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Législatives au Venezuela. Les travailleurs n’ont rien à attendre de Maduro ni de Guaidó

Aujourd’hui se tiennent au Venezuela les élections législatives : un scrutin organisé et manipulé à la faveur du gouvernement. Malgré tout, la « consultation » convoquée par l’opposition de droite putschiste dirigée par Juan Guaidó, pantin de l’impérialisme étasunien, ne représente en rien une alternative pour les travailleurs et les secteurs populaires en proie à la crise et aux pénuries.

Jyhane Kedaz

6 décembre 2020

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Aujourd’hui, 6 décembre, les Vénézuéliens sont appelés à se rendre aux urnes pour renouveler l’Assemblée nationale, actuellement aux mains de l’opposition de droite. Un scrutin boudé par une grande majorité de la population dont 70% prévoirait de s’abstenir. Et pour cause, le caractère ouvertement antidémocratique de ces élections manipulées par le pouvoir judiciaire et les difficultés traversées par les travailleurs et secteurs populaires en proie à la catastrophe sociale, économique et sanitaire motivent cette large défection.

Des législatives sous fond de crise sociale et de répression politique

Comme l’explique Thomas Posado, docteur en Science Politique à l’Université Paris-8 « La situation est catastrophique au Venezuela : les salaires ne valent plus rien, le salaire minimum ne s’élève qu’à environ un dollar. Malgré des revalorisations, celles-ci sont inefficaces puisque les revenus ainsi que les retraites sont immédiatement rognés par l’hyperinflation. ». Des difficultés salariales amplifiées par les attaques de Maduro envers le code du travail : « Le gouvernement a mis en place depuis plusieurs années des mesures allant vers une précarisation du travail. Le mémorandum 2792 d’octobre 2018 avait par exemple, sous prétexte de la préservation des emplois en période de crise économique, permis de faire l’impasse sur des règles liées à la sécurité ou de réduire les prestations sociales. » Des réformes appliquées à travers une répression terrible du mouvement ouvrier et la persécution de leaders syndicaux, cherchant à museler toute possibilité de contestation sociale.
En effet, face à l’instabilité politique générée par la crise économique et sociale et l’impopularité de son gouvernement, Maduro s’appuie sur les forces coercitives pour appliquer sa politique. L’Etat d’exception appliqué de manière permanente permet de déroger aux droits démocratiques les plus élémentaires, tandis que l’action des forces de polices et des escadrons tels que les FAES « une brigade échappant à tout contrôle juridique, et qui a à son actif des milliers de morts ces dernières années » cherche à empêcher toute possibilité de contestation.

En parallèle de ces politiques de libéralisation du code du travail, le gouvernement de Nicolás Maduro met également en place une politique de privatisation et de cession des ressources vénézuéliennes au capital étranger, accentuée par la récente loi anti-blocus, adoptée en octobre 2020. Son but : contourner le blocus étasunien en motivant l’investissement étranger en garantissant notamment la propriété des sols et la privatisation des ressources publiques, à destination par exemple de la Chine.
Ce panorama de crise économique et sociale est sans précédent, mais sa gravité est renforcée par l’ingérence et les sanctions économiques étasuniennes qui forment un blocus contre le pays depuis début 2019. Ainsi, les Vénézuéliens se voient refuser l’accès à de nombreux produits alimentaires ou médicaux de première nécessité : une politique criminelle, d’autant plus en période de crise sanitaire.

C’est dans ce contexte que se tiennent aujourd’hui les élections sensées renouveler l’Assemblée Nationale, actuellement aux mains de l’opposition de droite, et contournée depuis 2017 par la mise en place d’une « Assemblée Nationale Constituante » par le parti de Maduro, sans que celle-ci n’ait débouché sur aucune Constitution. Des élections législatives à sa mesure : l’organisation du scrutin a été marquée par l’intervention du Tribunal Suprême de Justice qui a mené une offensive contre les oppositions de droite et de gauche, contrôlant la légalité électorale des partis et de leurs candidats et interdisant ceux n’acceptant pas de se subordonner au gouvernement.

La droite appelle de ses voeux l’interventionnisme et l’ingérence impérialiste

Profondément mise en crise par l’échec de la tentative de coup d’Etat de janvier 2019, et son incapacité à imposer Juan Guaidó, marionnette de Washington, à la tête du pays, une large partie de la droite refuse de participer à ces élections. Juan Guaidó appelle au contraire à une « consultation populaire » visant à contourner le Président Nicolás Maduro et appelant à l’interventionnisme des Etats-Unis. Cette consultation se déroulerait du 7 au 12 décembre.
S’il est indéniable que les élections législatives sont organisées de manière anti-démocratique, l’invocation d’un tel argument par des factions de droite ayant tenté de renverser le gouvernement à travers le coup d’Etat de janvier 2019 mais aussi en avril 2002 contre Hugo Chávez, en appelant au soutien de l’impérialisme et à l’incursion de mercenaires américains dans la politique vénézuélienne, est totalement démagogique. Ces mêmes secteurs de la droite, qui ont soutenu le coup d’Etat en Bolivie sont le moins du monde préoccupés par les questions démocratiques.

La soi-disant « consultation populaire » invoquée par Guaidó, n’est en réalité qu’un pas de plus vers la politique pro-impérialiste de la droite, suivant le scénario d’un changement de régime adapté aux Etats-Unis, qui renforcerait la semi-colonisation du pays par le grand capital transnational, profitant de privatisations et d’une main d’œuvre quasi-gratuite, dans une pure logique de vengeance de l’impérialisme américain. Tout au long de la pandémie, l’opposition de droite n’a eu de cesse d’exiger le renforcement des sanctions économiques à l’égard du Venezuela, alors même qu’elles affectent directement les travailleurs, les secteurs populaires, les petits agriculteurs de campagnes, les femmes et la jeunesse.
Une manière directe de frapper la grande majorité de la population pour atteindre son objectif politique. C’est pourquoi cette opposition est également fortement rejetée par des secteurs importants des travailleurs et des pauvres, et ce malgré le rôle joué par les bureaucraties syndicales liées à leurs partis. Malgré la forte abstention prédite aux législatives, la consultation de Guaidó ne suscite pas non plus d’engouement : une enquête indique que seuls 15% des Vénézuéliens sont sûrs d’aller voter le 6 décembre, et seulement 8% souhaitent participer à la consultation de la droite. De plus, selon une enquête récente de Datanálisis, 62,2% des Vénézuéliens ne soutiennent ni le gouvernement de Nicolás Maduro ni les dirigeants de l’opposition.

Le soutien de l’impérialisme français au putschiste Guaidó

« Guaidó a une faible légitimité au Vénézuela, poursuit Thomas Posado. Cette opposition est en réalité très dépendante du soutien d’une partie de la communauté internationale. Il a été reconnu par les Etats-Unis, la France, la plupart des pays de l’Union Européenne, la droite et l’extrême-droite latino-américaines, ou encore quelques États alliés de l’Occident comme le Japon ou Israël ». Le président auto-proclamé a d’ailleurs été récemment reçu par la Commission des affaires étrangères du Sénat. « C’est un soutien qui conforte Macron, qui n’a aucun problème à vendre des armes à l’Arabie Saoudite ou à l’Egypte d’Al-Sissi, mais qui sous prétexte de démocratie choisit de soutenir un président qui n’a aucune légitimité. Cette reconnaissance a des effets très concrets, elle empêche par exemple le Vénézuela d’accéder à ses comptes dans des banques étrangères, comme la Banque d’Angleterre, puisqu’il y a conflit sur le titulaire légal du compte, à savoir le président. Ce sont des milliards de dollars confisqués à l’Etat. » 

Contre l’ingérence impérialiste, lutter pour une assemblée constituante libre et souveraine

La politique de Maduro et celle de Guaidó sont in fine, deux facettes d’une politique de reddition aux capitalistes et aux entreprises transnationales. Maduro préférera affronter le blocus en confiant la richesse et les ressources naturelles vénézuéliennes aux capitalistes russes ou chinois, par exemple. Tandis que la droite invoque les sanctions économiques américaines. Dans les deux cas, il s’agit de politiques qui tendent à la privatisation et à la confiscation des ressources vénézuéliennes par le capital étranger, et font payer à la population le prix des sanctions : des aliments et des médicaments ne peuvent être importés.
Au Vénézuela, notre organisation-sœur, la Ligue des travailleurs pour le socialisme (LTS) revendique la nécessité, pour les travailleurs et les secteurs populaires de se battre en toute indépendance des partis du régime, et pour la mise en place d’une Assemblée constituante libre et souveraine, où tous les problèmes les touchant pourraient être discutés. Un lieu de débat autour des revendications et qui permette de développer la mobilisation ouvrière et populaire contre toutes les factions du pouvoir.

Une Assemblée constituante libre et souveraine où le pouvoir présidentiel serait dissout, concentrant les fonctions exécutives et législatives, et dont les premières mesures iraient vers la mise en place d’un plan d’urgence ouvrier et populaire contre les conséquences de la catastrophe économique et sanitaire, et vers la nationalisation sous contrôle des travailleurs des entreprises stratégiques et gérant les ressources naturelles. Où les juges seraient élus et révocables, et gagneraient autant qu’un ouvrier qualifié, afin de mettre fin à la caste judiciaire bonapartiste. Une assemblée qui traiterait également de la question de la nationalisation de la banque et du monopole du commerce extérieur.

En France, les travailleurs et la jeunesse doivent apporter leur solidarité à la lutte des secteurs populaires vénézuéliens et s’opposer à toute tentative d’ingérence de la part de l’Etat impérialiste français, à commencer par la reconnaissance par la France du « président » putschiste Juan Guaidó.


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