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Tribune libre

La droite de retour au pouvoir, nouvelle offensive néolibérale à prévoir

Les semaines se succèdent, nous rapprochant de l’échéance de la prochaine élection présidentielle. Le peuple des droites attend que les siens viennent réoccuper la maison du pouvoir. La droite apparaît prête à prendre la relève, à suppléer un Parti socialiste carbonisé, en train de s’autodétruire. Certains ont même la certitude que le candidat du PS, sans doute François Hollande, ne parviendra pas à se qualifier pour le second tour de l’élection présidentielle en 2017 et qu’il sera supplanté en dernière instance par Marine Le Pen. Les électeurs des gauches seraient ainsi condamnés à vivre un second 21 avril 2002, l’effet de surprise et de sidération en moins. Hugo Melchior, doctorant et militant politique à Rennes 2

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Pour beaucoup à gauche, peu importe le sort qui attend le Parti socialiste dans à peine un an. A leurs yeux, celui-ci aurait assumé avec un zèle certain son rôle de « gardien intérimaire de l’ordre établi », pour reprendre l’expression du philosophe Alain Badiou dans un ouvrage rédigé à la veille des élections de 2012. Il aurait poursuivit l’œuvre de la droite en accélérant, par la médiation de l’État, l’ordonnancement de la société dans une perspective néolibérale et ce, tout en préservant la paix sociale que la droite a toujours trop tendance à rompre lorsqu’elle gouverne. Le Parti socialiste au pouvoir aurait ainsi continué à procéder aux réformes structurelles présentées comme autant de nécessités impérieuses pour que « l’entreprise France » maintienne son rang dans l’économie-monde et puisse disposer des armes pour supporter la guerre économique en cours.

La droite paraît aujourd’hui, quant à elle, comme en 1984, radicalisée, échafaudant de grands desseins pour la France de demain. Elle paraît bien décider à continuer, tout en accélérant franchement, l’action réformatrice engagée depuis quatre ans par le Parti socialiste. En 1984, nous étions deux ans avant la tenue des élections législatives que les droites unies, UDF et RPR disaient impossibles à perdre après son succès triomphal aux élections européennes de juin 1984. Rien ne pouvait empêcher cette victoire tant annoncée et par la même l’avènement d’une situation totalement inédite sous la « monarchie république » voulue par le Général De Gaulle, à savoir une période de « cohabitation ». Victorieuses, les droites revanchardes voulurent défaire, sinon tout, au moins une partie importante de ce qui avait été accompli par François Mitterrand au cours de la première année de son mandat. Les années passées dans l’opposition avaient amené le RPR à épouser la « révolution néolibérale » alors en cours dans le monde occidental.

Dès 1981, au sein du parti de Jacques Chirac, l’on ne parlait plus de « travaillisme à la française », d’« économie mixte », d’une possible « troisième voix » entre libéralisme classique et marxisme. Le RPR, majoritaire à droite, régla elle aussi sa montre à l’heure de la « nouvelle raison du monde », la politique de l’offre, « supply-side économic ». Les mesures les plus marquantes prises par le pouvoir socialiste, telles que les nationalisations, l’incitèrent à se radicaliser, tandis que le ralliement définitif du PS au consensus capitalo-présidentialiste dans les mots comme dans les faits l’obligea à verser dans la surenchère néolibérale afin de prévenir une trop grande indifférenciation idéologique. Aux poubelles de l’histoire donc le consensus social-démocrate né de la Libération et du Programme du Conseil National de la Résistance, le compromis keynésien-fordiste régulant le rapport salarial pendant les dites « Trente glorieuses ». Dès lors, ce furent les valeurs, les principes, les aspirations absolument compatibles avec la continuité capitaliste qui irradièrent le champ intellectuel et politique. La victoire de la droite rassemblée sur une plateforme néolibérale fut donc bien le symptôme de son temps, le reflet de cette décennie appelée a posteriori, par l’historien François Cluset, le « grand cauchemar des années 80 ».

En 2016, la droite est à nouveau revancharde et radicalisée dans la perspective de la présidentielle de 2017 et de son probable retour aux affaires. Contrairement aux dirigeants du Parti socialiste, qui, lorsqu’ils sont défaits tendent à considérer dans leur majorité qu’ils n’ont pas encore été suffisamment « modernes », qu’ils se sont laissés une fois de plus contaminer par leur pourtant introuvable « surmoi marxiste », la droite, elle, considère, que si elle a échoué c’est parce qu’elle n’a pas été suffisamment à droite ! Aussi revendique-t-elle, dans la perspective de 2017, le fait de vouloir accomplir ce qu’elle n’a jamais encore osé faire jusqu’à présent : supprimer toute durée légale du temps de travail hebdomadaire, conservant pour seule référence le maximum européen fixé à 48h ; faire travailler les fonctionnaires 39h par semaine ; repousser l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans au moins ; aller toujours plus loin dans le processus de réorganisation néolibérale du travail ; organiser une nouvelle nuit du 4 août fiscal à l’envers en supprimant l’ISF et en baissant drastiquement l’impôt sur le revenu et sur les sociétés, purger la fonction publique au nom de la lutte contre les déficits publics, libéraliser la sécurité sociale, protéger davantage le pays du « péril migratoire »...

Cette volonté d’aller toujours plus loin est d’abord due à la lecture qui a été majoritairement faite de la défaite à l’élection présidentielle de 2012. En effet, une partie importante de la droite considère que si elle a été privée de la victoire, c’est parce qu’elle n’avait pas été suffisamment loin dans la « rupture » qu’elle n’avait eu de cesse de promettre avant 2007. La droite décomplexée, fière de ne pas être de gauche, proclamait vouloir rompre avec tout ce qu’elle assimilait de près ou de loin aux « conservatismes », aux « insupportables statu quo » pour faire advenir à la place, de gré ou de force, ce qu’elle aimait nommer pendant la campagne « La France d’après ». Nicolas Sarkozy avait d’ailleurs déclaré à la foule rassemblée le soir de sa victoire, le 6 mai 2007, Place de la Concorde : « La fatalité ne fait pas parti de mon vocabulaire. Je ne vous trahirai pas. Je ne vous décevrai pas ». Le temps était alors à la conquête de la lune pour la droite victorieuse, au combat décidé, sans faiblesse contre ceux qui souhaiteraient empêcher la bonne marche du changement programmé. Cependant, au bout de cinq années, ils sont nombreux à droite à considérer que son bilan de président ne fut pas à la hauteur des espérances soulevées.

Celui qui incarne le mieux cette tendance à la critique contre l’ancien président est François Fillon. Celui-ci réclama d’ailleurs, dès le lendemain de la défaite du président sortant, un droit d’inventaire sur son bilan. Ainsi, François Fillon parvint à la conviction que Nicolas Sarkozy, loin d’être le héros de la réforme audacieuse, en dépit de ses rodomontades et ses effets de manches, n’était en réalité qu’un faux-dur, préférant trop souvent sacrifier la charge subversive des réformes programmées sur l’autel de la préservation de la paix sociale. Nicolas Sarkozy aurait eu peur du peuple français, peuple dont il aimait d’ailleurs rappeler en privé le caractère « régicide »… Alors, il aurait choisi d’édulcorer, d’adoucir ses réformes parce qu’il n’avait pas, comme il l’a dit à plusieurs reprises, « été élu pour mettre tous les mois la France dans la rue ». Face à l’adversité redoutée, Nicolas Sarkozy aurait souvent renoncé préventivement aux entreprises jugées à ses yeux trop risquées plutôt que d’assumer l’épreuve de force avec les « défenseurs du statu quo ». Un quinquennat presque pour rien donc, c’est le sentiment qui semble dominer chez François Fillon et chez bien d’autres membres et électeurs des Républicains.

Plus qu’un goût d’inachevé, c’est bien un véritable sentiment de gâchis qu’ils ressentent lorsqu’ils repensent à ces cinq années où tout était censé « devenir possible » selon le slogan du candidat Sarkozy, où ils allaient pouvoir, enfin, « changer » vraiment la vie. Sarkozy aurait failli, il se serait déshonoré auprès de son camp en l’abusant sciemment. Aussi, il ne serait pas question d’offrir une seconde chance à « Napoléon le très petit », tandis que François Fillon, mais aussi Bruno Le Maire comme Alain Jupé, considèrent que c’est à eux, désormais, qu’il incombe de faire ce qui n’a pas été réalisé lorsque l’ancien président était en situation de le faire. Sans nul doute, François Fillon, à l’instar de tous les candidats à la primaire des droites, en a assez d’entendre depuis 4 années les électeurs de droite les interpeller sur le mode : « Mais pourquoi vous ne l’avez pas fait lorsque vous étiez au pouvoir ? ». L’histoire est passée. Désormais, François Fillon et ses concurrents ont tous soif de revanche et désirent être ce que Nicolas Sarkozy n’a au fond jamais été : un « thatchérien français ». Le Sarkozy rêvé en somme, auquel les gens ont cru sincèrement en 2007, ce seront eux François Fillon, Alain Jupé ou Bruno Le Maire…

Aussi, le retour de la droite aux affaires, si elle advient l’année prochaine, marquera, à n’en pas douter, le début d’une offensive néolibérale d’envergure et sans doute fulgurante. François Fillon déclarait, dès 2014, qu’il était prêt, comme Margaret Thatcher en son temps, à se confronter à des résistances importantes de la part de ceux et celles, syndicats, « gauchistes patentés » qui décideront de s’opposer à sa thérapie de choc. Il sait, par expérience, qu’un tel programme ne s’imposera pas sans qu’il soit préalablement sorti victorieux de l’épreuve de la rue, même si l’action collective connaît plus que jamais une crise d’attractivité et de crédibilité du fait principalement de son incapacité chronique à offrir des résultats probants à ceux qui y prennent part. François Fillon, pour ne prendre que cet exemple, se dit prêt à la guerre sociale. Il aime se convaincre qu’une fois au pouvoir il tiendra bon, quoiqu’il arrive, qu’il restera « droit dans ses bottes » devant les éructations et gesticulations stériles de la rue.

La droite parait en tout cas avoir très faim de victoires et de réformes. Elle désire réussir là où, selon beaucoup de ses leaders, elle aurait échoué lors des mandatures précédentes. Elle sait que 2017 lui offrira une nouvelle chance historique pour mener à bien les réformes qu’elle n’avait jusqu’à alors pas osé entreprendre. Elle sait qu’elle n’aura pas le droit à l’erreur, que son peuple l’attend, plein d’espérances une fois encore. Aussi, l’heure sera à l’audace, à l’imagination, aux batailles décisives contre « les forces du conservatisme » pour transformer en France aussi, comme l’avait souhaité la Dame de fer en son temps, « les corps et les âmes »…


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