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« Une réponse systématique et réactive »

Le ministère de la Justice lance une nouvelle offensive répressive contre les militants écologistes

Ce mardi 15 novembre, Mediapart a révélé une circulaire du Ministère de la Justice datée du 9 novembre qui prévoit d’intensifier la répression juridique à l’encontre des militants écologistes. Une véritable offensive contre le mouvement pour le climat dans son ensemble.

Léo Stella

16 novembre 2022

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Dans une circulaire du Ministère de la Justice datée du 9 Novembre, révélée par Médiapart le 15 novembre, le ministre de la justice Dupont-Moretti appelle à durcir la répression juridique à l’encontre des militants pour le climat manifestant contre des « projets d’aménagement du territoire ». Prétextant des « troubles graves à l’ordre public et des atteintes aux forces de sécurité », il en appelle à « une réponse pénale systématique et réactive ».

Fin octobre, le gouvernement déployait déjà un arsenal répressif massif pour affronter les manifestants qui s’opposaient au projet de méga-bassines de Sainte Soline, blessant une soixantaine d’entre eux à coups de matraques, LBD et grenades de désencerclement. Dans la lignée de cette offensive, cette circulaire montre la volonté du gouvernement de se mettre en ordre de bataille également sur le terrain juridique, et de préparer au mieux la répression des prochaines manifestations.

Un acharnement juridique contre les militants s’opposants aux grands « projets d’aménagement du territoire »

La circulaire donne 3 grands axes de consignes aux procureurs pour appliquer la volonté du gouvernement de protéger les « projets d’aménagement du territoire » et surtout de réprimer leurs opposants.

Le premier axe repose sur l’arsenal juridique dont dispose déjà l’Etat pour criminaliser les manifestants. La circulaire rappelle ainsi tous les outils disponibles pour viser les individus et les groupes entiers de manifestants, ainsi que les peines prévues à cet effet. Renforcé par la Loi Séparatisme et la Loi Sécurité Globale, cet arsenal a également été complété au fil des mobilisations contre la macronie, avec par exemple des mesures mises en place pendant les Gilets Jaunes telles que les condamnations pour « participation à un attroupement après sommation de se disperser ».

Appuyant sa volonté de mettre en place une « une réponse pénale systématique et réactive », comprenez d’intensifier la répression juridique des militants écologistes, Dupont Moretti entend multiplier les poursuites et réduire leurs délais et la capacité de se défendre. En effet, le ministre de la Justice veut rendre quasiment systématique la comparution immédiate ou la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Ces procédures pénales permettent de juger directement la personne inculpée, sans lui laisser le temps de préparer sa défense et se solvent dans la majorité des cas par des condamnations aux peines les plus lourdes.

En plus de cela, la circulaire préconise l’inscription des militants incriminés dans les dossiers des personnes recherchés (FPR). Un saut dans la répression des militants écolos. A partir de cette inscription dans les FPR, l’État peut ainsi interdire aux militants la participation à des manifestations et rassemblements voire prononcer des interdictions de séjour. Cette technique répressive est d’ailleurs également utilisée par le gouvernement dans son projet de loi Immigration pour intensifier sa traque aux migrants et permettre aux policiers de mieux localiser les personnes sous OQTF.

Enfin, la dernière partie de la circulaire revient sur la volonté du gouvernement d’intensifier le recours aux enquêtes judiciaires. Une manière de ne pas laisser impunis des militants qui auront réussi à échapper à la répression et aux interpellations lors d’un rassemblement.

Sans jamais le mentionner directement, cette circulaire est une réaction évidente au rassemblement de Sainte Soline contre les méga-bassines. Alors qu’un nouveau rassemblement a d’ores et déjà été annoncé par les organisateurs, le gouvernement se tient prêt à réprimer massivement les militants. Une réaction sécuritaire qui montre le ton qu’a choisi d’employer le gouvernement face à une possible multiplication des rassemblements de ce type.

Une offensive plus large du gouvernement contre tout le mouvement climat

Si la circulaire de Dupont Moretti vise explicitement les militants contre les « projets d’aménagement du territoire », elle s’ancre dans une offensive plus large du gouvernement à l’encontre du mouvement climat dans son intégralité.

En pleine COP 27, Macron tente de s’imposer en champion du climat en multipliant les vidéos sur YouTube ou Brut alors même que les sorties du gouvernement contre les militants écologistes se multiplient ces dernières semaines. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin parlait par exemple à la suite du mouvement contre les mega-bassines d’ « éco-terrorisme ». Quelques jours après, même son de cloche pour Sonia Backès, secrétaire d’État chargée de la citoyenneté qui elle, pointait des « extrémistes », des « exactions toujours plus radicales » ainsi que des « actions de terrain ultra-violentes » ». Récemment, le chef de la délégation des CRS de l’agglomération parisienne Olivier Bagousse parlait de « nouveaux “black blocs verts” ».

Loin de se limiter aux opposants aux méga-bassines, l’offensive gouvernementale s’en prend également aux militants prônant la désobéissance civile, avec là aussi un durcissement des sanctions juridiques et des discours. La stratégie a été désignée par Beckès comme « l’antichambre sournoise d’un authentique séparatisme. » Un argumentaire du « séparatisme » qui a également été mobilisé pour réprimer l’association Alternatiba pour avoir organisé une initiation à la désobéissance civile.

Cette offensive contre les militants écologistes s’inscrit dans un tournant sécuritaire du gouvernement qui cherche encore à renforcer son appareil policier avec la loi Lopmi ou encore avec les mesures ultra-sécuritaires prévues pour les JO 2024 Dans le même temps, cette surenchère se décline dans toute sa brutalité contre les personnes sans papiers, avec une nouvelle loi immigration plus xénophobe que jamais.

Alors que le gouvernement montre sa volonté de faire taire un mouvement climat qui revendique un peu trop fort des mesures pour maintenir l’habitabilité de la planète, il est crucial de réaliser des alliances larges pour s’opposer à cette nouvelle offensive répressive. La mobilisation de la Loi Séparatisme, d’outils en commun pour réprimer les mouvements écolos et les personnes sans papiers montrent que les lois racistes du gouvernement servent également à s’attaquer à l’intégralité du mouvement social. Il est aujourd’hui nécessaire d’arracher leur abrogation par une mobilisation large, à commencer par la Loi séparatisme, mais aussi de s’opposer aux nouveaux projets de loi Lopmi et Immigration.


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