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Troupes françaises, hors d’Afrique !

Mali. L’armée française tue un civil et en blesse deux autres

Mardi, au Mali, des soldats français ont ouvert le feu sur un bus qui « refusait de s’arrêter », ce que conteste le conducteur, tuant une personne à l'intérieur et en blessant deux autres. Une nouvelle mort causée par les soldats français qui vient alourdir le lourd bilan de victimes civiles depuis le début du conflit.

Inès Rossi

3 septembre 2020

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Crédits photo : AFP

Dans un communiqué, l’état-major français explique que des militaires de l’opération Barkhane ont ouvert le feu sur un bus qui allait dans leur direction, à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Gao, dans le nord-est du Mali. Selon les militaires, cités par l’AFP, le véhicule a été l’objet de « sommations verbales et gestuelles, puis d’un premier tir de sommation alors que la menace de véhicules suicides est élevée  ». Le bus ne s’arrêtant pas, « un second tir de sommation dirigé vers le sol a alors été effectué. Deux balles ont ricoché sur le sol et traversé le pare-brise, blessant trois passagers dont l’un grièvement ».

Bilan de ce simple « ricochet » : un mort, et deux blessés. Quant au chauffeur du bus, il conteste cette version, et dit n’avoir « entendu que les tirs qui ont blessé trois personnes ». Le communiqué, voulu comme une suite d’affirmations objectives, n’a pourtant rien de neutre et tend à faire apparaître cette attaque comme une réaction proportionnée et raisonnable. En effet, le texte insiste sur la responsabilité du conducteur et des civils : « un bus qui se dirigeait à vive allure en direction du convoi militaire [français] a fait l’objet de sommations verbales et gestuelles, puis d’un premier tir de sommation ».

Les militaires français, force d’occupation dotée du permis de « neutraliser » selon les euphémismes en vogue chez les diplomates, n’en sont d’ailleurs pas à leur première exaction dans le cadre de leur intervention au Sahel et en Centrafrique. Le 30 novembre 2017, c’était un enfant de 10 ans qui était assassiné « par erreur » par des soldats français qui l’ont enterré rapidement pour cacher le meurtre. En 2014, des soldats français en Centrafrique sont accusés d’avoir violé de jeunes garçons dans des camps de déplacés. En juin 2019, des militaires ont tué 3 personnes, dont un enfant de 12 ans, dans des circonstances similaires.

Voilà le véritable visage de la « guerre pour la paix » menée par l’impérialisme français qui a profondément déstabilisé la région et le pays par ses interventions et ses ingérences. La présence de l’armée française au Mali, pour assurer sa domination néo-coloniale sur ce pays mais aussi comme position militaire stratégique à occuper au Sahel, apporte son soutien aux exactions commises ou soutenues plus ou moins discrètement par l’armée malienne.

Aujourd’hui, l’opération Barkhane est l’intervention militaire extérieure française la plus importante, déployant 4500 militaires dans la région, concentrés autour des bases de Gao au Mali, Niamey au Niger ainsi que N’Djamena au Tchad. Elle a pris la suite de l’opération Serval, lancée en janvier 2013 par François Hollande. A l’époque, face à la poussée d’une rébellion des populations touarègues au Nord du Mali, le gouvernement français en a profité, sous prétexte de lutte contre le terrorisme, pour déclencher un plan d’intervention militaire qui a de facto permis l’installation de bases militaires françaises permanentes dans cette région stratégique.

Quels résultats concrets pour ce projet présenté comme une opération de sécurisation de la région et de lutte contre les groupes djihadistes ? Depuis janvier 2013, le nombre de victimes civiles n’a que peu baissé dans un premier temps avant d’augmenter de façon effrayante ces derniers mois. Selon un rapport de l’université du Sussex, la guerre au Mali a fait plus du double de victimes civiles entre 2018 et 2019 qu’entre 2013 et 2018 : un peu plus de 700 pour les 5 premières années de conflit contre plus de 1300 en 18 mois. Si la lutte contre le terrorisme était le prétexte évoqué par la France pour justifier l’intervention de troupes dans cette partie de l’Afrique, c’est bien la défense des intérêts économiques et militaires de l’impérialisme français qui est la seule et unique raison de cette opération.

En effet, la stabilité, ou du moins le contrôle, du Sahel et du Mali est un facteur déterminant pour l’accès aux importantes richesses souterraines de la région, comme l’or et l’uranium par exemple. Le déploiement de l’armée française a notamment permis d’installer durablement des troupes au Burkina Faso et au Niger, important producteur d’uranium, et ainsi assurer l’exploitation de cette matière première stratégique à l’industriel français Areva (devenu Orano). Comme à chacune de ses opérations en Afrique, toujours présentées comme humanitaires, l’État Français cherche avant tout à protéger les intérêts de ses grands groupes capitalistes comme Total ou Bolloré, spécialistes de l’exploitation des matières premières.

Le coup d’Etat militaire du 18 août dernier qui a renversé IBK, s’il a pu perturber comme un contretemps les plans de la France, a depuis été sinon officiellement reconnu du moins admis par le Quai d’Orsay et il est aujourd’hui clair que l’impérialisme français n’a pas de souci à se faire vis-à-vis des putschistes. L’un des militaires, le général Wagué, a effet déclaré que « tous les accords passés » seront respectés : « La Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali), la force Barkhane, le G5 Sahel, la force Takuba (force opérationnelle européenne en coordination avec le G5 Sahel pour appuyer l’armée malienne) demeurent nos partenaires ». Autrement dit, les militaires, tout comme le gouvernement corrompu d’Ibrahim Boubacar Keïta (ainsi que tous les précédents), s’engagent à poursuivre leur politique de soumission à l’impérialisme français et aux autres puissances mondiales.

Face à la défense acharnée des profits de l’impérialisme français, la vie des populations locales ne semble pas peser bien lourd pour l’État français, ces hommes, ces femmes et ces enfants relèveront au mieux de vagues « dommages collatéraux » dans des brèves de presse confidentielles. Contre le pillage néo-colonial du Sahel, les ingérences et la déstabilisation des États de la région, qui seront des terrains de jeu à la concurrence redoublée entre les puissances capitalistes en ces temps de crise et de guerre économique plus aiguë, nous devons revendiquer le retrait total de toutes les troupes françaises au Mali et sur tout le continent africain !


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