C’est sur BFMTV que Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, a expliqué le fonctionnement du chèque-psy « Il faut commencer par aller voir soit un médecin généraliste du sein du service de santé universitaire, soit un médecin figurant sur une liste de médecins avec lesquels les services de santé ont passé des conventions, puis on choisit dans une liste de psychologues qui ont accepté [...] Ensuite on est accompagné par ces psychologues pour des séances de 45 minutes (au nombre de trois). Et puis, il y a toujours un suivi médical parce que parfois on aura besoin d’envoyer ces étudiants vers des psychiatres qui eux aussi se sont organisés dans ce réseau ».
La réalité qui se cache derrière la mise en place de chèque-psy met encore une fois en lumière l’indifférence totale dont fait preuve le gouvernement face à la détresse étudiante, et plus largement aux problématiques de santé mentale.
Une procédure difficile
Le premier problème posé par ce chèque-psy est qu’il faut passer par son généraliste ou le service médical universitaire pour pouvoir l’obtenir : l’étudiant.e est donc déjà contraint.e de payer une première consultation qui ne sera pas forcément remboursée, mais aussi, il n’est pas toujours facile d’aborder les questions de souffrance psychique avec son médecin généraliste, notamment lorsqu’il est aussi le médecin de famille. Sur Twitter, des étudiant.e.s témoignent des difficultés qu’ils et elles rencontrent pour obtenir ce chèque :
Ce qu'on nous a pas dit c'est que le chèque psy pour l'avoir il faut aller chez le médecin avant, donc certains ont pas les sous pour des pâtes mais faut aller chez le médecin pour avoir un minimum d'aide ?
— ⬠PØЄŦ/ÂRŦĪ$Ŧ⬠ (@calutopie) February 2, 2021
Je viens de guetter les modalités du ''cheque psy'' pour les étudiants. Mais quand on est suivi pour des raisons précises depuis de longues années, on est obligé de passer chez un généraliste pour qu'il évalue notre état avant
— ?゚マᄏ♀️ (@Victoria_dcrvl) February 1, 2021
Chèque psy = 3 consultations ?? Les problématiques psy ne vont pas s'évaporer en 3 séances. J'hallucine. pic.twitter.com/ytOaCpF2Vo
— Ψ (@lackfades) February 2, 2021
3 séances et pas une de plus
Mais le plus gros problème posé par le chèque-psy est qu’il ne couvre que 3 séances avec le/la psychologue : autrement dit il n’est pas question ici de donner à l’étudiant.e la possibilité de bénéficier d’une vraie prise en charge thérapeutique. Comme le souligne cette psychologue sur son compte Twitter militant dédié à sa pratique, en 3 séances il est impossible de soulager ou de réellement venir en aide à une personne en souffrance. En 3 séances, le ou la psychologue ne peut mener à bien qu’une action de dépistage du risque suicidaire ou de décompensation.
- Le chèque psy en réalité c'est la prise en charge de 3 séances. Qu'est-ce qu'on fait en 3 séances ? En gros, ça ne sert pas à faire de la thérapie ou du soulagement, 3 séances c'est fait pour faire du dépistage. Pas plus, il ne faut pas se voiler la face. En 3 séances, je ⬇️
— Lapsyrévoltée (@lapsyrevoltee) February 2, 2021
De la même manière les étudiant.e.s qui ont commencé une thérapie avec un.e psychologue avant la mise en place du chèque-psy ne pourront pas bénéficier de ce dernier et se voir rembourser le prix de quelques séances souvent très pesantes sur leur budget.
j’ai trop la haine j’ai cru qu’avec leur chèque psy je pourrais payer mon rdv de ce moi ci mais en fait faut aller chez un médecin de la fac qui va ensuite recommander un psy sur la liste ?
— astrobitch (@etoilefilante_) February 3, 2021
Enfin, de nombreux.ses psychologues expliquent ne pas avoir été informé.e.s de la procédure à suivre afin de faire partie de la liste des professionel.le.s acceptant le paiement avec le chèque-psy.
Dites les médecins #DocTocToc vous avez reçu la fameuse liste des psy vers qui orienter les étudiant·e·s qui veulent bénéficier du chèque psy du gouvernement ? Parce que nous on a aucune info
— Lapsyrévoltée (@lapsyrevoltee) February 2, 2021
Une mesure toujours pas appliquée
Alors que l’annonce du chèque psy est arrivée il y a plusieurs semaines maintenant, et que la mesure était censée être appliquée à compter du 1er février, une fois de plus il n’en est rien. « La circulaire d’application n’a toujours pas été publiée par le ministère de l’Enseignement supérieur et les médecins ne peuvent toujours pas distribuer ces chèques aux étudiants » explique ainsi un article de France Culture.
Sur Twitter encore plusieurs comptes soulèvent le problème, et mettent en avant le manque d’information criant.
Le SIUMPPS de mon université vient de me confirmer par téléphone que le chèque psy n'était pas encore déployé (promesse du mesri 1fevrier) et qu'ils ne savaient pas quand ça allait commencer, mais que ce n'était pas pour demain.#etudiantsfantomes
— Les Étudiants Vont Bien (@VontBien) February 10, 2021
— Les Étudiants Vont Bien (@VontBien) February 10, 2021
Sur le compte du gouvernement la catégorie chèque psy se voit suivi de l’information suivante : « Plus d’informations sur ce dispositif très prochainement ».
A l’image des repas à 1 euros avec des sandwiches à moitié vide, ou des resto U fermés, les chèques psy ressemblent encore une fois à une de ses mesures fantômes dont le gouvernement à le secret.
Exigeons la gratuité des soins
Selon un sondage Ipsos, 40% des jeunes âgé.e.s de 18 à 24 ans souffriraient d’un trouble anxieux. Dès lors, l’annonce de ces chèques psy semble bien insignifiante face à l’étendue de la détresse des étudiant.e.s. C’est pourquoi il est urgent d’exiger un investissement massif dans les services publics, afin de permettre aux institutions d’embaucher des professionnel.le.s de santé pour venir en aide aux étudiant.e.s. Et pour répondre à l’ampleur de la détresse, ce n’est pas 3 séances gratuites uniquement pour les étudiants qu’il faut exiger mais bien la gratuité des soins pour tou.te.s.
Mais cette situation de détresse et de précarité psychologique ne saurait être résolue sans traiter le problème « à la racine ». C’est pourquoi il est nécessaire d’exiger des moyens pour rouvrir les facs : les étudiant.e.s doivent pouvoir retrouver leur lieu d’étude, lieu nécessaire aux échanges et à la vie sociale, tout en respectant les mesures barrières nécessaires pour endiguer la propagation du Covid. Ainsi, la question qui se pose aujourd’hui pour répondre à la crise dans la santé, comme dans l’ensemble des services publics, est celle d’un investissement massif dans ces secteurs.