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La grève aux grévistes !

Latelec : Face aux divisions syndicales, le contrôle des grévistes comme gage de l’unité

Ce jeudi 3 décembre, les salariés de Latelec sont entrés en grève face au plan de suppression de postes de la direction. Un conflit qui part de la base et doit rester sous son contrôle pour assurer l'unité, alors que FO et la CFE-CGC ont mis de côté la CGT dans le cadre de l'intersyndicale.

Julian Vadis

8 décembre 2020

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Alors que les négociations du très mal nommé « plan de sauvegarde de l’emploi » (PSE) ont été entamées depuis deux mois à Latelec, branche du groupe Latécoère dans l’aéronautique, les salariés sont entrés en grève ce 3 décembre. Un mouvement qui émane totalement de la base, initié par des non-syndiqués et qui a réuni, dès le premier jour, plus de 150 travailleuses et travailleurs sur le piquet de grève. Une lutte contre les plus de 130 suppressions de postes donc, mais qui témoigne surtout d’une colère et d’une détermination très forte face à l’attaque violente de la direction. Comme le disent eux même les grévistes sur le piquet, c’est avant tout une lutte pour la dignité qui s’est entamée.

De premières divisions syndicales qui font le jeu du patron

Chez Latelec, trois syndicats sont représentés : FO, la CFE-CGC et la CGT. C’est pourtant en dehors du cadre de ces syndicats que la grève s’est amorcée, face à l’inertie des syndicats d’une part, et surtout face au déroulé même des négociations avec la direction, cette dernière ne reculant sur rien et entendant imposer son plan coûte que coûte.

Les travailleuses et travailleurs en grève s’organisent donc en assemblée générale, directement sur le piquet de grève, dans la plus pure tradition de la démocratie ouvrière. Des éléments de tradition qui s’expriment quasi « par instinct », tant les grèves sont rares dans le secteur de l’aéronautique. Pour la quasi-intégralité des grévistes, il s’agit de la toute première grève, ce qui possède des atouts et des inconvénients. La principale difficulté étant, fort naturellement, une forme d’apprentissage « sur le tas », et donc une forme de latence face à des événements imprévus inhérents à tout conflit social. Mais le principal avantage, qui est bien la force des grévistes, réside dans le fait que les salariés de Latelec ne sont en aucun cas « parasités » par une forme quelconque de « routine ». Les négociations n’avancent pas ? Les grévistes envahissent les locaux ! La direction entend donner une réponse aux revendications une semaine après ? Blocage immédiats des expéditions ! Cette explosivité et cette spontanéité, lié à une forte détermination des grévistes, est bien le cocktail qui embarrasse le plus la direction dans l’application de son plan, et c’est ici que réside le cœur d’une potentielle victoire dans le conflit.

Dans ce cadre, le rôle des organisations syndicales devrait être de se mettre aux services des grévistes, apporter leurs expertises aux services de la lutte. Pourtant, force est de constater que ce n’est pas le cas. Pour l’heure, seule la CGT a apporté un soutien logistique et participe de plein pied aux assemblées générales, rendant compte de l’avancée des négociations devant les principaux concernés. FO et la CFE-CGC, quand à eux, n’ont même pas daigné venir sur les deux piquets de la semaine dernière ! Pire, alors qu’une intersyndicale était en place, FO et la CFE-CGC ont décidé d’écarter purement et simplement la CGT en écrivant une lettre ouverte demandant une réunion avec le directeur de site, offrant ainsi un triste spectacle de division.

Une attitude des syndicats qui n’est pas sans inquiéter, à juste raison, les grévistes qui savent bien que l’unité est indispensable pour arracher la victoire. En effet, cette rupture de l’intersyndicale est aujourd’hui la principale arme de la direction pour imposer son plan de suppression de postes, lui permettant de manœuvrer à sa guise en détournant le regard de la mobilisation, et donc à jouer la montre pour éteindre petit à petit le brasier qui s’exprime actuellement.

Il est donc clair que la question de l’unité est au centre du conflit de Latelec aujourd’hui. Il est tout aussi clair que, au vu de l’attitude irresponsable au niveau de l’intersyndicale, cette unité ne peut être imposée qu’à partir de la base. C’est par le développement de l’auto-organisation, l’expression propre des grévistes, une prise de décision collective qu’il sera possible de contraindre l’ensemble des syndicats à la volonté de la base. Cela passe, par exemple, par la mise en place de différentes « commissions » qui s’occupent de tous les aspects de la grève, de la communication aux négociations, de l’extension maximale en allant chercher tout les collègues à la planification d’action jusqu’à la récolte de fonds pour aider à tenir dans la durée.

Auto-organisation et convergences, deux maîtres-mots pour ouvrir les voies de la victoire

Dans ce contexte, la question de l’unité est donc un combat, qui peut être alimenté de différentes manières. Chaque occasion de renforcer les grévistes est donc à saisir.

La situation à Latelec a ceci de particulier que, dans le même temps, un PSE touche aussi l’autre branche de Latécoère. S’il s’agit du même groupe, la spécificité est qu’il s’agit de deux « entités » séparées, et donc de deux PSE différents. Et pourtant, à la table des négociations, il s’agit des mêmes interlocuteurs de la direction !

C’est pourquoi la CGT Latécoère a, dès le premier jour, apporté son soutien aux grévistes de Latelec, avec une présence sur le piquet de grève. De cette « proto-convergence » est sorti un appel à se rassembler en commun, ce mardi 8 décembre, à l’occasion des négociations à Latécoère.

En soi, ce rassemblement est un étape clé pour plusieurs raisons. D’abord car il serait un parfait camouflet pour la stratégie de division de la direction sur le long terme, qui subdivise ses unités de productions pour pouvoir attaquer chacun séparément. Crier haut et fort que non, les ouvriers sont avant tout des collègues et qu’ils se battent de ce fait ensemble serait donc une victoire importante pour les grévistes, et influerai en leur faveur dans le rapport de force.

Dans le même temps, « la mobilisation appelle à la mobilisation ». Il est clair que si cette convergence est réussie, elle serait alors un signal fort envoyé à l’ensemble de celles et ceux qui ne sont, pour l’heure, pas encore mobilisés. C’est particulièrement le cas à Latécoère, ou la mobilisation peine à prendre. Mais c’est aussi le cas chez Latelec où les conditions actuelles très particulières, notamment avec le chômage partiel et le télétravail, font qu’un certain nombre de collègues ne sont pas encore dans le mouvement. Or, faire une démonstration de force, en montrant qu’il est possible de faire reculer la direction, peut permettre d’élargir la mobilisation à celles et ceux qui peuvent encore douter, ou qui peuvent avoir peur de se mobiliser.

Auto-organisation à la base avec souveraineté absolue des grévistes et convergences, liées à la détermination exemplaire des grévistes exprimée en fin de semaine dernière, c’est bien cette voie qui peut entrouvrir les voies de l’unité indispensable pour mettre un frein aux attaques de la direction. Et donc ouvrir les voies pour une victoire des grévistes, à Latelec bien sur, mais aussi en montrant dans d’autre boites que les PSE ne sont pas une fatalité !


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