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Moyen Orient

Iran. Un attentat et beaucoup d’incertitudes

Après l’attentat qui a touché l’Iran samedi dernier, à quelques jours de l’assemblée générale annuelle de l’ONU, beaucoup d’incertitudes sont soulevées et les tensions s’accentuent dans la région.

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Le samedi 22 septembre dernier à Ahvaz, dans la province iranienne du Khouzestan, quatre assaillants vêtus d’uniformes militaires ont attaqué un défilé militaire au cours d’une cérémonie commémorant le début de la guerre Iran-Irak (1980-1988). L’attaque a fait 24 morts ainsi qu’une soixantaine de blessés selon le dernier bilan communiqué, faisant de cette dernière la plus meurtrière en Iran depuis près de huit ans. Les quatre assaillants auraient été abattus au cours de la fusillade.

Ce ne sont pas les premières attaques que l’Iran subit dans son histoire récente. L’année dernière, le 7 juin 2017, le Parlement iranien ainsi que le mausolée de l’ayatollah Khomeini, fondateur de la République islamique d’Iran, faisait l’objet d’attaques simultanées. Cette attaque, revendiquée par l’Etat Islamique, faisait 17 morts, dont une majorité de civils.

Cette fois ci, ce sont directement des militaires et l’armée idéologique du régime qui étaient visés. En effet parmi les victimes, on dénombre des membres des gardiens de la révolution islamique, les Pasdarans, la principale force militaire du pays ; des bassidji, la milice composée de volontaires qui leur est liée, ainsi que de jeunes conscrits et vétérans de la guerre Iran-Irak.

Peu après l’attaque, les gardiens de la révolution ont accusé le groupe séparatiste « Al-Ahwaz », le Front Populaire et démocratique des arabes d’Ahvaz, d’être coupables des attentats. Ce dernier, qui a revendiqué l’attentat dans l’après-midi du jour de l’attaque, a mené plusieurs opérations ces dernières années dans la province du Khouzestan, frontalière de l’Irak et à forte minorité arabe.

Malgré les revendications par l’Etat Islamique survenues plus tard dans l’après-midi du jour de l’attaque, les autorités iraniennes sont convaincues : les « actes terroristes » seraient l’œuvre de l’Arabie Saoudite et d’un autre « petit État du Golfe », en l’occurrence, les Émirats Arabes Unis. Convoqué par le ministère iranien des affaires étrangères, le chargé d’affaire des Émirats Arabes Unis à Téhéran a du notamment s’expliquer sur un tweet niant le caractère terroriste des attentats et émis par un professeur de sciences politiques, Abdelkhaleq Abdallah, connu pour être le conseiller du ministère de la défense à Abou Dhabi. En effet, ce dernier a écrit que « [c’était] une attaque militaire et non terroriste. Porter la bataille au cœur de l’Iran est un objectif annoncé et qui va se confirmer dans la prochaine période ». En effet, dans le cadre de la guerre par proxy que se livre la République Islamique et les États de la péninsule Arabe sur les territoires syriens et yéménites, cette menace n’a cessé d’enfler, notamment après les déclarations du prince héritier saoudien, Mohammed bin Salman, qui menaçait de mener la bataille en Iran avant qu’elle ne se déplace en Arabie Saoudite.

Bien sûr, pour les autorités iraniennes, ce sont les États-Unis qui sont à la manœuvre. Le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, a vu dans l’attentat « une continuation de la conspiration des gouvernements de la région à la solde des États-Unis et qui cherchent à répandre l’insécurité dans notre propre pays ». Par la voix de l’ambassadrice américaine à l’ONU Nikki Haley, les États-Unis ont répondu « [condamner] toute attaque terroriste, n’importe où », ajoutant qu’elle « pense que les Iraniens en ont assez et que c’est de là que tout ça vient ».

Cette attaque et ces accusations interviennent deux jours avant l’Assemblée Générale des Nations Unis à New York où le Président des États-Unis Donald Trump a demandé personnellement à rencontrer Hassan Rohani, Président de la République Islamique d’Iran. Ces derniers devraient s’entretenir à propos des récents développements de la relation des deux pays, marquées notamment par le rétablissement des sanctions économiques des États-Unis, avec pour objectif affiché de déstabiliser le régime iranien en montant l’opinion publique contre lui.

Dans ce cadre on ne peut pas écarter la possibilité que cet attentat ait été préparé, directement ou indirectement, par des régimes alliés des Etats Unis pour éviter qu’une quelconque détente (même si très peu probable) se produise entre les Etats Unis et l’Iran.

En effet, une crise économique d’ampleur touche le pays depuis le désengagement des États-Unis de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien en mai 2018, ainsi que le rétablissement des sanctions à l’encontre de l’Iran, conséquence de ce retrait. En effet le Rial, monnaie officielle de la République Islamique d’Iran, a perdu près des deux tiers de sa valeur depuis mai 2018, et un grand nombre de groupes internationaux ont déjà annoncé leur retrait du pays, à l’instar du groupe Total, Peugeot, et Renault. Peu après l’attaque de samedi, Rudy Giuliani, avocat et proche conseiller de Donald Trump, a évoqué les sanctions contre l’Iran comme pouvant mener « au renversement du régime des mollahs ».

Ces sanctions ont accentué la crise économique qui touche le pays et provoqué des manifestations de différents types et des grèves pratiquement au quotidien. Cependant, même avant le retrait des Etats Unis de l’accord sur le nucléaire, le mécontentement populaire vis-à-vis de la situation économique se faisait sentir, comme en décembre 2017.

De fait, dans le flou des revendications de la responsabilité de cette attaque, et dans le contexte d’une offensive économique toujours plus féroce à l’égard de l’Iran (une prochaine salve de sanctions économiques devant être lancées début novembre) ce qui apparaît, c’est que l’hypothèse que les conflits régionaux tendent à s’exprimer de plus en plus à l’intérieur même des frontières iraniennes prend forme. En touchant au cœur de la République Islamique d’Iran, démontrant que les redoutés Pasdarans ne sont pas invincibles, l’attentat a allumé une étincelle de plus dans la poudrière de la République Islamique d’Iran.


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