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Chroniques d’outre-espace

Les Jedi sont-ils les héros de Star Wars ?

A l’occasion de la sortie de Star Wars : The Last Jedi, une petite question titille notre esprit : si les jedi ont toujours été présentés comme les héros de cette sage où « bien » et « mal » s’affrontent, sont-ils vraiment des héros émancipateurs ?

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Les Jedi se battent contre les Sith : voilà l’opposition irréconciliable de Star Wars, univers somme toute très ressemblant au nôtre, à l’exception de la présence de la force, une énergie « liant toute chose », vivante ou non. Dans cette univers, Sith et Jedi semblent se battre dans un combat perdu d’avance car, comme le rappelle Snoke, le maître Sith de la troisième trilogie à son apprenti Kylo Ren, il y a un équilibre dans la force, qui fait que « côté obscur » et « côté lumineux » de la force ne font que s’équilibrer dans une vision bien manichéenne du monde.

Dans ce tableau, que sont les Jedi ? La prélogie montre ce qu’est l’Ordre Jedi dans toute splendeur et sa décadence : un ordre de prêtres-chevaliers qui défendent non seulement une « République » (une fédération de potentats, de monarchies et de d’autocraties n’ont jamais été une République) pourrie jusqu’à l’os, mais qui défendent aussi une vision élitiste et puritaine de la force. En effet, si la force est censée être présente dans toute chose, sa maîtrise doit être réservée à une « élite » dont les codes sont particulièrement réactionnaires (et ressemblent peu ou prou aux codes de beaucoup de religions terrestres) : aucune relation amoureuse, pas de relations sexuelles, devoir d’obéissance absolue au « Conseil des Jedi » sans aucune forme de démocratie (ne serait-ce qu’interne à l’Ordre). En définitive, non seulement les Jedi luttent dans un combat qu’ils ne peuvent gagner (étant donné l’équilibre qui est dans la force) mais ils défendent de surcroit un système socio-économique des plus abjects. On aura beaucoup nous montrer les jolies villes de Naboo, censé être le modèle républicain, et le bonheur de ses habitants, rappelons que leur domination se fonde sur le rejet des Gungans sous les lacs de leur planète.

En dernière instance, Jedi et Sith ne sont que deux face réactionnaires d’une même pièce : l’une, puritaine, maintient l’ordre existant qu’ils dénomment « Liberté » (bien que les esclaves, races abaissées au rang d’animal et guerres économiques ne les dérangent guère) ; l’autre, égoïste, nihiliste et destructrice. Y a-t-il, ceci étant posé, des figures émancipatrices dans Star Wars ? Le dernier épisode de prélogie pose à Anakin Skywalker, à la croisée des mondes entre Sith et Jedi, cette question. Quand l’ancienne prophétie parle de « ramener l’équilibre dans la force », on voit mal comme cet équilibre pourrait advenir sans destruction et des Sith et des Jedi. Dans la volonté de s’émanciper du Code des Jedi, Anakin Skywalker aurait pu être cette troisième voie, ce qu’il n’a, finalement, pas été.

Une seule voie d’émancipation semble possible dans cette galaxie lointaine, très lointaine : tout être étant traversé par la force (bien que de façon inégale, on remerciera George Lucas pour son coming out sur la nature de la force dans La Menace Fantôme), l’apprentissage par tous et toutes de la maîtrise de la force peut être la seule façon d’aboutir à l’équilibre que tous ces preux chevaliers recherche. Mais trouver cet équilibre, c’est aussi se supprimer en tant que caste militaro-religieuse oppressante, ce qu’aucun Jedi n’aura jamais intérêt à faire. C’est par ailleurs aussi en finir avec Star Wars en tant que space-opera, l’équilibre dont nous parlions résolvant toutes les contradictions qui sont les moteurs des films.


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Arthur Nicola

Journaliste pour Révolution Permanente.
Suivi des grèves, des luttes contre les licenciements et les plans sociaux et des occupations d’usine.
Twitter : @ArthurNicola_

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