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Lutte antiraciste aux Etats-Unis

Les étudiants ont eu la peau du président de l’Université du Missouri

Ivan Matewan L'ampleur des manifestations à l'Université du Missouri aux États-Unis vient de contraindre le président de l'Université, Timothy Wolfe, à la démission. Depuis près de deux mois, les étudiants, les professeurs et le personnel administratif protestent ensemble contre le racisme ambiant au sein de l'université. A quelques kilomètres de Ferguson, leur lutte s'inscrit clairement dans la continuité du mouvement national #BlackLivesMatter contre les violences policières et les discriminations racistes.

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Face au racisme, les vœux pieux de la direction

Le mouvement contestataire à l’Université du Missouri a débuté le 12 septembre quand Payton Head, le président de l’association des étudiants de l’université, a été victime d’agressions verbales à caractère raciste. Début octobre, des membres de la Légion des étudiants noirs ont eux aussi subi des insultes racistes. Quelques jours plus tard, des étudiants ont découvert une croix gammée dessinée avec de la matière fécale sur les murs des toilettes.

De tels incidents se produisent quotidiennement sur les campus de l’Université du Missouri. Malgré une augmentation des plaintes auprès de la direction de l’université, celle-ci, systématiquement, ne prenait pas les plaignants au sérieux. Quand les autorités apportaient des réponses, elles étaient souvent insatisfaisantes et tardives. Face à cette récente série d’incidents, le président Wolfe s’est contenté tout simplement de « promettre de faire mieux ».

Les étudiants se mettent en mouvement dans le sillage de Ferguson

Ne supportant plus le racisme ambiant et la complicité de la direction de l’université, la communauté universitaire s’est mise en mouvement. Une association étudiante, Concerned Student 1-9-5-0, a notamment publié une liste de huit revendications, exigeant la démission du président actuel de l’université, la mise en place d’une véritable politique anti-discriminatoire, l’embauche de professeurs et de travailleurs, surtout non-blancs, à l’université et des moyens budgétaires supplémentaires pour lutter contre les discriminations, la sélection sociale et pour mettre en place des programmes promouvant l’antiracisme et la justice sociale.

Beaucoup de manifestants affirment s’inspirer du mouvement de contestation à Ferguson en août 2014, provoqué par l’assassinat de Mike Brown, un jeune Noir non-armé, aux mains d’un policier blanc, Darren Wilson. Certains y ont même participé, comme Jonathan Butler, doctorant, qui mène une grève de la faim depuis plus d’une semaine pour réclamer la démission du président. Les membres mobilisés de la communauté universitaire conçoivent ainsi leur engagement dans la continuité non seulement des luttes contre les violences policières racistes et les discriminations dans l’enseignement supérieur, mais aussi du mouvement #BlackLivesMatter, qui secouent le pays depuis une année.

Tim Wolfe est devenu président de l’université en 2012. Sa mission principale consistait à restructurer l’université et à réduire les dépenses budgétaires afin de dégager des marges financières plus importantes. Ces politiques ont eu des conséquences sur les conditions d’étude, de vie et de travail à l’université, et affectent en priorité les étudiants et travailleurs non-blancs.

L’entrée en grève des professeurs et des sportifs de haut niveau fait pencher la balance

Les étudiants mobilisés ont été rapidement rejoints par les doctorants de l’université dont l’accès à l’assurance maladie était menacé depuis plusieurs mois. Les doctorants ont organisé des rassemblements, fondé un syndicat et intégré les revendications contre le racisme à leur mouvement. Les professeurs ont aussi commencé à se mobiliser en annonçant l’annulation des cours et en organisant des journées d’éducation populaire consacrées à l’étude des rapports raciaux. Les doyens de neuf UFR ont ouvertement exigé la démission des membres de la direction, dont le président Wolfe.

L’entrée en grève de l’équipe de football américain de l’université a cependant fait pencher la balance en faveur du mouvement contestataire naissant. En effet, les membres noirs de l’équipe ont annoncé samedi 7 novembre au soir leur décision de se mettre en grève, avec le soutien de leur entraîneur, jusqu’à ce que Wolfe démissionne ou soit révoqué. L’équipe de football de l’université est l’une des ligues les plus prestigieuses du pays, et sa grève menaçait son image. D’ailleurs, chaque match non joué aurait coûté des sommes importantes d’argent à l’université : déclarer forfait au prochain match aurait coûté environ un million de dollars à l’université par exemple.

36 heures plus tard, Wolfe a dû annoncer sa démission et la mise en place d’une nouvelle série de politiques visant à lutter contre le racisme et les discriminations à l’échelle du réseau de campus de l’université. Les manifestants ont accueilli son annonce avec des cris de joie. « C’était surréaliste » s’est exclamé un étudiant. « Je suis content que Tim Wolfe ne soit plus président de l’université. »

Ce mouvement pourrait servir d’exemple pour les autres luttes en cours sur les campus états-uniens. Et il témoigne, plus largement, d’une contestation étudiante qui s’exprime de plus en plus, non seulement aux Etats-Unis, mais aussi à l’échelle internationale, comme nous l’ont montré ces dernières semaines les étudiants mobilisés en Afrique du Sud.


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