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Marche pour Adama. « Laissez-nous respirer » : plusieurs milliers de jeunes à Beaumont-Sur-Oise

Plus de 5 000 personnes ont manifesté ce samedi à Beaumont-sur-Oise à l'appel du Comité Adama. Quatre années après la mort d'Adama, cette manifestation qui a réuni plus que lors des quatre dernières marches se veut toujours plus hégémonique revendiquant vérité et justice pour Adama mais aussi « pour tous les Adama Traoré ». Une manifestation marquée par la convergence avec la « génération climat » mais aussi par la présence d’une jeunesse qui compte bien lutter contre le racisme d’Etat.

Mahdi Adi

18 juillet 2020

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« Y aurait-il un micro-climat à Beaumont-sur-Oise qui favoriserait la convergence des luttes ? » interroge le Huffpost. En effet, après la marche de l’an dernier marquée par le ralliement de nombreux Gilets jaunes à la lutte contre les violences policières, ce samedi pour le quatrième anniversaire de la mort d’Adama Traoré, c’est la jonction entre Génération Adama et Génération Climat que le Comité Adama a voulu réaliser.

La Génération Adama, c’est cette nouvelle génération de jeunes des quartiers populaires que l’on a vu manifester dans les rues le 2 juin et le 13 juin contre les violences policières et le racisme, dans le sillage de la mobilisation internationale qui a suivi le meurtre de George Floyd par la police aux États-Unis. Une jeunesse racisée qui a été particulièrement touchée par la pandémie de Covid-19 et la gestion sécuritaire de la crise sanitaire par le gouvernement, synonyme d’un renforcement de la présence policière dans les quartiers accompagnée de son lot d’intimidation et de violences pour imposer le confinement. Fin avril, plusieurs nuits de révolte avaient eu lieu dans de nombreux quartiers populaires en banlieue parisienne ou Toulouse et Bordeaux notamment, suite à la blessure grave infligée à un homme par une voiture de police à Villeneuve-la-Garenne, alors qu’au moins douze personnes sont mortes pendant la période de confinement après avoir croisé le chemin de la police.

Génération Adama + Génération Climat = Génération Révolution

« C’est un moment historique parce que c’est la première fois que génération Adama et génération climat, on porte un message ensemble : on veut respirer. » Ces mots – en référence à la fois aux derniers mots de George Floyd (« je ne peux plus respirer ») et à la lutte contre le réchauffement climatique et la pollution – sont ceux de Gabriel, militant d’Alternatiba, qui se réclame de l’écologie populaire. A rebours des conceptions institutionnelles de l’écologie « dont s’accommode bien le pouvoir, qui consiste à dire ’’on va faire des éco-quartiers’’ pour expulser les classes populaires de là où elles vivent », il s’agissait donc ce samedi à Beaumont-sur-Oise de revendiquer la jonction entre la jeunesse des quartiers populaires et celle dite de « la génération climat », plus hétérogène socialement, qui s’était constituée avec les Marches pour le Climat de 2018.

Marche pour Adama. Gabriel d'Alternatiba

Est-ce que vous pensez vraiment que pour faire cette société, on peut faire semblant qu'il n'existe pas cette inégalité et cette oppression dans les quartiers ? Non bien évidemment, si on veut construire cette société de demain, on doit ouvrir les yeux sur cette réalité.

Publiée par Révolution Permanente sur Samedi 18 juillet 2020

Une unité revendiquée parce que « sans mouvement populaire, c’est impossible de faire avancer les choses ». Une jonction avec la lutte contre la crise climatique et contre le racisme et les violences policières qui ne peut que se placer sur le terrain anti-institutionnel, en lien avec la lutte contre le capitalisme. Et cela d’autant plus que les solutions institutionnelles semblent bien défraîchies tant sur l’écologie que les violences policières : les taxes sur les classes populaires pour faire payer la crise écologique aux plus précaires, à l’interdiction de la clé d’étranglement remplacé par les Taser – arme létale selon un rapport d’Amnesty International. De l’autre, il est aujourd’hui évident que c’est la mobilisation qui a permis de faire avancer le combat pour obtenir justice et vérité pour les victimes de violences policières, en rendant possible d’obtenir l’audition d’un des témoins clés de l’affaire, la reconstitution de la nuit de la mort d’Adama Traoré, ou encore la mise en cause des gendarmes responsables de son interpellation pour homicide volontaire que réclame le Comité Adama.

« Une rentrée sous le signe de l’antiracisme »

Pour Omar Slaouti, militant des quartiers populaires, c’est clair : « la très bonne nouvelle c’est la dimension populaire, en termes de légitimité politique » acquise par le mouvement anti-raciste avec l’émergence de cette nouvelle génération Adama. Un véritable point d’appui pour la suite, c’est qu’aujourd’hui « les quartiers descendent dans la rue ». Car si les plus de 5 000 personnes qui ont manifesté sont en deca de l’immense foule descendue dans les rues de Paris les 2 et 13 juin derniers – la faute notamment à une conjoncture particulière liée à une période de confinement des plus difficile à laquelle les quartiers populaires ont payé un lourd tribu, à la nécessité de prendre des vacances d’été pour « oublier », mais peut-être aussi à l’absence des trains de banlieue emmenant à Beaumont-sur-Oise ce samedi qui illustre la pénurie de services publics dans les quartiers populaires – il s’agit maintenant de se projeter vers la rentrée sociale.

Assa Traoré a ainsi d’ores et déjà fait part de son intention d’organiser avec le Comité Adama, une manifestation pour exiger la démission de la juge en charge de l’affaire Adama, après qu’elle ait notamment refusé pendant quatre ans d’auditionner une nouvelle fois un des témoins clé de l’affaire. Mais pas seulement, puisque le nouveau gouvernement nommé par Emmanuel Macron promet de reprendre coûte que coûte le train des réformes anti-sociales, à l’instar de la réforme des retraites ou de celle de l’assurance-chômage, qui vont frapper de plein fouet les plus précaires, en particulier les jeunes et les habitants des quartiers populaires.

#MarchePourAdama. Omar Slaouti : "Les quartiers descendent dans la rue parce qu'ils se sentent reconnus et visibilisés"

#MarchePourAdama. Omar Slaouti : "Le premier constat qu'on peut faire, c'est visibile ici c'était vrai aussi il y a quelques semaines, il y a ce qu'on appelle la génération Adama, ces jeunes qui sortent des quartiers populaires qui disent vous pourrez pas faire sans nous et contre nous."

Publiée par Révolution Permanente sur Samedi 18 juillet 2020

A ce titre, « le mouvement ouvrier devrait lutter contre les violences policières et le racisme d’État comme il lutte contre la réforme des retraites » rappelle le cheminot, syndicaliste Sud-Rail et militant NPA – Révolution Permanente. Car comment espérer faire face à un gouvernement déterminé à continuer l’offensive sans unifier notre camp social ? Or si le racisme est un poison qui divise notre classe, le meilleur moyen de l’unifier reste bien de lutter contre lui et contre les biais par lesquels il s’exprime, en particulier les violences policières.

Pourtant ce samedi, les organisations traditionnelles du mouvement ouvrier brillaient par leur absence. Et pour cause, les directions syndicales se sont au mieux abstenu d’appeler à manifester, lorsqu’elle ne continuent pas d’entretenir un rapport complice avec l’institution policière comme c’est le cas de Force Ouvrière, dont le syndicat SGP-Police a nommé délégué syndical le policier qui a tué Amine Bentounsi d’une balle dans le dos en 2012.

Face au silence assourdissant et complice des directions syndicales, il s’agit de construire à la base la jonction entre mouvement ouvrier et mouvement anti-raciste. Car « ceux qui subissent les violences policières sont des prolétaires » rappelle encore Anasse Kazib, et qu’à ce titre il est impensable de penser unifier notre camp social sans prendre en charge les revendications spécifiques d’un des secteurs les plus exploités, telles que la lutte contre le racisme d’État et les violences policières, pour obtenir justice et vérité pour les victimes de la police par la mise en place de commission d’enquête indépendante de l’État et de ses institutions, mais aussi pour la régularisation des sans-papiers et des logements dignes pour toutes et tous.


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