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Quand l'Etat Islamique rabat les cartes internationales...

La Syrie et le retour triomphal de la diplomatie russe

Il y a moins d'un an, dans le contexte de l'annexion de la Crimée et de la guerre en Ukraine, les sanctions occidentales tombaient à l'encontre de Moscou, faisant de Poutine le nouveau paria de l'Occident. Mais la crise rencontrée par les Etats-Unis dans sa politique au Moyen-Orient et en Syrie, offre à la Russie la possibilité d'un réel retour en force sur la scène régionale et internationale.

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Voilà bien dix ans que Vladimir Poutine ne s’était pas exprimé lors d’une assemblée générale de l’ONU. Celle du lundi 28 septembre lui a fourni une tribune à la hauteur de ses ambitions. Elle lui a permis non seulement de prononcer une véritable diatribe à l’encontre de la gestion calamiteuse de la crise syrienne par l’Occident, mais aussi d’être salué et de rencontrer, consécration ultime, le président américain Barack Obama, le même qui l’année dernière à l’assemblée onusienne pointait du doigt les trois « dangers » majeurs de l’époque : le virus Ebola, l’agression russe en Ukraine, et le développement de l’Etat Islamique.

Le changement de panorama est profond. La poursuite des avancées de l’Etat Islamique devant l’impuissance des occidentaux donnent de l’écho aux propositions du président russe pour la constitution d’un nouveau front anti-EI.

L’échec de la stratégie nord-américaine en Syrie

Ce retournement de la diplomatie révèle la fragilité et la mise en déroute de la stratégie américaine sur les territoires de combat. En Syrie, bien que Bachar El-Assad soit militairement affaibli, ce dernier parvient à se maintenir au pouvoir et essaye de revenir dans le jeu diplomatique. L’opposition modérée sur laquelle s’appuie l’Occident a été mise en déroute au profit des courants de l’Islam radical. Dans ce cadre, les avancées tout autant diplomatiques que militaires du chef du Kremlin ont provoqué d’important changement de ce conflit régional, condamné à durer.

Durant l’été, Poutine a multiplié les contacts avec tous les acteurs de la région : l’Iran, l’Egypte, la Turquie, l’Arabie Saoudite, Israël et plus discrètement les Etats-Unis. A ces manœuvres s’est ajouté la rumeur d’une installation d’une base militaire russe. Pour le moment, les avions et hélicoptères russes ne sont pas encore entrés en action, mas le seul fait de leur déplacement a eu un impact politique de premier ordre.

Bien qu’on ne puisse pas écarter la possibilité que la Russie lance des bombardements spectaculaires contre l’Etat Islamique, à Palmyre par exemple, pour se donner plus de visibilité, l’objectif central reste d’éviter la chute de Damas et de maintenir l’axe de communication jusqu’au nord et au littoral. Prises par des vents favorables, les avancées de Moscou ne se sont pas arrêtées là. Samedi dernier, les autorités irakiennes ont annoncé la création d’une cellule de coordination de renseignement et de sécurité à Bagdad avec la Russie, l’Iran et la Syrie. Véritable succès pour la Russie. Revers important pour la diplomatie américaine.

La crise des réfugiés favorise les jeux diplomatiques de Poutine

Face à la plus grande crise des réfugiés depuis 1945 en Europe, dont les racines viennent de la guerre en Syrie, la politique d’ouverture de Poutine convainc de nouveaux alliés sur le Vieux Continent. C’est une fois de plus Angela Merkel qui a rompu les rangs des chancellerie européennes. La chancelière allemande a déclaré jeudi dernier qu’il fallait envisager une rencontre avec le président syrien, Bachar el-Assad, pour discuter à propos de la situation en Syrie et particulièrement de la crise des réfugiés que rencontre actuellement l’Europe.

« Nous devons discuter avec de nombreux interlocuteurs, y compris el-Assad » a affirmé Angela Merkel dans une conférence de presse lors du sommet de l’UE sur le traitement des demandeurs d’asile.

Merkel a appuyé l’issue diplomatique comme solution au conflit armé en Syrie, avec la participation des Etats-Unis, de la Russie, et également « les partenaires régionaux importants comme l’Iran, et les pays arabes sunnites comme l’Arabie Saoudite ». La politique occidentale anti-Assad, principal responsable des dizaines de milliers de morts et des millions de déplacés en Syrie, a commencé à se fissurer.

A cela s’ajoute la réticence des Etats-Unis à intervenir militairement sur le terrain, chose qui force Obama à composer avec la proposition russe. C’est pour cela que le départ d’Assad ne serait plus une précondition pour l’ouverture des négociations mais que celle-ci pourrait avoir lieu dans une deuxième temps, donnant libre jeu au ballet diplomatique dans lequel Poutine est le nouvel acteur central.

Manoeuvres diplomatiques au service d’un renforcement en interne

Dans le contexte d’une situation nationale difficile et de la crise économique qui frappe très fortement l’économie des BRICS dont fait partie la Russie – et particulièrement du fait de la forte détérioration du prix des matière premières et de la chute des investissements liée à l’effondrement brutal des profits- la politique extérieur arrive comme un plan de sauvetage du régime réactionnaire de Moscou.

Les jeux Olympiques de Sochi, la « récupération » de la Crimée, les commémorations de la victoire de 1945 ont été des événements très populaires en Russie. La reprise du dialogue direct entre les Etats-Unis et la Russie sur les grands sujets mondiaux est le couronnement de cette politique. A sa manière, la crise syrienne pourrait bien servir à tourner la page de la crise ukrainienne : ce vendredi 2 octobre, un sommet réunissant Poutine, Porochenko ( président de l’Ukraine), Merkel et Hollande devrait se tenir à Paris. A l’Elysée, on commence à envisager la levée des sanctions économiques européennes contre la Russie. En réalité, personne ne pense réellement au retrait de la Russie de Crimée, ni la récupération par Kiev de sa province à l’aide des forces du Donbass.

Cependant, ce brio diplomatique masque certaines fragilités : une population russe qui refuse de s’engager dans une guerre à l’extérieur, une économie dans un piteux état, et en Syrie même, une capacité d’action politique et militaire limitée. Mais, de la même manière qu’en 2013, lorsque Obama refusait de partir à la guerre, y compris quand Assad déployait les armes chimiques, ce sont surtout les faiblesses des différentes puissances impérialistes qui permettent à Poutine d’obtenir sa minute de gloire.


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