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Europe forteresse

Jeu géopolitique criminel : 12 migrants morts à la frontière entre la Biélorussie et l’UE

L'instrumentalisation de migrants par la Biélorussie, au cœur d'un bras de fer avec l'Union européenne, a coûté la vie à au moins douze personnes. Un bilan provisoire dramatique qui révèle aussi la réalité tragique de l'Europe forteresse.

Hélène Angelou

6 décembre 2021

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Crédits photo : MAXIM GUCHEK / AP

Depuis cet été, un drame humain se joue à la frontière entre la Biélorussie et l’Union Européenne. Des milliers de personnes, migrant depuis le Moyen Orient pour l’essentiel, se trouvent coincées entre les frontières biélorusses et polonaises, prises dans un jeu géopolitique inhumain, au péril de leur vie.

Douze personnes au moins ont perdu la vie selon les médias polonais et ce bilan pourrait s’avérer bien plus lourd. La zone frontalière a en effet été militarisée par les autorités polonaises qui ont déployé 15 000 soldats, « construit une clôture de barbelés » et interdit l’accès à la zone aux journalistes et aux organisations humanitaires, orchestrant un véritable black-out médiatique.

Une situation révoltante qui semble avoir été manigancée par le gouvernement biélorusse réactionnaire de Loukachenko dans un bras de fer qui l’oppose à l’Union Européenne, comme l’expliquait Philippe Alcoy sur Révolution Permanente le 12 novembre :

« Tout semble indiquer que ces migrants sont arrivés à Minsk poursuivant une promesse trompeuse d’un accès plus facile au territoire européen. Le gouvernement biélorusse les aurait acheminés à Minsk et puis conduit immédiatement à la frontière. De cette façon le président biélorusse Alexandre Loukachenko serait en train d’imiter la politique réactionnaire de chantage migratoire de la Turquie d’Erdogan ou encore du Maroc du roi Mohamed VI. En effet, ces deux régimes manipulent habilement les flux migratoires pour obtenir des concessions (et des financements) de la part de l’UE, tout en lui rendant grand service de « sous-traitance » de la gestion des flux de réfugiés en direction de l’Europe. La particularité du cas de Loukachenko c’est qu’alors que le Maroc et la Turquie tirent en quelque sorte avantage de leur position géographique en tant que « portes vers l’Europe » sur la route des migrants, le régime biélorusse a fabriqué de toutes pièces cette situation, jouant sans aucun scrupule avec la vie de milliers d’hommes, femmes et enfants à la recherche d’un futur meilleur. »

Ce 6 décembre, un reportage de France 24 revenait sur cette instrumentalisation. Plusieurs migrants y expliquent la manipulation dont ils ont fait l’objet. Une véritable organisation semble avoir été mise en place pour orienter ces migrants vers la frontière polonaise. Les candidats au départ se voient visiblement faciliter l’obtention d’un visa, puis sont encadrés jusqu’à la zone frontalière où ils sont bloqués tandis que les garde-frontières biélorusses les incitent à traverser du côté polonais. La compagnie aérienne nationale Belavia, mais aussi l’entreprise touristique d’Etat Tsentrkurort « accusée de jouer un rôle-clé dans l’organisation du passage de migrants », ont récemment rejoint la « liste noire de l’UE sur la Biélorussie », comprenant les noms de personnes physiques et morales visées par les sanctions de l’UE, rapportait le journal Le Monde.

« Depuis le 18 novembre, des vols sont affrétés pour rapatrier en Irak des centaines d’individus. Plusieurs centaines d’entre eux ont accepté », précise LCI, quelques jours après l’entretien entre Angela Merkel et Loukachenko.

Cette situation intervient en effet dans un contexte d’exacerbation des tensions entre l’Union Européenne et la Biélorussie mais aussi avec la Russie, tensions au milieu desquelles les migrants se trouvent pris au piège.

Au-delà de l’instrumentalisation réactionnaire de Loukachenko, c’est aussi la politique répressive de fermeture des frontières de l’Union Européenne que ce jeu géopolitique met en lumière. Une politique mortifère, comme l’illustrait encore il y a deux semaines, la tragédie au large de Calais où 27 migrants se sont noyés. C’est bien la politique anti-migratoire de l’UE qui permet cette instrumentalisation de la question migratoire dans les tensions géopolitiques. Face à ce jeu réactionnaire, il est plus que jamais nécessaire d’exiger l’ouverture des frontières !


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