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Étudiants et lycéens dans la rue

La Sorbonne fermée par le gouvernement. Folle journée pour les étudiants et lycéens au Quartier latin

Ivan Matewan Une nouvelle Assemblée Générale devait se tenir jeudi matin au centre Tolbiac de l'Université de Paris 1. Sous prétexte de vouloir « préserver la sécurité de la communauté universitaire », la présidence de l'université a cependant pris la décision de fermer administrativement le centre jusqu'à samedi. Loin de freiner le mouvement naissant, cette décision n'a fait que l'étendre de Tolbiac au Quartier latin.

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L’assemblée générale devait avoir lieu à 10h jeudi matin. Les membres du comité de mobilisation attendaient que cette troisième assemblée générale soit aussi massive que les deux précédentes. Mais mercredi soir, un peu avant 20h, un mail de la part du président de l’université s’est discrètement glissé dans les boîtes mail des 40 000 étudiants de Paris 1. Son contenu ? L’annonce de la fermeture exceptionnelle des centres Tolbiac et René Cassin« par souci de préserver la sécurité de la communauté universitaire en prévision des manifestations prévues ce jeudi 17 mars 2016 contre la loi El Khomri ».

Cette décision s’est rapidement révélée pour ce qu’elle était réellement : une manœuvre afin de remettre en cause le droit fondamental des étudiants, professeurs et salariés de Paris 1 de débattre et de s’organiser collectivement et indépendamment de l’administration sur leur lieu d’études et de travail. L’hypocrisie du président n’est pas non plus passée inaperçu. Plus tôt dans la journée, il avait adressé un mail aux syndicats étudiants, affirmant sa demande auprès des professeurs de ne pas compter les absences afin que tous les étudiants, notamment boursiers, puissent participer à l’assemblée générale sans conséquences, tout en déclarant : « il ne saurait être question, pour les enseignants et les étudiants qui souhaitent y prendre part [à l’AG et à la manifestation], de « banalisation des cours » ; l’enseignement et la recherche sont au cœur même de la mission de service public de l’enseignement supérieur et aucun cours ni TD ne saurait être « banal » ni « banalisé ». Ils sont constitutifs de notre fonction sociale. » Si c’était sa véritable volonté, la présidence n’aurait pas non plus décidé jeudi matin la fermeture et l’évacuation des centres Panthéon et Sorbonne, alors même que les cours avaient commencé.

Face à cette tentative de répression, le comité de mobilisation a appelé à un rassemblement devant Tolbiac à 7h. Une petite centaine d’étudiants se sont ainsi retrouvés devant l’université pour protester contre sa fermeture. Ils ont rédigé un communiqué qu’ils ont ensuite imprimé et diffusé largement. Un peu après 9h, ils sont partis en manifestation jusqu’à la Sorbonne, mais ont tout de même pris le temps pour rendre visite aux élèves du lycée Monet, qui avaient bloqué leur établissement afin de les saluer et de les inciter à participer à la manifestation de 11h. C’est ainsi que sous un soleil brillant et les cris de « La réforme n’est pas bonne, on reprendra la Sorbonne », ils se sont rendus au nouveau point de rendez-vous.

Après l’évacuation de la Sorbonne par des policiers, les étudiants se sont massés devant l’entrée à la rue Cujas. Les étudiants mobilisés leur ont distribué le communiqué et les ont invité à participer à l’assemblée générale prévue à la place de la Sorbonne. L’assemblée générale a commencé un peu après 10h avec près de 250 participants. Les discussions ont été axées autour de la tyrannie de la présidence et de la nécessité de poursuivre le mouvement, malgré les conditions matérielles difficiles. Certains intervenants ont notamment dénoncé le rôle que jouait le président au côté du patronat et du gouvernement pour briser le mouvement. Les élèves des lycées Montaigne et Fénelon sont passés saluer les étudiants en grève avant leur propre départ en manifestation.

À la fin de l’AG, les quelques 250 présents sont partis de nouveau en manifestation. Cette fois-ci, ils se sont arrêtés sous les fenêtres du président de l’université afin d’exprimer leur opposition à sa décision anti-démocratique. Ils ont ensuite repris le chemin en direction de l’ENS, de Michelet et de l’Université de Paris 6 où se tenaient également des AG. Ils ont également été rejoints par un groupe de lycéens de Lavoisier. La balade vers la place de la République a duré près de 2 heures et réuni plusieurs centaines d’étudiants, bloquant la circulation dans certaines rues du Quartier latin. Ils n’ont pas manqué l’occasion de faire un détour par le Sénat afin d’envoyer aux politiciens un message clair : « C’est pas au Sénat de faire la loi, la démocratie, elle est ici. » Et, face à la solidarité exprimée par les nombreux chauffeurs de bus que croisait la manif, un slogan a émergé spontanément : "des lycées à la RATP, tous ensemble jusqu’au retrait !".

Arrivés à la place de la République, les étudiants de Paris 1 et celles et ceux qui les avaient rejoints se sont mis à côté d’autres cortèges de faculté comme ceux de l’Université de Nanterre, de l’Université de Paris 4 ou encore de Paris 8. L’ambiance était conviviale et combative. « Étudiants, lycéens, chômeurs et salariés, c’est tous ensemble qu’il faut lutter, c’est tous ensemble qu’on va gagner », « Grève générale », « Valls, démission » ne sont que quelques-uns des mots d’ordres qui revenaient dans la bouche des manifestants entre la place de la République et la place d’Italie.

Devant le nombre de fermetures administratives aujourd’hui en région parisienne, il est clair que le président de l’université a reçu ses ordres d’en haut, du Ministère, de Matignon, voire de l’Élysée. Ils ont tous peur que le mouvement se massifie, se structure plus profondément dans les universités comme à Paris 8, où plusieurs UFR sont déjà en grève, et se dote de ses propres structures d’organisation qui échappent à leur contrôle. En fermant Tolbiac, Cassin, Panthéon et Sorbonne, ils ont cherché à briser la dynamique ascendante de la mobilisation, à éteindre la colère qui commence à s’exprimer de plus en plus ouvertement, à désorganiser et à désagréger les cadres d’auto-organisation qui ont émergé durant ces derniers jours. Malheureusement pour eux, loin de briser le mouvement, ils n’ont fait que l’étendre. Du quartier des Olympiades jusqu’au Quartier latin, la lutte contre la loi travail prend racine. Ainsi l’AG improvisée place de la Sorbonne a-t-elle décidé de l’organisation d’une nouvelle assemblée générale ce mardi 22 au matin en Sorbonne, et d’une autre le jeudi 24 à Tolbiac.


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