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Retrait total

Loi sécurité globale : le Sénat vote le texte liberticide du gouvernement en commission

Ce mercredi 3 mars, la commission des lois du Sénat a adopté sa position quant à la nouvelle proposition de loi Sécurité Globale, après que Gérald Darmanin ait affirmé « s’en remettre à la sagesse du Sénat ». Loin d’être un recul sur le contenu de la loi, la version sénatoriale propose au contraire une nouvelle version tout aussi liberticide que celle qui nous avait conduit dans la rue.

Enora Lorita

3 mars 2021

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Source photo / AFP

Le 24 novembre 2020, l’Assemblée nationale adoptait la proposition de la loi relative à la sécurité globale. Face à l’immense contestation qui s’était exprimée quant à cette loi liberticide, le gouvernement avait fin novembre opéré un recul tactique et annoncé une réécriture de l’article 24. En outre, en réponse à l’immense manifestation qui avait réuni 500 000 personnes à Paris, la majorité avait été contrainte de revoir ses calculs pour calmer la colère.

Cette annonce de réécriture du texte par les députés LREM avait eu pour effet d’agacer le Sénat, qui s’était empressé de dénoncer l’amateurisme du gouvernement. La majorité avait en effet proposé une réécriture complète alors même que le texte avait été intégralement adopté en première lecture à l’Assemblée.

C’est dans ce contexte qu’a débuté ce mercredi matin l’examen de la proposition de loi en commission des lois du Sénat, avant que le texte ne soit examiné par l’ensemble de la chambre haute du Parlement à partir du 16 mars 2021. A huit clôt, les sénateurs ont donc voté une nouvelle version de la loi, et notamment réécrit l’article 24.

Mais cette fois, le gouvernement a adopté un tout autre ton, tourné vers le dialogue avec les parlementaires. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, a ainsi rencontré ce mardi 2 mars les deux co-rapporteurs du texte au Sénat, Marc-Philippe Daubresse (LR) et Loïc Hervé (Union centriste).

Alors qu’il lui avait été reproché une gestion très exécutive et « par le haut » de la loi sécurité globale et notamment de son controversé article 24, le ministre a cette fois adopté l’attitude inverse, affirmant aux sénateurs qu’il « s’en remettrait à la sagesse du Sénat ». Après avoir fait un mea-culpa début janvier reconnaissant que l’article 24 « était mal rédigé », Gérald Darmanin tente de s’extraire du processus législatif et de faire porter la responsabilité au Parlement.

La fin de l’article 24 ?

Au-delà des effets d’annonces, qu’en est-il réellement de l’article 24 ? Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler que l’article 18 de la loi séparatisme, adopté le 11 février 2021, reprend substantiellement le contenu initial de l’article 24 de la loi sécurité globale. En outre, cet article 18 punit par cinq ans d’emprisonnement « le fait de révéler, diffuser ou transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser, dans le but de l’exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque immédiat d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique, ou aux biens ». Une manœuvre qui avait été dénoncée par le Bâtonnier de Paris et le secrétaire général de Reporters sans frontières, estimant que cette nouvelle disposition était en réalité pire que l’initial article 24, puisqu’il ne s’inscrivait pas dans la loi de 1881, relative au droit de la presse, et empêcherait ainsi les journalistes de bénéficier de garanties procédurales. Il expliquait dans le Courrier de l’Atlas que : « L’article 18 pourrait être dévoyé et donner lieu à des arrestations en flagrant délit de journalistes sur le terrain par des membres des forces de l’ordre dans le but de leur nuire » et demandait qu’il soit supprimé du projet de loi.

De plus, le Sénat, maintenant chargé de la réécriture de l’article 24 de la loi sécurité globale, compte bien renchérir et aller encore plus loin. La version sénatoriale ne se place également plus dans le cadre de la loi de 1881, mais souhaite créer deux délits dans le Code Pénal. La première infraction, punie par cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, réprimerait « la provocation à l’identification » des policiers et de leur famille, « dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à (leur) intégrité physique ou psychique ». La deuxième concerne le traitement des données personnelles des fonctionnaires, et sanctionne celui-ci s’il ne respecte pas le règlement général sur la protection des données (RGPD) et la loi informatique et libertés .

Une réécriture tout aussi liberticide et libre à l’interprétation que la précédente. Le champ de « la provocation à l’identification » pourrait même être plus large que la diffusion des images visée dans le précédent article puisqu’elle pourrait inclure la diffusion d’un numéro RIO ou du nom d’un policier par exemple. On imagine alors facilement l’usage répressif de cette loi contre notre camp social, car alors même qu’elle n’est pas encore rentrée en vigueur, la diffusion du nom des policiers est déjà passible de condamnation lorsqu’on dénonce leur impunité, comme le montre celle d’Assa Traoré récemment.

Autres mesures de surveillance généralisée

L’article 24 n’est pas le seul qui pose problème dans la nouvelle loi approuvée par la Commission des lois. En outre, l’article 20 du projet de loi propose que le visionnage et l’accès aux images des caméras installées sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public, actuellement uniquement accessible à la gendarmerie nationale, soit étendue à la police municipale ainsi qu’aux services de sécurité SNCF et RATP.

De même, a été voté un article sur les drones reprenant le contenu de celui de la première loi sécurité globale, facilitant ainsi l’utilisation des drones pour surveiller massivement et réprimer les mouvements sociaux. Les caméras-piétons sont également au cœur de la loi : elles seront massivement développées et les images seront transmises « en temps réel au poste de commandement ». En outre, l’ensemble de ces images pourront être utilisées par les services de l’État.

Pour toutes ces raisons, loin d’être un recul de la part du gouvernement, cette nouvelle tactique de s’en « remettre au Sénat » aboutira à une loi réactionnaire, contre laquelle nous devrons nous battre dans la rue, exigeant son retrait total mais également celui de toutes les lois liberticides et racistes tel que la loi séparatisme.


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