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Soupçon de corruption

La justice enquête sur la vente de sous-marins au Brésil

La justice française enquête sur des soupçons de pots-de-vin qui pourraient avoir permis à la France de décrocher, fin 2008, une commande de quatre sous-marins nucléaires destinés au Brésil, pour plusieurs milliards d’euros.

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© AP Photo/

Lors d’une visite de Nicolas Sarkozy au Brésil, le 23 décembre 2008, le président de la République de l’époque a signé avec son homologue brésilien, Lula, un contrat d’armement juteux. Il était question de la livraison de quatre sous-marins à propulsion classique de type Scorpène, sous-marin d’attaque conventionnel fabriqué par les chantiers français DCNS, en coopération avec le groupe espagnol Navantia. Cette livraison rentre dans le programme de défense brésilien, baptisé Prosub, qui vise à protéger les 7500 kilomètres de côtes du pays et ses gisements de pétrole en eaux très profondes. Ce programme prévoit d’importants transferts de technologie, la construction d’un chantier naval, d’une base militaire et d’un sous-marin nucléaire. Le contrat a coûté la bagatelle de 6,7 milliards d’euros. 4,1 vont à la France. Quant aux 2,6 restants, ils vont à des entreprises brésiliennes.

Or, le Parquet national financier (PNF) a ouvert, en octobre, une enquête préliminaire pour « corruption d’agents publics étrangers » sur cette transaction. Le PNF s’interroge sur le versement éventuel de pots-de-vins, suivis de rétro-commissions.

La chef du PNF, Éliane Houlette, accompagnée de trois magistrats de son parquet ainsi que de Thomas de Ricolfis, directeur de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), se sont rendus au Brésil la semaine dernière. Officiellement dans le but de « renforcer la coopération judiciaire » entre les deux pays, ils ont rencontré le président de la Cour suprême et le procureur général du Brésil.

Mais en réalité, les enquêteurs français ont rencontré les investigateurs brésiliens en charge de l’affaire Odebrecht. L’affaire Odebrecht, c’est l’affaire de la corruption généralisé au Brésil. Le géant du BTP Odebrecht et le groupe pétrolier d’État, Petrobras, sont accusés de verser systématiquement des pots-de-vin à des responsables politiques pour truquer les marchés publics.

Plus de 70 cadres de cette gigantesque entreprise du BTP ont été impliqués, dont le PDG, Marcelo Odebrecht, déjà condamné à dix-neuf ans de prison. Avec son père Emílio, lui aussi épinglé, ils « coopèrent avec la justice » en échange de remises de peine.

Ce scandale de corruption qui secoue le Brésil vise les plus hautes sphères de l’État, puisque Lula, président lors de la signature du contrat pour les sous-marins, Dilma Rousseff, déposée suite à un coup d’état parlementaire, et Michel Temer, actuel chef de l’État, sont tous les trois impliqués dans ces affaires. D’après Emilio Odebrect, « la corruption est institutionnalisée depuis trente ans ». Plus de 200 élus brésiliens sont soupçonnés d’avoir touché des pots-de-vin. Suite à certains aveux, la vente des sous-marins français a fait son apparition dans le tentaculaire dossier de corruption.

Selon l’un des porte-parole de la DCNS, l’entreprise « respecte partout dans le monde scrupuleusement les règles de droit ». Mais si la DCNS est partenaire au Brésil du géant du BTP Odebrecht, comment a-t-elle alors fait pour ne pas être mouillée ? Là est le mystère, puisque des cadres d’Odebrecht ont directement mis en cause la société française. Emilio Odebrecht affirme que son entreprise a payé 40 millions d’euros au lobbyiste brésilien José Amaro Pinto Ramos, en marge du contrat conclu avec la DCNS. Le versement de la somme a été enregistré sous le nom de code « Champagne ». Selon lui, la rétribution de cet intermédiaire avait été exigée au moment de la conclusion du partenariat avec la DCNS. Le groupe français, qui a vendu les mêmes insubmersibles à l’Inde, au Chili et à la Malaisie, a été visé par la justice de ce dernier pays pour des faits similaires.

Le PNF enquête également sur des soupçons de corruption visant l’attribution des Jeux olympiques 2016 à Rio de Janeiro. Le Japon, qui était également candidat à l’organisation de ces jeux, avait dénoncé le lobbying de la France en faveur du Brésil. Or, l’attribution de l’organisation des jeux au Brésil s’est faite au même moment que la signature du contrat de la vente des sous-marins. Coïncidence ?

Les rétro-commissions est une pratique courante. Il suffit de revenir quelques années en arrière et tout le monde se rappelle des fameuses frégates de Taïwan. En août 1991, l’État français, à travers l’entreprise Thomson-CSF, a passé un contrat d’armement avec Taïwan. Six frégates ont été vendues et pas moins d’un demi-milliard d’euros de commissions et rétro-commissions, dont une partie était destinée à des hommes politiques français. Il y a eu plus d’une demi-douzaine de morts suspectes. L’entreprise mise en cause, Thomson-CSF, est devenu par la suite Thalès, le secteur maritime de Thalès a été racheté par la DCNS. L’entreprise française a donc plusieurs fois trempé dans ce genre d’affaire. Ces petits arrangements entre dirigeants et grands patrons sont monnaie courante. Le problème est que tout cet argent va directement dans les poches de la classe politique corrompue et du patronat avide de s’enrichir.


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