téléréalité, « Mariés au premier regard » a fait son entrée sur M6 lundi soir. Auréolé du scandale autour de son « sociologue du couple » notoirement sexiste, la nouvelle émission a néanmoins atteint un record d'audience, malgré les critiques des internautes. Le concept de l'émission est simple : des dizaines de célibataires ont été étudié « scientifiquement » par trois experts, qui ont cherché les taux de compatibilités entre eux, dans le but de former des couples qui se marieront sans jamais s'être rencontré, des « perfect match » supposé faire naître des couples pour l'éternité. Une folie romantique ? C'est en tout cas sur cette idée que l'émission cherche à surfer. Mais cette « folie » n'est-elle pas que le symptôme des misères plus profondes de cette société ? Passage en revue des « enseignements de la science » apportés par cette émission.

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Pour trouver l’amour, selon M6, soyez blanc et hétéro !

 
Une chose est sûre, les candidats de cette première émission sont les candidats parfaits de la télévision. Jeunes, blancs, répondant aux critères de beauté dominants, ni au chômage, ni précaires, ni trop gros ni trop maigres, ni trop grands ni trop petits, et bien sûr... hétérosexuels. Le « mariage pour tous », n’est apparemment pas bien passé chez M6. Plus encore, l’émission explique, grâce à notre fameux « sociologue du couple » que pour qu’un couple fonctionne, il faut une sorte de « complémentarité » entre le « taux de masculinité » et le « taux de féminité » de chacun d’entre nous : « Aucun homme n’est 100% H, aucune femme n’est 100% F, on est les deux. On s’entend particulièrement bien quand on a des chiffres opposés, par exemple si tu es 70% femme et 30% homme, ton partenaire idéal il est 30 - 70 ». A partir de là, l’expert doit « expliquer les hommes aux femmes et les femmes aux hommes » aux célibataires-candidats. Adieu Simone de Beauvoir, adieu théorie féministe, adieu même, les acquis de la sociologie du couple dont il se prétend expert et l’éternel adaptation et renouvellement qu’il comporte pour Jean -Claude Kaufmann, ce grand homme explique, à une heure de grande écoute, ce qu’est – ou plutôt ce que doit être ? - un homme ou une femme.

Thomas et Tiffany, premiers en lice et désormais « couple » grâce à la science, a eu un taux de compatibilité de 85%, et les experts sont unanimes sur leur cas. Cliché après cliché, M6 montre les deux individus dans leur quotidien, avec leurs amis et leurs familles, face à cette « folie » supposée romantique du mariage arrangé. Thomas est photographe indépendant, Tiffany auxiliaire puéricultrice. Thomas est un homme grand et indépendant, poète maudit qui vit de son art, Tiffany est une jeune femme entourée de ses amis et de sa famille aimante, mais qui se languit de ne passer ces soirées qu’avec son chat. M6 rejoue la fable du prince charmant et de la princesse éplorée. Tous deux en quête de « l’amour », du « perfect match ».

« L’amour » à tout prix

 
Mais le fond de commerce de cette émission, comme tant d’autres émissions pour « trouver l’amour » n’est évidemment pas que la reproduction de ces stéréotypes sexistes. Ce qui est bien plus au cœur de l’émission, c’est cette quête désespérée de l’âme sœur, celle qui viendra sauver autant le prince charmant que la belle endormie. Angoisse, peur, excitation, larmes des candidats recalés car on ne leur a pas trouvé d’âme sœur compatible, les candidats ne sont pas seulement mis face à la possibilité de trouver un partenaire à leur souhait - il ne s’agit définitivement pas de cela, puisque la "science" en décidera pour eux - mais face à la possibilité d’accomplir ce qui détermine, dans cette société, la réussite sociale : mariage en robe blanche et nœud papillon, époux, voyage de noce, enfants, maison.

Cette nécessité, décidément hétérosexuelle à en croire la direction de la chaîne, est ce qui fait la base de l’émission. Jusqu’à ce que ce soit même un maire, de la ville de Grans pour l’occasion, qui célèbre ce « contrat ». Celui-ci explique bien en effet qu’il ne s’agit pas de sentiments, mais d’un contrat. On en oublierait presque la chasse au « mariage blanc » qui est faite aux immigrés qui osent se marier avec des ressortissants français.

A travers cette émission, ce sont donc les bases fondamentalement patriarcales du mariage qui sont rappelées, bien plus que l’engagement romantique entre deux personnes. Un mariage, une stabilité normée. Une stabilité qui tient à une conception essentialiste de l’individu, décrit et défini grâce à de multiples tests de compatibilité morphologique, psychologique, sexuelle. La belle rencontra le prince. Les relations sont décrites ainsi, et non comme la relation construite entre deux personnalités indépendantes, changeantes, fluides. Pour M6, on ne devient pas couple, on le naît, pour le bien du maintien de l’ordre dominant.


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