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Sexisme et travail. Les pieds en sang mais la silhouette galbée

Le sexisme au travail a visiblement encore de belles heures devant lui. Depuis une semaine, deux histoires viralisent les réseaux sociaux, l'une au Canada et l'autre en Angleterre. Deux histoires de talons qui scandalisent et qui ne sont pas sans rappeler les nombreuses autres situations de discrimination au travail liées au genre. Camilla Ernst

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Londres. Nicola Thorpe, réceptionniste, a été licenciée la semaine dernière pour avoir refusé de porter des chaussures à talons de 5 à 10 cm. Ou plutôt après avoir fait trop de bruit autour de l’affaire. Censée travailler 9 heures par jour à escorter des clients, elle a refusé le code vestimentaire imposé par le cabinet d’audit PwC. Face au refus de la direction de la laisser porter des chaussures plates, elle en a demandé la raison, tout en interpellant ses collègues masculins, leur demandant de tester les talons. Résultat : railleries d’un côté, licenciement de l’autre. Mais courageuse, elle ne s’est pas arrêtée là et sa pétition demandant l’interdiction de devoir porter des talons sur les lieux de travail a recueilli près de 30 000 signatures depuis le 9 mai.

Edmonton (Canada). Nicola Gavins, scandalisée par la situation de son amie serveuse obligée de porter des chaussures à talons pendant son service, publie sur les réseaux sociaux la photo de ses pieds couverts d’ampoules, ensanglantés et dont un ongle est tombé. Elle aussi est menacée de perdre son emploi si elle refuse la tenue imposée par sa direction.

Si les talons hauts ont un temps été le « symbole » d’une libération vestimentaire des femmes, leur permettant de récupérer une part de contrôle sur leur corps en mettant leurs formes en avant, à une époque où les montrer était jugé subversif, leur usage a été récupéré par une société qui demande aux femmes d’être constamment sexy et attirantes, jambes affinées et silhouette galbée. Imposer le port de telles chaussures sur les lieux de travail, au mépris des conséquences pour la santé des femmes, c’est appliquer les normes patriarcales en termes de contrôle de l’image et du corps des femmes, réduites au rôle d’objet sexuel, au service de l’image, et en dernière instance des bénéfices des entreprises.

Entre situations précaires ou positions subalternes, les femmes sont bien souvent cantonnées au silence face aux règlements imposés par leur direction. Et quand celle-ci, encouragée par le Code du travail, a le droit de réglementer le port d’une tenue de travail s’il est « justifié par la nature de la tâche à accomplir » et « proportionné au but recherché », notamment lorsque l’employé travaille en contact avec la clientèle, pourquoi se priver d’imposer à leurs salariées les normes sociales de beauté féminine ? D’autant plus si, grâce au 49.3 d’un gouvernement à la solde du Medef, la loi El Khomri facilite le licenciement de celles qui oseraient répliquer.

En outre, le port d’une tenue de travail imposée n’est pas la seule expression d’un sexisme au travail appliqué comme maintien de la domination patriarcale. Profitant de la crise, de plus en plus d’employeurs, comme ici en Espagne, n’hésitent pas à imposer leurs conditions avant de recruter, entre discrimination ordinaire et violence de genre : injonctions à la beauté, incitation à renoncer à avoir des enfants, demande de faveurs sexuelles en échange d’un travail... Sans parler du harcèlement et des agressions sexuelles sur les lieux de travail, largement favorisés par la position de domination hiérarchique des hommes, parfaitement illustrés cette semaine par Denis Baupin qui a certainement cru pouvoir agir en toute impunité du fait de son statut de député.

Visiblement, aucune loi ne nous protègera du sexisme, ordinaire ou pas, tant qu’il restera l’instrument d’une domination patriarcale mise en place pour assurer les profits du système capitaliste. Pour faire face à ce sexisme, que l’Etat reproduit et exacerbe, organisons-nous pour lutter et nous libérer des normes imposées à nos corps, contre la double voire la triple journée de travail, contre leur système qui reproduit les inégalités salariales, pour nous réapproprier nos conditions de travail.

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