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A bas les frontières et la police

Marche des sans-papiers et manif contre les violences policières : après le confinement, la colère

Marches de sans-papiers et manifestations contre les violences policières, ce samedi a été rythmé par la mobilisation contre le racisme et la précarité. Des ensembles HLM aux foyers d'immigrés, c'est la même police qui matraque et qui tue, et le même patronat qui exploite.

Mahdi Adi

20 juin 2020

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Crédit photo : Flora Carpentier

La Marche des Solidarités a réuni 50.000 personnes à Paris selon les organisateurs, et des milliers d’autres dans plusieurs ville de France, malgré l’interdiction de manifester à Rennes et Lille, pour exiger la régularisation de tous les sans-papiers, la fermeture des Centre de Rétention Administrative, et des logements pour tous. Une réussite qui fait écho à la marche du 30 mai dernier, première manifestation post-confinement. Pour les sans-papiers, l’origine de la colère est double, mais au final le sentiment est le même : « si tu n’a pas de papier, tu n’es rien ».

« On bosse ici, on vit ici, on reste ici »

Certains ont continué à travailler pendant le confinement et ont participé à faire tourner l’économie pendant la crise sanitaire dans la distribution, le nettoyage, ou la livraison. D’autres se sont fait licencier du jour au lendemain sans bénéficier d’aucune aide financière pour payer le loyer et remplir le frigo. Enfin et surtout un peu des deux, comme les livreurs sans-papiers de Frichti, enseigne de livraison de nourriture à domicile, qui utilise des « livreurs indépendants » qu’elle embauche en tant qu’auto-entrepreneur, forme moderne du salariat déguisé, justement pour pouvoir mettre à la porte les livreurs quand elle le souhaite.
Et après deux mois de travail intense pendant le confinement, c’est ce qui est arrivé aux livreurs sans-papiers de Frichti. La direction leur a envoyé un mail pour leur expliquer qu’elle n’accepterait plus de faire travailler ceux qui n’ont pas de titre de séjour valable.Une claque pour environ 600 livreurs sans-papiers. Depuis, ils se mobilisent pour imposer à Frichti de les réembaucher, et exiger leur régularisation.

« On est solidaires avec le cousin Adama »

Une colère qui prend largement et qui n’est pas non plus étrangère à la vague de mobilisation contre le racisme et les violences policières. « Le racisme on le vit au quotidien » peut-on entendre. Les violences policières aussi. Là encore le confinement a joué un rôle d’accélérateur. Lorsqu’on vit en foyer, entassés à quatre ou cinq dans une chambre, en ayant perdu toute source de revenu, on se retrouve obligé de sortir. Et dehors ce sont les mêmes scènes, en boucle.
La police qui contrôle, qui insulte, qui met des amendes pour non-port du masque, parfois qui gaze et qui frappe. Alors beaucoup de sans-papiers le disent : « on est solidaires avec le cousin Adama », en référence à Adama Traoré.

D’ailleurs au même moment a lieu une manifestation pour commémorer la mort de Lamine Dieng, mort dans un fourgon de police en 2007. Ramata et Fatou Dieng sont des figures emblématiques du mouvement contre les violences policières. Le 19 juillet 2016, lorsqu’Adama Traoré meurt à Beaumont-sur-Oise, Ramata Dieng se rend immédiatement là-bas pour rencontrer la famille Traoré. Elle et le collectif Vies Volées jouent un rôle de coordination et de structuration important des familles de victimes de violences policières.
Alors elles savent que si aujourd’hui, l’État français annonce reverser 145.000€ après treize ans de procédures, c’est grâce à la mobilisation. En treize ans elles ont eu droit à trois non-lieux pour les policiers qui ont tiré sur son frère. « Un non lieu ça résonne dans la tête de la famille comme quelque chose qui n’a pas existé. Il est mort mais les circonstances de sa mort n’existent pas », dira Omar Slaouti pendant les prises de parole.
C’est dans ce contexte que de nombreuses familles de victime ont répondu présentes à l’appel, comme Assa Traoré, Aurélie Garand, ainsi que la famille de Sabri Chouhbi, ou Awa Gueye la sœur de Babacar Gueye, un sans-papiers de 27 ans d’origine sénégalaise tué à Nantes par un policier de la BAC qui lui tire cinq balle dans le corps alors qu’il fait une crise de démence et se mutile le ventre avec un couteau.

Après les prises de parole Place de la République, la manifestation contre les violences policières devait remonter dans le Nord de Paris. A cette occasion les sans-papiers avaient prévu de les rejoindre au niveau du métro Père Lachaise, là où se croisait l’itinéraire des deux manifs. Mais il y a un mais. La police aussi a prévu le coup. Et des CRS avec des fourgons et du matériel anti-émeute empêchent les manifestants d’avancer au moment où ils se croisent. Certains forcent le passage, mais finalement la Marche des Solidarité sera empêchée d’avancer jusqu’à ce que la manifestation contre les violences policières se soit éloignée. Les deux marches se termineront dans le calme, l’une à Stalingrad, l’autre dans le quartier de Ménilmontant.

« Être anti-raciste c’est exiger la liberté de circulation et d’installation »

« Cette manifestation c’est l’occasion de rappeler qu’un des visages du racisme aujourd’hui c’est la politique réservée aux sans papiers, et qu’être anti-raciste c’est exiger la liberté de circulation et d’installation. » La phrase est d’Olivier Besancenot, porte-parole du Nouveau Parti Anticapitaliste et présent à la manifestation des sans-papiers.

Et pour cause, il n’y aucune illusion à avoir à l’égard de l’ex-ministre de la Justice Christine Taubira, qui lançait des fleurs à Assa Traoré la semaine dernière en essayant de faire oublier son passé au gouvernement Hollande qui expulsait – lui aussi – les sans-papiers en charters. Ou de Jean-Luc Mélenchon qui, après avoir pris position pour le mouvement contre les violences policières, s’est fait le relais des amalgames racistes et xénophobes en fustigeant « ceux qui sont pris à Dijon dans des bandes armées et qui sont en train de demander l’asile politique ».

Autre bémol à gauche cette semaine, la réticence des organisations du mouvement ouvrier - à l’exception notable de certaines sections syndicales combatives - non seulement à intervenir dans le mouvement actuel contre le racisme et les violences policières, mais même à prendre position de manière conséquente contre le violences policières, en dénonçant par exemple la répression raciste exercée par des agents de la Sûreté SNCF contre une femme enceinte enceinte à la gare d’Aulnay-sous-Bois pour défaut de titre de transport. Le syndicat Sud Rail Paris Nord est le seul à avoir dénoncé cette répression raciste, et sa position a déclenché une levée de bouclier à la fois en interne et chez d’autres cheminots et organisations syndicales qui ont préféré défendre le police ferroviaire. A ce titre il faut affirmer que la lutte anti-raciste même doit être menée au sein même de la classe ouvrière, de même que la dénonciation des politiques répressives que le gouvernement sous-traite de plus en plus aux salariés de la SNCF.
C’est une condition pour unifier la classe des travailleurs et la rendre capable de révolutionner la société, au moment ou des centaines de milliers de jeune en France et des millions dans le monde se soulèvent contre le racisme systémique et les violences policières.
Au même titre que, comme le dit Ahmed Berrahal militant CGT RATP au dépôt de bus de Flandres à Pantin (93), lui aussi à la manif des sans-papiers, « même dans le public tous les sous-traitants emploient des sans-papiers parce que ça coûte moins cher », la lutte pour la régularisation de tous les sans-papiers apparaît comme stratégique contre les velléités du grand patronat de faire payer la crise aux plus précaires en licenciant et en se servant d’une main d’œuvre corvéable à merci.


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