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Droit de retrait attaqué

La direction menace les cheminots de poursuites disciplinaires pour une grève "pas acceptable"

Que la sécurité dans les trains ne soit pas assurée, que les conducteurs soient seuls pour gérer des situations gravissimes, que le matériel soit de plus en plus endommagé, rien de tout cela ne dérange le gouvernement. Par contre, que les cheminots le dénoncent et exercent leur droit de retrait, voilà qui dérange le gouvernement et la direction de l’entreprise, qui a décidé de mettre en demeure des cheminots qui ont arrêté le travail, les menaçant de « poursuites disciplinaires ».

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La droite, le gouvernement et le groupe SNCF se sont donnés le mot ce matin : il faut dénoncer « la grève sauvage » des cheminots ! Pour la direction de la SNCF, « aucun voyageur n’a été en situation de danger ». Franck Lacroix, directeur général de la SNCF a ainsi déclaré lors d’une conférence de presse : « on est bien dans le cas d’une grève sans préavis qui n’est pas acceptable. »

Pourtant, si de nombreux cheminots ont ce matin exercé leur droit de retrait pour dénoncer la dangerosité du dispositif EAS (Equipement à Agent Seul), c’est à dire des trains circulant avec seulement un conducteur chargé d’assurer la sécurité ferroviaire et la sécurité des usagers, suite à un grave accident dans les Ardennes où un conducteur de train a sauvé 70 vies suite à une collision à un passage à niveau.

Ainsi, Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État aux transports, a dénoncé une instrumentalisation du droit de retrait : « On n’instrumentalise pas un événement de sécurité pour faire valoir une position politique. La CGT conteste que les conducteurs de trains soient seuls, c’est le cas depuis dix ans ». Dans la foulée, Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, a dénoncé une « prise d’otage qui plonge dans la détresse des centaines de milliers de voyageurs sur les lignes RER et de trains ». Pour compléter le dispositif, le groupe SNCF, sur tous ses affichages, a donné comme raison de l’absence de train « une grève inopinée » sans préciser à aucun moment la raison du mouvement social.

Et le pire c’est que la direction de l’entreprise va même jusqu’à menacer les cheminots ayant exercé leur droit de retrait, de « poursuites disciplinaires » ! Cela montre non seulement que pour les dirigeants du groupe, la sécurité des usagers importe peu, aussi, fait marquant, que lorsque les cheminots décident d’arrêter le travail sans donner à l’entreprise le temps de trouver des remplaçants, ils font vraiment peur au gouvernement.

En réalité, l’offensive concertée du gouvernement et de la direction de entreprise, fait fi de la réalité : alors qu’un accident grave a eu lieu mercredi, la majorité des agents, conducteurs et contrôleurs, ont exercé leur droit de retrait. Un cheminot de Strasbourg, conducteur et syndiqué chez Sud-Rail nous explique les raisons de ce mouvement spontané : « ce qu’on craignait, ce qu’on redoutait, l’accident qu’on citait en exemple sur ce qui pouvait se passer avec le dispositif EAS, s’est produit. Cela montre à tout le monde qu’on n’était pas dans la folie, qu’on n’était pas des oiseaux de mauvais augure, que des accidents aussi graves pouvaient se produire. »

Pour les cheminots, ce qu’ils dénonçaient comme étant les possibles conséquences du dispositif est donc devenu réalité. D’où un droit de retrait, qui peut être déposé pour tout « danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée », comme le dit la loi. « Les conducteurs considère que leur vie est mise en danger lorsqu’ils prennent leur train. Ils se disent si je fais le même trajet, il pourrait m’arriver la même chose » a expliqué Anasse Kazib, cheminot au triage du Bourget, en direct sur Révolution Permanente.

Le cheminot que nous avons pu interroger nous explique en quoi le dispositif EAS met en danger la sécurité des passagers : « forcément le conducteur quand il est seul et doit aller protéger un obstacle, il doit dire une annonce, qu’il doit chercher dans le mémento, c’est des pages en plus à appliquer. Il faut d’abord verrouiller les portes, veiller à ce que personne ne descende, faire l’annonce qui te protège légalement. Une fois que tu as fait cette annonce, tu as perdu des précieuses secondes, parce que si tu dois faire une couverture d’obstacle toi-même avec tes agrès [mettre en place des signalisations empêchant la circulation d’autres trains sur la voie, NDLR], c’est pas une histoire de minutes, c’est une histoire de secondes. Cette perte de temps à gérer les usagers et leur sécurité, cette gestion qui aurait du être prise en charge par un contrôleur, est prise en charge par le conducteur et lui fait perdre de vue ce qui devrait être son métier : la sécurité ferroviaire. » Ce droit de retrait, loin de constituer une « grève inopinée pour des raisons politiques » comme aimerait le faire croire le gouvernement est donc avant tout le seul moyen qu’ont trouvé les cheminots pour assurer la sécurité des passagers dans tous les TER, sécurité mise en danger par le dispositif EAS, sous la direction de la SNCF.


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Arthur Nicola

Journaliste pour Révolution Permanente.
Suivi des grèves, des luttes contre les licenciements et les plans sociaux et des occupations d’usine.
Twitter : @ArthurNicola_

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