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Gouvernement autoritaire

Les attaques contre le droit d’expression et de la presse continuent : Nicole Belloubet veut revoir la loi 1881

Nicole Belloubet, ministre de la Justice a récemment annoncé qu’elle laissait la porte ouverte à une modification de la loi de 1881 sur la liberté d’expression et de presse. Une attaque, qui sous couvert d’une lutte contre la haine sur les réseaux vise à franchir un pas de plus dans la répression et le musellement de la presse.

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Après la loi Anti Fake News, la ministre de la justice, Nicole Belloubet, a récemment évoqué la possibilité de sortir l’injure et la diffamation de la loi de 1881 qui régit la liberté de presse et d’expression. Ce qui exposerait, dans un contexte d’envolée autoritaire et liberticide du gouvernement, les journalistes et personnes relayant une information publique, à des risques pénaux et répressifs plus important : facilitation des comparutions immédiates, des perquisitions, non respect des sources…

Cette nouvelle menace s’inscrit dans un contexte où depuis plusieurs mois, on voit déjà se multiplier les attaques contre les journalistes. De la perquisition de Médiapart, aux arrestations de Gaspard Glanz ou Taha Bouhafs, en passant par les convocations à la DGSI des journalistes du Monde ayant enquêté sur Benalla. En plus des violences policières lors des manifestations Gilets jaunes visant directement la presse. Au-delà de la presse, c’est la liberté d’expression qui est aussi visé, à l’heure où des personnes ont pu être détenu pour le simple motif d’avoir affiché publiquement un soutien aux Gilets jaunes sur les réseaux sociaux.

Une nouvelle récidive contre la loi 1881 pour faire entrer la diffamation et l’injure dans le droit pénale

La loi du 29 juillet 1881, qui régit la liberté d’expression et la liberté de la presse en France, garantit, dans le droit, l’interdiction de la censure, l’abolition du principe de l’autorisation préalable et du dépôt de cautionnement, ainsi qu’un régime dérogatoire aux journalistes leur permettant de protéger leurs sources et de livrer des informations d’intérêts générales. L’injure ou la diffamation, considérés comme des délits, peuvent faire l’objet, en cas de plainte, de poursuites. Cependant, ces poursuites s’effectuent dans des tribunaux spécialisés dans le droit de la presse. La loi de 1881 relative à la liberté d’informer interdisait initialement toute détention provisoire du prévenu et limitait les perquisitions.

Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement tente de revoir cette loi. L’axe évoqué par les différents gouvernements pour légitimer ce détricotage progressif, est celui de leur combat contre les propos haineux, racistes, sexistes, homophobes... qui fleurissent notamment sur les réseaux sociaux. Ainsi, en 2015, Christiane Taubira, garde des sceaux de l’époque, avait proposé de sortir de la loi de 1881 les infractions à caractère raciste, antisémite et sexistes. A cette époque, la commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, s’était montrée défavorable à toute modification de la loi de 1881.

Aujourd’hui, Nicole Belloubet, reprend cette idée, en ajoutant également la possibilité de retirer la diffamation de cette loi régissant la liberté d’expression. En effet, interrogée sur une proposition de loi de la députée LREM Laetitia Avia sur la haine sur internet, qui prévoit d’imposer aux hébergeurs un retrait sous 24 heures des contenus injurieux sous peine d’amende, celle-ci a déclaré : « certains proposent d’aller plus loin car la sanction de la plupart de ces actes relève de la loi sur la liberté de la presse de 1881. Ces personnes ou ces associations pensent qu’il faudrait sortir l’injure et la diffamation de la loi de 1881 sur la liberté de la presse pour l’inscrire dans le droit pénal commun, pour donner plus de pouvoir aux magistrats et accélérer la réponse ».

Un renforcement de l’arsenal répressif visé

Et nul doute que si cette dérogation et ce détricotement de la loi de 1881 s’effectue pour les cas d’injures et de diffamation, elle pourra et sera instrumentalisée par le gouvernement à des fins de répression politique, de musellement de la liberté de s’exprimer et d’informer. Par ailleurs, le seul exemple de délit sorti de la loi de 1881 – celui de l’apologie du terrorisme en novembre 2014 - «  a été un véritable fiasco judiciaire  » selon les termes même du défenseur des droits, qui avait déclaré n’avoir «  jamais vu autant d’arbitraire ».

Une idée partagée et dénoncée chez plusieurs avocats spécialisés en droit de la presse qui ont dénoncé l’hypocrisie ainsi que la dangerosité, pour les droits démocratiques, qu’ouvrirait une telle mesure. Dominique Pradelié, secrétaire générale du syndicat national des journalistes, a déclaré que cette « loi risquerait de museler la liberté d’expression, et toucherait les lanceurs d’alertes, les historiens, les ONG, les syndicats, les chercheurs... Toutes personnes qui de près ou de loin révèle une information qui gêne une entreprise risque de passer plusieurs années en justice ». Ajoutant : « Ceci est symptomatique de la période que nous traversons. Cette loi (1881) basée sur la liberté d’expression, la liberté d’informer, d’être informée, les politiques actuelles veulent jeter. Comme ils parviennent pas à la jeter comme ils voudraient, ils la découpent en lanière ».

Une hypocrisie en effet de la part d’un gouvernement qui déclare lutter contre les injures racistes, sexistes, homophobes, à l’heure où ses membres sont spécialistes des sorties réac’ (mais ils ne sont jamais inquiétés), parmi les dernières en date les propos homophobes d’Agnes Thill à propos de la PMA. Et à l’heure où ce dernier mène des politiques qui maintiennent et approfondissent le racisme, le sexisme, et les inégalités engendrées : véritable chasse aux migrants menée par le gouvernement, à l’appui de la très réactionnaire loi Asile et Immigration, nombreuses lois anti sociales dont les femmes sont les premières victimes…

Hypocrisie également lorsque ces derniers, à l’instar de Castaner, Schiappa et compagnie, n’hésitent pas à être des fers de lance des opérations diffamations, ce à des fins de stigmatisation et criminalisation de notre classe et du mouvement social. Mais ces derniers ne sont et ne seront jamais inquiétés par les lois anti fake news, qui ont justement été pensées et mises en place par ces derniers à des fins politiques et répressives.

Il apparaît donc évident que derrière les volontés affichées de lutter contre le racisme, le sexisme, sur internet, cette réflexion ouverte autour de la loi de 1881 s’inscrit dans l’envolée liberticide du gouvernement et dans sa tentative d’organiser, à travers des outils comme la justice, le droit… la répression actuelle et celle à venir.

Ainsi, Belloubet a constitué un groupe d’experts sur le sujet, qui devra rendre un avis l’automne prochain.


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