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« 500 connards sur la ligne de départ – 500 couillons dans leurs camions … »

Le rallye Dakar : toujours aussi rétrograde et meurtrier

Cette 38ème édition du rallye Dakar, débutée le 3 janvier, ne déroge pas à la règle : celle de semer la mort sur sa route. En effet, alors qu’au prologue du départ, à Buenos Aires une voiture a fait une sortie de piste percutant plusieurs spectateurs dont trois ont été grièvement blessés, deux autres personnes ont également perdue la vie. Ainsi, un spectateur bolivien et un automobiliste rentré dans une collision avec un camion d’assistance de la course viennent alourdir le bilan. Rosa Potemkine

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« Cinq cents connards sur la ligne de départ »

Comme le résumait très bien Renaud dans sa chanson, le Dakar n’a rien d’une odyssée héroïque en des contrées lointaines et exotiques, où les participants incarneraient la quintessence de la détermination, de la force et du courage. C’est sous couvert d’un prétendu universalisme de ces valeurs que chaque mort passe pour un accident, une sorte d’épiphénomène normal, voire une négligence des victimes d’avoir osé entraver le chemin des coureurs. C’est ainsi qu’on oscille entre culpabilisation des victimes autochtones qui seraient mortes par leur imprudence, glorification de la mort du coureur lui-même dans sa quête de la performance, et banalisation générale des décès comme inhérent à cette course et lui donnant presque sa saveur, son frisson par la rubrique nécrologique. Et si le dépassement de soi exalté dans la pratique sportive trouve un sens, la caractérisation de la course mécanique comme « sport » automobile semble permettre une transposition et justifier aux yeux du monde ces morts comme acceptables.

Le rallye mécanique des Mad Max de bazar

Mais avec 73 morts jusqu’à cette année, cette course est surtout la possibilité pour des fous du volant d’assouvir leur désir de vitesse au détriment de vies humaines et qui plus est avec ovations et encouragements. Et quand on entend un participant déclarer dans la presse, suite à un grave accident de moto en 2010 l’ayant plongé dans le coma, que son « approche de la course n’a pas changé, [qu’il] court avec le cœur », on se demande de quel cœur il parle. Probablement du cœur de l’homme blanc, aux valeurs virilistes, qui vient conquérir une terre dont l’histoire importe peu.

Briser les obstacles…

Si les journalistes relaient avec enthousiasme ce fétichisme malsain du moteur et de l’essence (la COP 21 semble bien loin), des voix se sont élevées contre ce qui n’est rien d’autre que du colonialisme. Ainsi, en 2014, les Indiens de la tribu Aymara ont tenté d’empêcher la course de passer sur leurs terres qui les aurait saccagées. Mais bien évidemment on ne s’oppose pas au colon, et Evo Morales alors au gouvernement bolivien (et par ailleurs lui-même membre de cette tribu) a réprimé la contestation par l’envoi de l’armée. Une armée qui, d’après le discours officiel, n’était là que pour « sécuriser » le parcours…

Ainsi, si les hommes y passent, la nature également, le patrimoine culturel n’est pas en reste. Le Conseil des monuments nationaux du Chili a ainsi estimé à environ 200 le nombre de sites archéologiques endommagés par le rallye durant les dernières éditions.

Toutefois, un pays parvient quand même à tenir tête à cette absurdité humaine et écologique : il s’agit de l’Equateur qui ne voit aucun avantage à ce que la course le traverse.

Une ignominie bien rodée…

Imagine-t-on un rallye de ce type parcourir nos campagnes françaises ? Assurément non, trop dangereux. Mais l’Afrique, l’Amérique du Sud ? Un agréable décor teinté d’exotisme pour rendre la chose plus séduisante aux yeux du monde, faire de l’aventure grandiose là où il ne s’agit en réalité que de colonialisme immonde. Ainsi, si les organisateurs de la course se vantent de « visiter » des pays, la fourberie ne s’arrête pas là. Car pour se libérer les mains du carcan juridique et faire vrombir les moteurs à tout va, rien de mieux que de déclarer ce rallye d’« intérêt public ». Et pour cela il faut que les pays « participants », c’est-à-dire traversés par la course, s’acquittent d’une participation aux frais oscillant entre 4 à 6 millions de dollars. Alors quand on nous parle des soi-disant retombées économiques pour les pays qui « accueillent » le Dakar…

Ainsi, si tout le monde se souvient avec nostalgie de la mort Daniel Balavoine, quid de toutes ces victimes mauritaniennes, maliennes ou en encore argentines ? Encore combien d’autres ?...


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