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À coups de réformes

La réforme 100% santé : une usine à gaz pour notre système de sécurité sociale

Depuis le 01 janvier 2020 nos lunettes et bridges sont mieux remboursés mais à quel prix ? La réforme "100% santé" est pensée pour un système de santé qui donne de plus en plus de place aux assureurs de santé privés qui comptent bien prendre leur revanche sur le système de sécurité sociale. Explications.

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Règle n°1 : quand le gouvernement Macron fait une réforme, il faut toujours se méfier

C’était déjà le cas pour la réforme de l’Aide Adulte Handicapé (AAH). Début 2019, dans un contexte d’indignation exprimé à travers le mouvement des Gilets Jaunes, Macron arguait, pour sa défense, d’une réforme contenant l’augmentation de l’aide perçue par les personnes en situation de handicap - restant toujours sous le seuil de pauvreté -. En fait, cette même réforme impose aux bénéficiaires vivant en couple une baisse significative de leur allocation, voire une suppression de l’aide si les revenus du conjoint dépassent 2 243 € nets par mois.

Un petit pas en avant, trois pas en arrière...

100% santé : le compromis de la mutualité et la pression des assureurs privés à but lucratif

Le système de sécurité sociale n’a pas fini de prendre les coups du gouvernement. En effet, la ministre de la santé Agnès Buzyn nous offre la réforme « 100% santé ». Nous pouvons nous réjouir d’une marche en faveur de « l’accès de tous les citoyens à des soins de qualité » par la prise en charge de certains soins par nos mutuelles (aussi appelées complémentaires santé) qui rembourseront d’ici 2021 certaines lunettes à 100% (montures et verres), certains soins dentaires (bridges et couronnes) et une baisse de 250€ supplémentaire du reste à charge sur les prothèses auditives.

« Mutuelles »… vous avez dit mutuelles ?! C’est en fait une torsion du gouvernement pour piller toujours plus notre système de santé. Pour rappel historique, en 1947, seulement deux ans après la construction du système de protection social, les mutuelles ont gagné une bataille qui leur a permis d’assurer la protection complémentaire santé. C’était alors un premier compromis avec le secteur privé.

La problématique autour des mutuelles est qu’elles ne permettent pas une contribution de chacun selon ses moyens et une prestation à chacun selon ses besoins, ce que permet la « sécu ». À quoi sert un nouveau dispositif de remboursement si les malades n’y ont pas tous accès ? « Ce développement de l’assurance privée est préjudiciable au patient. D’abord parce que certains patients sont dépourvus d’assurance complémentaire car ils ne peuvent pas se la payer. C’est encore le cas de 4 % des assurés. Ensuite parce que tout le monde n’a pas la même assurance privée. Les individus ne s’assurent pas en fonction du risque, mais en fonction de leur capacité de paiement. Ce sont les plus hauts revenus qui ont les assurances les plus couvrantes » selon un article d’Alternatives Economiques.

D’autant que cette belle publicité aux complémentaires leur permet de justifier une augmentation moyenne de 10% des cotisations. Comme le dit l’économiste Frédéric Bizard, (expert en protection sociale et santé) au micro de France Inter : « C’est l’assureur privé qui va financer une partie du reste à charge [plus de 90%, la sécurité sociale ne prenant à charge que 4% de l’optique, 1/3 des dépenses du dentaire et moins de 50% de l’audioprothèse] en reportant cette dépense sur les primes des contrats payées… par les Français ».

En plus de creuser les inégalités face à la santé, les mutuelles (sociétés à but non lucratif) sont de plus en plus diluées par les sociétés d’assurances privées à but lucratif, qui comptent bien prendre le relais : « Les mutuelles ont perdu leur identité et s’alignent aujourd’hui sur les techniques des sociétés d’assurance privées. Les directives européennes et la sacralisation de la concurrence ont eu raison de la spécificité mutualiste. La mutualité perd continuellement des parts de marché au profit des sociétés d’assurance à but lucratif. Elle cherche à résister à la concurrence par des mouvements de concentration et d’alliances de très grande ampleur entre mutuelles, mais aussi entre mutuelles et opérateurs privés comme des banques » toujours selon l’article d’Alternatives Economiques. Ceci à lieu depuis 2001 lors d’une modification du Code de la Mutualité au profit des intérêts du patronat, au nom de la «  concurrence loyale et non faussée  ».

Des choix de classe : en marche vers le système de santé américain

Ceci dans un contexte de « crise » économique bien connu. En 2019, le CAC 40 a versé en dividendes de quoi financer 12 « trous de la sécu » selon le magazine Frustration. D’autant que depuis l’élection de Macron, le patronat est exonéré des cotisations sociales – et non « charges » sociales - causant une perte de financement de la sécurité sociale de 63 milliards d’euros en 2019 !

En d’autres termes, ces remboursements pourraient être financés par le système de santé en se refusant de créer une stratification des soins et une médecine à plusieurs vitesses. Ces choix politiques en défaveur de la sécurité sociale - garante d’un système de justice sociale face à la santé - sont des choix de classe : il s’agit de privilégier les intérêts du capital au détriment de l’intérêt général. Nous devons exiger la gratuité des soins pour toutes et tous par un remboursement à 100% par la sécurité sociale et par la taxation du patronat et non son exonération.

Crédit photo : Fred TANNEAU / AFP


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