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Soutien inconditionnel aux matraques de la Garde Civile

Le roi d’Espagne déclare la guerre à la Catalogne

Deux jours après la tenue du référendum du 1er octobre en Catalogne, au soir même de la grève générale qui a mis dans les rues de Barcelone plus de 700. 000 catalans, le roi d’Espagne, Felipe VI accuse la Généralité, le gouvernement autonome de Catalogne, à l’initiative du référendum d’autodétermination, de se placer « en dehors du droit et de la démocratie ». La monarchie espagnole soutient inconditionnellement le tournant autoritaire opéré par le gouvernement Rajoy et le régime post-franquiste.

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C’est ce sur quoi reviennent Santiago Lupe (Barcelone) et Diego Lotito (Madrid), de la direction du Courant Révolutionnaire des Travailleu-se-r-s de l’Etat espagnol.

La Généralité mise hors-la-loi

Le discours télévisé du dernier héritier de Franco a été particulièrement violent et sans concessions. Le roi Felipe VI a non seulement soutenu la méthode autoritaire que le gouvernement du Parti Populaire (PP) et le régime ont employé contre la Catalogne ces dernières semaines et dimanche dernier. Mais il a également fait entendre que la Couronne d’Espagne se placerait du côté des forces de répression en cas de déclaration d’indépendance d’une République catalane lors des jours à venir.

Le roi a ainsi déclaré que « les autorités catalanes », par leurs décisions d’ouvrir cette question de l’indépendance, ont « fragilisé profondément les règles de droit, fait preuve d’un manque de loyauté inadmissible vis-à-vis des pouvoirs d’Etat et des représentants de la Catalogne. Ils ont ébranlé l’harmonie et la coexistence de la société catalane. »

Face « à la gravité de la situation », il a souligne qu’il était de la responsabilité « des pouvoirs légitimes de l’Etat de maintenir l’ordre constitutionnel ». Et sans faire la moindre mention à la brutale répression menée par les forces de l’ordre de la Police Nationale et de la Garde Civile contre la population catalane lors du référendum de dimanche, le roi s’est revendiqué, non sans cynisme, des « principes démocratiques » de l’Etat espagnol, « fondées sur le désir des Espagnols de vivre en paix et en liberté ».

Cet âpre discours contre la Généralité est tout autant une menace à l’encontre des Catalans qu’un blanc-seing donné aux mesures extrêmement répressives que le gouvernement de Madrid envisage de prendre en cas d’aboutissement du mouvement d’indépendance catalan. Dans cet arsenal, il y a tout un panel de mesures ultra-autoritaire allant de l’application de l’article 155 de la Constitution, permettant de suspendre les pouvoirs autonomes régionaux, à l’arrestation de membres du Govern, le gouvernement autonome catalan, en passant par l’application de l’état d’urgence, de l’état d’exception ou de l’état de siège, pour envoyer les forces de sécurité mater le mouvement indépendantiste. Le discours de Felipe VI doit donc être pris avec le plus grand sérieux. C’est un signal d’alerte du niveau de violence qu’est prêt à utiliser le gouvernement de Madrid contre la Catalogne, sans doute à un niveau supérieur à celui utilisé dimanche dernier, et auquel il faut se préparer.

Un appel aux membres du régime de 1978 contre la Catalogne

En premier lieu, ce discours était destiné aux dirigeants catalans. Mais il visait aussi l’ensemble des membres du régime. Felipe VI a lancé un appel à resserrer les rangs derrière Mariano Rajoy et l’arsenal répressif qui permet de garantir l’article 2, consacrant l’unité indissoluble de l’Espagne, prévue par la Constitution de 1978, rédigée par les chefs d’Etat-major de la dictature franquiste à la suite de la mort du Caudillo.

Le discours de Felipe VI résonne également comme une mise en garde pour le PSOE, le parti socialiste espagnol, de Pedro Sánchez, afin qu’il soutienne sans ménagement toutes les mesures envisagées par Rajoy, et notamment l’application de l’article 155 de la Constitution. Dans la journée de mardi, Susana Díaz, membre du PSOE et présidente de la Communauté Autonome d’Andalousie, avait approuvé la motion de soutien à l’Exécutif et à son opération répressive en Catalogne, mettant ainsi sous pression les chefs madrilènes du PSOE. Et le soir même, c’est l’ensemble du parti de Pedro Sánchez qui a approuvé le discours du roi et soutenu la « défense de la Constitution, les statuts régionaux, l’Etat de droit et l’intégrité du territoire de l’Espagne ». Evidemment, cette position a été également soutenue par le PP et Ciudadanos, le parti de droite libérale catalan opposé au catalanisme. Mais c’est la déclaration de Podemos qui a été la plus terrible. Podemos n’a fait qu’exprimer sa « préoccupation et sa surprise » concernant le discours du roi, regrettant l’absence « d’appel et de proposition au dialogue ». Podemos continue de promouvoir l’utopie réactionnaire qui fait croire que le rôle le roi d’Espagne pourrait jouer un rôle d’arbitre pour régénérer le régime issu du pacte post-franquiste de 1978.

Le roi a terminé son discours en réaffirmant « le très ferme engagement de la Couronne en faveur de la démocratie, de l’unité et de la permanence de l’Espagne » et son soutien sans ambigüité au régime et au gouvernement Rajoy. Et de manière symbolique, il n’a pas prononcé un seul mot en catalan.

La monarchie au service de Rajoy, comme au temps de Franco

Le roi a donc déclaré illégale la Généralité et a présenté la situation catalane comme une situation « d’exception », deux conditions nécessaires pour justifier l’usage de mesures tout autant exceptionnelles. Son intervention relève d’un caractère exceptionnel. Le dernier discours de ce type de la part d’un monarque espagnol, en l’occurrence Juan Carlos Ier, remonte au 11 mars 2004, après l’attentat perpétré à la gare Atocha de Madrid. L’avant-dernier avait été tenu au moment de la tentative de coup d’Etat raté, le 23 février 1981.

Felipe VI rejoue ici le rôle de garant de la stabilité du régime, comme l’a fait son père, Juan Carlos Ier, durant 30 ans. Mais, dans cette situation, le rôle colle à l’interprète. De nombreux analystes ont souligné que la question catalane serait à Felipe VI ce que le 23 février 1981 a été pour Juan Carlos I. ce dernier avait su utilisé l’échec du coup d’Etat de 1981 -dont il était au courant de la préparation-, pour se légitimer et consolider la restauration de la monarchie. Son fils, quant à lui, n’a aucune solution entre ses mains pour intervenir dans la crise catalane sans que cette intervention ne génère une accentuation des tensions.

L’appel du chef d’Etat, Felipe VI, n’est autre qu’un appel à l’ensemble des membres du régime à faire bloc pour mener une escalade répressive sans précédents contre les institutions catalanes et le mouvement démocratique porté par les masses qui exige, dans la rue et par la grève générale de mardi 3 octobre, son droit à fonder sa propre république.

Une bataille pour une république catalane indépendante et socialiste

Les catalans doivent répondre immédiatement à cette provocation et se préparer immédiatement à se défendre contre la montée de la répression d’Etat. D’ores et déjà, les syndicats, les sections syndicales et les sections d’entreprises doivent convoquer des assemblées générales sur les lieux de travail et discuter des moyens de luttes, élire des représentants qui puissent discuter conjointement d’un plan de défense et de mobilisation. C’est comme ça que les travailleurs catalans pourront dépasser l’obstacle des directions syndicales de Commissions Ouvrières (CC.OO) et de l’UGT qui, ce mardi, ont tout fait pour que la grève n’ait pas lieu. Dans les quartiers, il faut renforcer les comités de défense et de grève et les coordonner aux assemblées de travailleurs. De la même manière, dans les universités, les organisations étudiantes doivent appeler à des assemblées pour prendre part à ce combat.

La majorité de la population catalane s’est déclarée, ce dimanche, en faveur de l’indépendance. Mais c’est en soutenant la mobilisation et l’auto-organisation des travailleurs et des secteurs populaires que nous serons capables de mettre en échec l’offensive que prépare le gouvernement central de Madrid et qu’annonce le discours du roi. C’est aussi la seule voie pour faire de cette revendication et de cette volonté, une réalité.

Et puisque ce sont la classe ouvrière et les secteurs populaires qui seront en première ligne de cette bataille, comme cela s’est vu lors du référendum du 1er octobre et lors de la grève générale de mardi, nous devons également exiger le droit de décider, par nous-mêmes, de la nature du processus constituant et de la République que nous voulons. Un véritable processus constituant libre et souverain doit permettre de discuter et de résoudre toutes les problématiques économiques et sociales, ce qui ne pourra se faire que si nos intérêts passent par-dessus les privilèges et les intérêts des capitalistes. En un mot, nous appelons de nos vœux à un processus qui puisse dépasser la direction de Puigdemont et de Junqueras et leur projet de république capitaliste, pour conquérir en Catalogne, une République Indépendante et Socialiste.

A bas la monarchie, pour une fédération des Républiques socialistes de la péninsule ibérique

Le discours du roi et ce que cela prépare pour les prochains jours va accroître le discrédit de la monarchie. En Catalogne, le rejet de la Casa Real est d’ores et déjà un rejet de masse, qui trouvait écho dans les slogans contre Felipe VI lors des manifestations qui ont fait suite aux attentats de Barcelone et Cambrils, au mois d’août. L’attitude répressive du roi à l’égard de la Catalogne pourrait bien à étendre ce discrédit au reste de l’Etat espagnol, ouvrant la voie à la suppression de cette institution réactionnaire.

Pour cela, la lutte contre la Couronne et le régime de 1978 devra non seulement impliquer les travailleurs catalans mais également ceux du reste de l’Etat. Il est donc absolument indispensable que la gauche et les organisations du mouvement ouvrier de l’Etat Espagnol soutiennent le droit des Catalans à fonder leur propre république et à lutter contre la répression d’Etat. Exigeons des confédérations CC.OO. et de l’UGT un appel à des actions de solidarité pour préparer une grève générale contre le gouvernement, la Couronne, et la répression en Catalogne. L’unité de la classe ouvrière peut se constituer que dans la lutte commune contre la Monarchie et pour l’ouverture d’un processus constituant dans l’Etat espagnol qui assure le droit à l’autodétermination des minorités nationales, une bataille commune qui puisse lier la lutte pour une République catalane socialiste à la lutte pour une Fédération libre de Républiques Socialistes de la péninsule ibérique.

Trad. N.K


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Diego Lotito

Journaliste à La Izquierda Diario, co-auteur de Cien años de historia obrera en Argentina (1870-1969), militant au sein du Courant Révolutionnaire des Travailleurs (CRT) à Madrid.

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