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En live sur Révolution permanente

Jérôme Marty, médecin : « la santé est gouvernée par le fric depuis des années »

Après l'allocution de Macron, Révolution Permanente a accueilli le docteur Jérôme Marty lors d’une émission en direct lundi soir. Médecin, il est très présent sur la scène médiatique et les réseaux sociaux où il dénonce les politiques publiques en matière de santé, notamment dans les Grandes Gueules sur RMC.

14 avril 2020

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Une perte de confiance de la profession quant à la gestion de la crise par le gouvernement

Jérôme Marty avait alerté très tôt sur la situation catastrophique dans les hôpitaux et le manque de réaction du gouvernement en début de crise. Lors de son entretien avec Anasse Kazib, le médecin a mis en avant le contraste saisissant entre les discours rassurants de l’ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn – qui affirmait que le virus n’arriverait pas sur le sol français et décidait de quitter son poste en pleine pandémie pour candidater à la mairie de Paris – et le constat sur le terrain de l’arrivée massive des patients dans les hôpitaux. Une arrivée qui ne s’accompagnait ni de moyens de protections pour assurer la sécurité des soignants, ni de mesures claires à même de combattre l’épidémie.
 
Ainsi, il a critiqué une gestion catastrophique de la crise et des retards importants dans la mise en place de mesures qui ont amené à une saturation très rapide des hôpitaux. La « phase 1 » s’est limitée à la diffusion d’affiches de prévention. Durant la « phase 2 », la médecine de ville a été totalement négligée, alors que le nombre de contaminés était trop important pour ne se reposer que sur l’hôpital public.
 

Les infrastructures de santé : des clusters par manque de moyens

Depuis le début de l’épidémie, les personnels médicaux dénoncent le manque de masques et autres moyens de protection, ou encore l’absence de tests quand l’OMS préconise depuis de nombreuses semaines une campagne massive de dépistage. Jérôme Marty a mis en avant une situation dramatique, le personnel de santé, totalement livré à lui-même et mis en danger, devenait à son tour vecteur de contamination. 
 
Il s’est inquiété de la contamination exponentielle de ces derniers et rappelle que début avril, l’AP-HP comptabilisait 1629 soignants contaminés. Ce nombre pourrait atteindre les 4000 aujourd’hui. Cette estimation laisse penser que ce seraient des dizaines de milliers de personnels de santé dans les hôpitaux qui pourraient être contaminés dans l’ensemble des établissements de santé en Ile-de-France et sur l’ensemble du territoire. 

Des vies mises en danger par les politiques néolibérales des gouvernements successifs

 
« On a toujours ce raisonnement, cette phrase qui nous tue, le fait de dire la santé n’a pas de prix mais elle a un coût, il y en a assez d’entendre ça, il y en a assez d’entendre parler d’efficience, l’efficience c’est faire mieux avec moins, ça fait des années que l’hôpital doit faire mieux avec moins ! Eh bien mieux avec moins ça nous amène à la situation actuelle, c’est-à-dire ne pas avoir de masques, pas de tests, pas de solutions hydroalcooliques, pas avoir de sur-blouses, à voir des ARS qui nous donnent des sur-blouses qui se déchirent, qui nous demandent de porter des masques périmés de deux mois puis de deux ans. On fait prendre des risques au personnel soignant, quel qu’il soit. »

Jérôme Marty a d’ailleurs rappelé avoir lancé une pétition pour demander au directeur de la santé de rendre transparent les chiffres du nombre de contaminés dans la santé. Ce dernier se refuse à le faire pour ne pas « favoriser un comptage macabre ». Or ces chiffres permettraient une meilleure organisation de la distribution du matériel, des avancées en matière d’épidémiologie ainsi qu’une reconnaissance des risques encourus par le personnel soignant.

 

Des inquiétudes quant à la stratégie de déconfinement d’Emmanuel Macron

Ainsi, l’annonce par le Président de la République d’un déconfinement progressif et les mesures qui y sont associées suscitent un grand nombre d’inquiétudes pour le docteur Marty. Tout d’abord, l’annonce de ne tester que les personnes symptomatiques semble insuffisante quand un grand nombre de porteurs du virus sont asymptomatiques. Ainsi, le fait de ne pas tester et mettre en quarantaine ces personnes continuera de favoriser la transmission.

Concernant, la reprise de l’enseignement primaire et secondaire, le docteur confirme que les enfants sont des porteurs sains et peu vecteurs du virus, mais quand Macron dit rouvrir les écoles au nom de l’égalité des chances, le docteur Marty répond sur le caractère économique de la mesure : « si on réouvre les écoles, c’est aussi pour permettre aux parents d’aller travailler ». Et ce alors qu’aucune garantie en termes de protection face au virus n’est assurée.

Il signale d’ailleurs qu’un certain nombre de secteur ont déjà ont déjà repris. C’est le cas de l’aéronautique et de ses entreprises sous-traitantes. Il faut également prendre en compte le retour de l’affluence dans les transports en commun. Or, à l’heure actuelle, notamment à la SNCF et la RATP, rien ne laisse présager des mesures pérennes de protection. Comment penser que ce sera le cas dans quelques semaines ? Si Macron semble annoncer un recours obligatoire aux masques dans les transports en commun, la pénurie en masques est toujours effective. Cette mesure aurait de larges effets si elle était appliquée. On peut se demander quelles seront les garanties en matière de stocks dans deux semaines quand aujourd’hui les hôpitaux manquent encore de tout.
 

Des mesures pour favoriser la reprise, mais toujours pas de garanties pour la protection des travailleurs

Alors que près de 16 000 personnes sont décédées en France, que l’épidémie commence à peine à connaître un reflux, pour le docteur, il y a le sentiment qu’Emmanuel Macron voudrait aller plus vite que la musique en matière de reprise. Alors qu’il annonce cette date du 11 mai, l’arrivée à grande échelle de tests n’est ni certaine, ni promise.
 
Face à l’inconséquence du gouvernement, le docteur Marty affirme qu’encore une fois les travailleurs ne pourront s’en remettre qu’à eux-mêmes pour exercer un contrôle rigoureux dans leurs entreprises, notamment par la menace du droit de retrait quand les conditions ne sont pas remplies.
 

Les soignants peuvent-ils encore attendre quelque chose du gouvernement ?

 
Après les errements du gouvernement, ses mensonges concernant les stocks de masques, ses choix qui ont mis en dangers de milliers de travailleurs, il est difficile de croire que le 11 mai, alors que rien n’est résolu, le gouvernement sera en mesure de faire face à une potentielle nouvelle vague de contamination. Le docteur Marty rappelle que selon l’Inserm, un pourcentage encore faible de la population a été contaminée par le virus, entre 1 et 6 %. Nous sommes loin d’atteindre la situation d’immunité collective, effective après la contamination de 60 % de la population, qui permettrait l’arrêt de la transmission du virus. Ainsi, une mauvaise gestion du déconfinement favorisera une nouvelle extension du virus.

Or selon le docteur, c’est le recours massif à des tests et l’identification des personnes contaminées qui permettront peu à peu de rendre plus souple le confinement. Dans ces conditions, la reprise très progressive de certains secteurs pourrait être envisagée, quand depuis le début de la crise, le gouvernement a mené une politique contraire en encourageant la continuité de la production, même non essentielle. 

Ce gouvernement offre peu de garanties quand il a très largement favorisé la casse du système de santé publique. Jérôme Marty dénonce une politique qui fait de Bercy le véritable décisionnaire en matière de santé. La santé est vue avant tout du point de vue de ses dépenses : « Malheureusement, la santé est gouvernée par le fric, depuis des années et des années, c’est Bercy qui administre la santé, ce n’est pas le ministre de la santé. On ne regarde la santé que du côté de sa dépense, on ne regarde absolument pas ce qu’elle amène au pays comme richesse, en tant qu’emploi, en tant que soin. » Il faut également rappeler que parmi les 45 milliards débloqués pour faire face à la crise, seulement 7 milliards ont été orientés pour le secteur de la santé.

Pour le docteur, tout d’abord, il faut masquer et tester très vite tout le monde. Plus largement, il pose la question de la gouvernance en matière de santé et notamment la nécessité de la faire reposer sur les travailleurs et les usagers, parce qu’ils sont ceux capables de déterminer ce qui est nécessaire à leur protection, mais avance également la nécessité de faire payer aux entreprises les frais de gestion.

Enfin, le docteur Marty l’a martelé tout le long de cet entretien, la seule réponse viable à cette épidémie, est la généralisation des tests, en commençant par les soignants, pour que ceux-ci puissent s’occuper de leurs patients, sans risquer leur contamination.


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