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Pas de « gouvernement de mission »

Liban. Derrière la sortie acide, un premier échec de Macron et de l’impérialisme français

Alors que le Premier ministre libanais Moustapha Adib a renoncé à former un « gouvernement de mission » appelé de ses vœux par Emmanuel Macron ce samedi, le président français a, dans une conférence de presse ce dimanche 27 septembre, fustigé la classe politique du pays. Une sortie acide qui masque mal l'échec de Macron pour peser sur les réformes voulues par l'impérialisme français.

Julian Vadis

28 septembre 2020

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« Les dirigeants des institutions libanaises n’ont pas souhaité respecter l’engagement pris devant la France et la communauté internationale. Ils ont décidé de trahir l’engagement pris ». C’est avec ces mots qu’Emmanuel Macron a, ce dimanche 27 septembre, commenté l’annonce du Premier ministre libanais Moustapha Adib qui, la veille, a renoncé à former un « gouvernement de mission » exigé par le président français lors de sa visite à Beyrouth début septembre. Si l’ensemble de la presse dominante française pointe du doigt les exigences des forces politiques chiites, et en particulier du Hezbollah, pour expliquer la non-formation de ce gouvernement, le ton colonial de Macron – qui est allé jusqu’à déclaré qu’il s’agissait d’une « honte » pour l’ensemble de la classe politique libanaise, masque mal l’échec du président français dans son entreprise d’ingérence impérialiste dans cette affaire.

Pour Macron, un échec qui compromet les intérêts impérialistes français, sur fond d’exploitation de gisements gaziers

Comme l’expliquait Georges Chebib, entrepreneur et consultant en affaires internationales, et Sébastien Boussois, chercheur en sciences politiques associé au Cecid, dans un article publié dans La Tribune le 14 août dernier, les explosions tragiques à Beyrouth au début du mois d’août constituait une opportunité pour l’impérialisme français de se repositionner au Liban, notamment sur la question de l’influence de Paris sur la politique locale.

Pour eux, « le Liban devient, à la faveur du chaos actuel, l’épicentre des enjeux géostratégiques de l’est méditerranéen. Tous les acteurs internationaux semblent déjà avoir fait le deuil de la potentielle émergence au cœur du Liban de nouvelles forces politiques capables de stabiliser et purifier le pays. [...] C’est l’occasion unique pour Paris de revenir sur place dans le concert des puissances orientales avec l’appui de Washington et une forme « d’entente » avec Téhéran. Depuis longtemps, la France aurait pu reprendre sa place au Liban, à la faveur de l’histoire, dans la vie politique locale. Il ne serait pas saugrenu de parler d’un alignement d’intérêts du Hezbollah chiite et de la France face à une montée en puissance de l’influence turque dans la population sunnite libanaise. Le président Macron revient à une politique plutôt d’ordre gaulliste : après avoir fait le tour de la classe politique libanaise ces derniers jours, il serait, selon les rumeurs, resté dans le tour de table beaucoup plus longtemps avec les représentants du Hezbollah, ayant bien compris que le parti de Dieu était le pivot central de la résolution de la crise et qu’on ne pourrait pas faire sans ».

Objectivement, l’échec de la formation d’un gouvernement de mission à même de mener les réformes que Macron souhaite faire appliquer au Liban par la position même du Hezbollah sonne comme un désaveu sanglant. Surtout, il s’agit d’un revers qui s’inscrit dans une situation tendue, tant sur le plan géopolitique que par le fait même de l’instabilité politique au Liban, caractérisée par différents mouvements sociaux d’ampleur ces derniers mois et dernières semaines. Une instabilité qui, couplé aux velléités d’autres puissances mondiales importantes, pourrait nuire aux intérêts d’une multinationale comme Total. En effet, la multinationale française, qui a connu un échec dans son exploration de puits gaziers en méditerranée en avril dernier, n’a évidemment aucune intention d’abandonné le terrain. Comme l’explique Aurélie Barbiaux dans un article d’Usine Nouvelle daté du 25 août dernier, cet échec « fait partie des risques de l’exploration d’hydrocarbures en offshore profond » et « ne met pas un terme aux activités de Total dans la zone. Le consortium mené par la major française a aussi en charge l’exploration du bloc 9 dans les eaux libanaises, à 25 kilomètres d’une zone maritime d’intérêts économiques revendiquée aussi par Israël ».

Des intérêts qui, bien loin des prétendus liens ancestraux d’amitié invoqué pour justifié l’interventionnisme français dans les affaires internes libanaises, sont la source du courroux de Macron de ce dimanche 27 septembre. Plus encore, ces éléments s’inscrivent évidemment dans le climat de fortes tensions qui traverse aujourd’hui la méditerranée orientale, où la France, à l’instar d’autres puissances impérialistes, attisent les tensions pour tirer le meilleur parti pris dans l’exploitation de ces fameux gisements gaziers récemment découvert.

Macron et la France hors du Liban !

Pour les travailleurs et les masses populaires libanaises, Macron et la France, qui vise avant tout à reconquérir un leadership dans la région pour piller les ressources naturelles, sont donc tout sauf un quelconque soutien. Tout au contraire, en s’affichant en sympathie avec la contestation légitime qui s’exprime dans le pays et en réclamant des réformes démocratiques, Macron cherche avant tout à colmater la brèche d’une crise politique qui pourrait éventuellement mettre en danger les intérêts économiques de l’impérialisme français.

Par delà les frontières, les intérêts même des travailleurs et masse en France passe par une lutte farouche contre l’impérialisme français au Liban. Théâtre de la première « révolte de la faim » du monde post-Covid, le Liban pourrait être aussi le premier symptôme d’une lutte généralisé contre la crise sociale, économique et sanitaire qui touche l’ensemble de la population mondiale, dont la gestion catastrophique par les classes dominantes ne nous promet que chômage et misère. C’est pourquoi il est indispensable que les travailleurs et les masses populaires en France s’empare du mot d’ordre Macron et la France hors du Liban, dans la perspective d’un soutien internationaliste fort au peuple libanais en lutte, et pour ouvrir la voie à une alternative révolutionnaire dans la situation actuelle, un réel nouveau monde débarrassé du parasitisme capitaliste.


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