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Edito

Le « dialogue social » ne profite qu’à Macron : il faut une autre stratégie pour poursuivre le combat !

Mardi et mercredi, l’intersyndicale s’est rendue à Matignon pour retisser le « dialogue social ». Des rencontres qui profitent à Macron et son gouvernement, qui cherchent à calmer la colère sociale pour un retour à la normale, sans permettre la moindre avancée pour les travailleurs. Les syndicats doivent quitter la table des négociations !

Joachim Bertin

18 mai 2023

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Le « dialogue social » ne profite qu'à Macron : il faut une autre stratégie pour poursuivre le combat !

Crédit photo : O phil des contrastes

Mardi et mercredi, Elisabeth Borne a reçu une à une les cinq grandes centrales syndicales du pays (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC) afin de renouer avec le « dialogue social ». Des rencontres auxquelles tous sont allés en promettant de continuer à défendre le retrait de la réforme, tout en présentant une liste de course revendicative dont ils espéraient pouvoir discuter avec Borne.

Les directions syndicales cherchent à réhabiliter le « dialogue social »

François Hommeril (CFE-CGC) veut que Borne revienne sur les ordonnances Travail de 2017, et sur les récentes réformes de l’assurance-chômage. La CFTC revendique la hausse du point d’indice et la revalorisation des grilles de branche. La CFDT, la CGT et FO ont évoqué de conditionner les aides publiques à des critères de salaire ou d’égalité salariale, tandis que la CGT et FO ont plaidé pour l’indexation des salaires sur l’inflation. Tout un programme, presque une liste de Noël !

Pour quel bilan ? Au final, peu de choses ont filtré de ces rendez-vous… si ce n’est qu’Elisabeth Borne promet déjà aux syndicats de nouveaux rounds de négociation. L’AFP rapporte ainsi les propos de Cyril Chabanier (CFTC), selon qui « Elisabeth Borne s’est montrée ouverte à la discussion sur la prévoyance, la conditionnalité des aides publiques aux entreprises, la révision des grilles salariales, l’ouverture d’une négociation sur la hausse du point d’indice, l’emploi des seniors - même si elle a parfois renvoyé ces sujets à la discussion entre partenaires sociaux. »

De son côté, Sophie Binet de la CGT explique : « on nous avait vendu du dialogue social. On a assisté à deux heures de monologue patronal ». Pressée par la colère à la base, la dirigeante de la CGT tente de rougir son discours tout en défendant centralement l’ouverture de véritables « négociations » pour réhabiliter à son tour le « dialogue social ».

L’intersyndicale au chevet du gouvernement : une avancée pour Borne et Macron qui cherchent un retour à la normale

Alors que Macron cherche à tout prix à scénariser un retour à la normale, les rencontres de mardi et mercredi sont une avancée pour l’exécutif. Borne a réussi à faire s’asseoir autour de la table les membres de l’intersyndicale, pour discuter de différents sujets, en les laissant dire, s’ils le voulaient, leur opposition à la réforme des retraites mais surtout en commençant à parler de la suite, bref à tourner la page.

Car voilà le véritable objectif derrière ces réunions : préparer un retour à la normale autour de longs cycles de discussions avec le gouvernement et le patronat pour faire avaler les prochaines couleuvres aux travailleurs. De fait, après la pause d’un mois imposée par l’intersyndicale après le 1er mai pour faire retomber la pression, les volontés d’abandonner le combat se font de plus en plus explicites. Ainsi, François Hommeril de la CFE-CGC ne pose plus le retrait de la réforme comme préalable à la reprise du « dialogue social » et a assumé sur Public Sénat : « Le 8 juin, c’est le dernier combat ».

Du côté de la CFDT, Berger ne cache pas ces dernières semaines son refus de continuer encore longtemps la mobilisation. Et si Sophie Binet promet qu’il n’y aura pas de « retour à la normale », c’est pour mieux embrasser totalement la perspective de « négociations » avec Macron et le grand patronat. Ces derniers ne cachent pas leurs orientations pour les semaines à venir, entre réforme pro-patronale du lycée professionnel, attaque contre les allocataires du RSA, loi immigration ou baisses d’impôts derrière lesquelles se préparent une nouvelle cure d’austérité. Mais l’ensemble des directions syndicales, CGT comprise, continuent de nous vendre la collaboration de classe comme seule issue pour le monde du travail.

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Quelles perspectives stratégiques ?

Dans ces conditions, Borne n’a effectivement aucune raison de lâcher maintenant : les confédérations syndicales sont en train de lui redonner la main. La participation au « dialogue social » n’est d’ailleurs pas le seul signal en ce sens. En effet, depuis le 1er mai, l’ensemble de l’intersyndicale est d’accord pour s’en remettre à la proposition de loi abrogeant la réforme des retraites du groupe LIOT comme unique perspective. C’est d’ailleurs autour de l’objectif de faire pression sur les députés qu’a été convoquée la date du 6 juin prochain.

Une stratégie qui mise sur la possibilité de faire reculer Macron par les institutions qui est déjà en train d’être liquidée par le gouvernement à l’aide d’un nouvel article anti-démocratique de la constitution qui pourrait lui permettre de déclarer la loi d’abrogation comme irrecevable, « inconstitutionnelle » selon les mots d’Elisabeth Borne.. Ni cette nouvelle offensive anti-démocratique, ni la répression des grévistes de Vertbaudet en lutte pour les salaires, dont l’une d’elle a été envoyée à l’hôpital après avoir été étranglée par un policier sur son piquet, n’empêchent cependant les directions syndicales de discuter tranquillement avec la Première ministre.

Pire, les directions syndicales ont à nouveau supplié le gouvernement de revenir à la raison, semant d’énormes illusions à son égard. Avant la rencontre, Laurent Berger a ainsi expliqué qu’empêcher l’examen du texte serait « inacceptable ». Des mots en l’air puisque dans le même temps le gouvernement sait que sur le terrain rien n’est organisé par l’intersyndicale pour une reprise de la grève. De son côté, Sophie Binet a fait promettre à Borne de « cesser toutes les poursuites contre les ouvrières » et « à garantir une médiation avec la direction de l’entreprise »…

Une proposition scandaleuse, qui propose à Borne de jouer le beau rôle, alors que c’est le Préfet qui, dans des réunions secrètes avec la direction de Vertbaudet, organise activement la répression dénoncée ces derniers jours. Le gouvernement n’a d’ailleurs aucun scrupule à ordonner lui-même la réquisition des grévistes qui luttent pour les salaires, comme on l’a vu avec les raffineurs en octobre dernier.

L’ensemble de l’orientation des directions syndicales va ainsi dans le même sens : retour à la normale, fin du mouvement, et tentative de grapiller quelques miettes sur le terrain institutionnel. Tout ça éventuellement ponctué de nouvelles journées sans lendemain. Alors que la situation est loin d’être refermée et que la colère est toujours très forte, l’urgence devrait plutôt être de tirer les bilans des derniers mois de journées de grève isolées, et de préparer une stratégie qui, cette fois, cherche à construire le rapport de forces par la grève.

Une autre stratégie est possible

C’est ce qu’on défendu mercredi les manifestants rassemblés à quelques mètres de Matignon à l’appel du Réseau pour la grève générale.

« La séquence n’est pas finie, loin de là. Je ne saurais pas vous dire si on va gagner sur la réforme des retraites très honnêtement. Mais on ne peut pas vendre du rêve non plus : la prochaine journée de grève, il faut la rendre massive, mais ce n’est pas suffisant s’il n’y a pas de plan de bataille, s’il n’y a pas d’élargissement sur la question des salaires, de l’inflation, du climat, etc. Il faut une bataille du tous ensemble, et il faut la construire ! » expliquait ainsi Anasse Kazib aux travailleurs, jeunes, militants et syndicalistes présents.

Des bilans des derniers mois et des perspectives de lutte qui devraient être discutés par l’ensemble des sections syndicales, des travailleurs et des militants, pour que le 6 juin ne soit pas un baroud d’honneur mais permette par l’organisation et la coordination par en bas, de donner un second souffle et des perspectives à la colère immense contre ce gouvernement.

Lire aussi : « On ne négocie pas avec le régime qui envoie des grévistes à l’hôpital » Anasse Kazib devant Matignon


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