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Offensive sécuritaire

Loi antiterrorisme. Interception de messages privés, perquisitions : une nouvelle attaque contre nos libertés

Ce mercredi, le ministre de l’Intérieur a présenté le nouveau projet de loi anti-terrorisme en conseil des ministres. S’inscrivant dans la droite lignée de la Loi Séparatisme et de la Loi Sécurité Globale, ce projet de loi vise à inscrire dans le droit commun des mesures liberticides de la loi anti-terrorisme de 2017.

Irène Karalis

26 avril 2021

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Crédits photo : JEAN-FRANCOIS MONIER/AFP

Gérald Darmanin a présenté ce mercredi un projet de loi anti-terrorisme en conseil des ministres. « L’hydre islamiste est toujours très présente », a-t-il affirmé dans le Journal du Dimanche, justifiant de vouloir continuer « à renforcer nos moyens pour lutter contre une menace qui évolue ». Ce projet de loi s’ajoute à la vingtaine de lois antiterroristes promulguées en France depuis 1986. Composé de 19 articles, il vise à renforcer et à entériner des mesures qui étaient dans la loi renseignement de 2015 et de la loi sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (SILT) de 2017, qui arrive à terme en juillet.

La loi SILT : une attaque historique contre les libertés démocratiques

Adoptée en 2017, la loi SILT tendait à pallier la levée de l’état d’urgence en inscrivant ses principes majeurs dans le droit commun jusqu’au 31 juillet 2021. Elle permettait ainsi en premier lieu l’installation de périmètres de sécurité hors état d’urgence dans un lieu ou pour un événement « exposé à un risque d’actes de terrorisme en raison de sa nature et de l’ampleur de sa fréquentation » où les fouilles de sacs, d’individus et de véhicules seraient autorisées. Elle permettait également la fermeture de lieux de culte qui, « particip[ant] à la diffusion d’idées (...), provoquent à la violence, à la haine et à la discrimination, (...) à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes ». D’autre part, elle a permis que les assignations à résidence deviennent « des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance », les MICAS, pour les personnes soupçonnées de « représenter une menace », ainsi que la facilitation des contrôles d’identité au faciès.

Justifiées par une menace terroriste qui ne ferait qu’augmenter et qui légimerait le déploiement d’un arsenal répressif, cette loi constituait déjà un recul historique des libertés démocratiques en France. Pourtant, le gouvernement avait à l’époque refusé un amendement proposé par la France Insoumise permettant de réquisitionner les entreprises qui financent le terrorisme, montrant bien que, loin de vouloir lutter contre Daech, financé par des groupes comme Lafargue, cette loin permettait avant tout de réprimer plus facilement les mouvements sociaux et les grèves tout en augmentant la pression sur les quartiers populaires. Ces mesures de restriction des droits démocratiques ont ainsi été utilisées contre les manifestants, d’abord pendant la Loi Travail, puis, par la suite, pendant les Gilets jaunes et tous les mouvements sociaux qui ont suivi, et ont permis de légitimer la répression que l’État organise quotidiennement contre les quartiers populaires et les militants politiques et syndicaux.

Instrumentaliser le terrorisme à des fins sécuritaires

Le nouveau projet de loi présenté par Gérald Darmanin va donc inscrire dans la loi quatre mesures liberticides contenues dans la loi SILT : la mise en place des périmètres de protection, la fermeture administrative des lieux de culte, les perquisitions administratives ainsi que les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance. En ce qui concerne ces dernières, le projet de loi prévoit de prolonger leur durée : les personnes condamnées à au moins cinq ans ferme pour terrorisme pourront faire l’objet de contraintes administratives « jusqu’à deux ans » après leur sortie de prison, contre un an aujourd’hui. Par ailleurs, le projet de loi permettra de fermer non seulement certains lieux de culte, mais également les locaux en dépendant. Enfin, le projet prévoit de recourir à des technologies pour renforcer la surveillance et le pistage : la durée pour recueillir des données informatiques sera fixée à deux mois, les interceptions de correspondances échangées par voies satellitaires seront facilitées et le gouvernement prévoit de recourir à des algorithmes pour traiter des données de connexion, prolongeant ainsi la loi renseignement de 2015.

L’annonce de ce projet de loi intervient quelques jours seulement après l’attentat de Rambouillet où une policière s’est fait assassiner par un homme de 36 ans. Les réactions politiques instrumentalisant ce meurtre n’ont pas tardé à arriver, Jean Castex affirmant lors de sa venue au commissariat de Rambouillet : « notre détermination à lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes est plus que jamais intacte ». Marine Le Pen, elle, a déversé son habituel discours xénophobe, dénonçant le prétendu « laxisme » du gouvernement et revendiquant l’arrêt des régularisations de sans-papiers. Nicolas Dupont-Aignan n’a pas tardé à lui emboîter le pas, fustigeant le « laxisme migratoire » du gouvernement.

Il y a fort à parier que cet attentat va sans doute servir de justification à ce nouveau projet de loi liberticide, d’autant plus dans un contexte de la campagne d’Emmanuel Macron en vue des présidentielles de 2022 visant à rappeler à la droite son projet sécuritaire. Ces dernières semaines, il n’a ainsi cessé d’insister sur sa volonté de renforcer l’arsenal policier, à l’instar de l’annonce de maintenir son objectif des 10 000 policiers en plus d’ici la fin de son mandat, ou de la création dans d’une réserve dans la police de 30 000 hommes dans le cadre de la Loi Sécurité Globale. Anticipant un second tour Macron-Le Pen lors des prochaines présidentielles, le gouvernement chasse sur le terrain de la droite et de l’extrême-droite en adoptant leurs codes et leur rhétorique raciste et réactionnaire.

Plus généralement, ce projet de loi s’inscrit dans le projet sécuritaire et islamophobe en marche depuis le début du mandat de Macron, dans l’optique de renforcer l’arsenal répressif de l’État en vue des prochaines explosions et des prochains affrontements sur le terrain de la lutte des classes, après le mouvement des Gilets Jaunes, la grève contre la réforme des retraites et le mouvement contre les violences policières. En réalité, ce projet de loi s’inscrit dans la droite lignée de la Loi Séparatisme, loi ouvertement islamophobe, et de la Loi Sécurité Globale, qui vise à renforcer l’arsenal policier ainsi que l’impunité policière. Par toutes ces réformes, le gouvernement se prépare au combat et assure ses arrières de manière à pouvoir faire passer toutes ses réformes antisociales, à l’image de la réforme de l’assurance-chômage et de la réforme des retraites. Dans ce contexte, il est impératif de dénoncer et de combattre dans la rue toutes ces lois antisociales, racistes et liberticides, et que l’ensemble des organisations politiques et syndicales s’attèlent à organiser la riposte.


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