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Sélection à l'université

Le plan étudiant, un cadeau du gouvernement pour la jeunesse ?

Le fameux "plan étudiant" du gouvernement Macron a été présenté le 30 octobre dernier par le Premier ministre, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’innovation, et le ministre de l’Éducation nationale. Un plan composé alors de 20 mesures à destination des étudiants ayant pour objectif d’« accompagner chacun vers la réussite » et d’améliorer le « pouvoir d’achat étudiant ». Retour sur la manière dont ces « cadeaux » offerts à la jeunesse forment un écran de fumée sur les causes réelles de la précarité étudiante et des difficultés liées aux conditions d’études dégradées dans les universités.

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L’orientation par défaut, première cause de l’abandon des études et de l’échec scolaire ?

Les premières mesures du plan étudiant proposées par le gouvernement relèvent du constat selon lequel un nombre important d’étudiants échoue sa première année d’études supérieures. Le gouvernement explique ainsi que seulement 40% des étudiants passent en L2, ce qu’il juge insuffisant. L’analyse et les réponses de ce dernier se concentrent alors sur un « meilleur accompagnement » des étudiants de Terminale pour leur choix d’orientation.

En effet, on trouve dans le plan étudiant des mesures telles que la modification de la plateforme APB, deux semaines tournées sur l’orientation et un professeur principal supplémentaire en classe de Terminale. Des mesures qui sont bien loin de toucher le fond du problème, à savoir les causes de l’échec étudiant. Lorsque l’on se base sur une étude du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour ce qui est du taux de passage à l’université par filière pour l’année 2012-2013 on peut observer un très fort taux de redoublement (1 étudiant sur 3) qui ne semble pas supposer une erreur d’orientation individuelle pour chaque étudiant mais plutôt un problème plus général lié aux conditions de vie des étudiants.

A la lecture de l’enquête nationale sur les conditions de vie des étudiants rendue en 2016, et de ses éditions précédentes, plusieurs constats peuvent être dressés sur le nombre important d’étudiants en situation de précarité et devant travailler à côté de leurs études pour pouvoir vivre. Premièrement, 46% des étudiants ont eu une activité rémunérée durant l’année universitaire 2016, soit près d’un étudiant sur deux. Cette situation est d’autant plus inconfortable pour ceux dont l’activité rémunérée est au moins un mi-temps, ce qui concerne 56.1% des étudiants salariés en 2016 - soit une augmentation de 13% depuis 2006. On peut voir alors une nécessité croissante parmi la population étudiante d’avoir un travail avec une quantité horaire plus importante pour avoir les ressources suffisantes pour vivre. Ce sont d’ailleurs 54.4% des étudiants qui travaillent, qui répondent que leur activité rémunérée leur est indispensable pour vivre (et 88.2% des étudiants ayant un travail très concurrent des études, soit au moins un mi-temps pendant plus de 6 mois).

De plus, pour les étudiants qui ont les activités rémunérées les plus concurrentes des études, 42.3% estiment que cela a un impact négatif sur les résultats d’études et 51.9% voient leur activité rémunérée comme une source de stress. Tout cela démontre bien les inégalités qui caractérisent les étudiants qui travaillent, qui sont dans des situations précaires d’autant plus que, même si toutes les catégories sociales sont touchées par la nécessité de travailler durant les études, ce sont les enfants d’ouvriers, d’employés et d’agriculteurs qui sont les plus touchés par la pratique d’activités rémunérées les plus concurrentes des études. Des inégalités accentuant la difficulté pour les étudiants les plus précaires de « réussir » leurs études. Le gouvernement utilise donc les importants chiffres d’abandon des études, qui ont pour principale cause la précarité des jeunes, pour justifier des mesures qui augmenteront cette sélection sociale en décuplant la pression à l’excellence. La réforme de la licence en licence modulable, présente dans le plan étudiant, ne répond pas du tout aux besoins de ces étudiants obligés de travailler à côté des études pour vivre, elle va même accentuer les différences entre les étudiants les plus précaires qui n’auront d’autre choix que de passer la licence en 4 ans contre les étudiants qui n’ont pas besoin de travailler et dont la licence sera possible en 2 ans. Sans compter la sélection en L1, dont les critères vont écarter en premier lieu les jeunes venant des milieux les plus populaires, dont une immense partie renonce déjà à faire des études supérieures faute de moyens, en dépit du code de l’éducation qui garantissait jusqu’alors « sur le papier » le droit à la poursuite d’étude après le bac.

Une précarité étudiante renforcée par le gouvernement

L’idéal que peut représenter la vie étudiante se voit très vite contrasté avec la réalité, ce que montrent plusieurs indicateurs. La population étudiante se voit à la fois être une population parmi les plus précaires (où 20% des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté) mais aussi une population exposée à un coût de la vie qui ne cesse de grimper depuis 2009. Pour faire passer la pilule de son « plan étudiant », le gouvernement y consacre une partie intitulée « Améliorer les conditions de vie des étudiants pour la réussite de leurs études ». Or à bien y regarder, aucune mesure sérieuse n’est proposée : par exemple, les seuls éléments concrets donnés du niveau de vie étudiant avant et après la réforme sont des augmentations du pouvoir d’achat pour les non-boursiers basées uniquement sur la fin de la cotisation à la sécurité sociale étudiante lors de l’inscription à la fac : il n’y a aucune autre proposition concrète qui sort de ce plan pour lutter contre la précarité étudiante. Par ailleurs, le gouvernement tente de faire passer pour une avancée significative le fait que dès la rentrée 2018 les bourses ne devraient plus arriver en retard.

En revanche on constate que derrière ces faibles diversions, se cache une énorme attaque des services sociaux, qui s’ajoutent à la baisse des APL de cette rentrée qui rabote le budget étudiant déjà pas bien épais, de 60€ par an. Le gouvernement compte « fusionner » les aides sociales existantes (APL et bourses) dans une « allocation globale d’autonomie ». Si pour l’instant on ne peut pas savoir comment va évoluer le montant, on peut se douter qu’il sera à la baisse étant donné la tendance générale de ces dernières années. Surtout, jusqu’à présent, les APL sont dispensées aux étudiants sur critères sociaux, indépendamment de la réussite universitaire. Or cette « aide globale d’autonomie » serait conditionnée par les nouveaux « contrats de réussite pédagogique », ce qui non seulement durcirait considérablement l’accès aux bourses, mais soumettrait également les APL à des critères d’excellence, ouvrant la porte à ce que des milliers de jeunes se retrouvent à la rue faute de résultats suffisants, de « pertinence de leur projet d’études » ou encore d’assiduité !

Une précarisation étudiante qui tend à se renforcer avec le plan étudiant, montrant qu’il n’y a rien à attendre de celui-ci mais qu’il faut plutôt y répondre en reprenant ces questions nous-mêmes, nous étudiants et lycéens, en lien avec les personnels et professeurs à travers la construction d’AG massives sur nos facs et de rassemblements dans la rue.


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