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REPRESSION SYNDICALE

Interview. La Poste 78 : 3e conseil de discipline pour Vincent, accusé de... « prise de parole » !

Pour la troisième fois en 4 ans, Vincent Fournier, représentant départemental de la CGT FAPT 78, est convoqué à un conseil de discipline par la direction de la Poste. Motif : il « prend la parole » auprès de ses collègues des plateformes de distribution. Normal non, pour un militant syndical qui fait son boulot ?

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Révolution Permanente a rencontré Vincent pour lui demander de décrire ce qu’il subissait à la Poste et lui apporter notre soutien.

RP : « Prendre la parole », c’est quelque chose de normal pour un délégué syndical. Comment expliques-tu que la Poste puisse mettre en avant un tel motif ?

Vincent : Tu as raison. Ça peut paraître extravagant, et ça l’est. La prise de parole a toujours été l’un des moyens utilisables par les syndicalistes pour exercer leur mandat auprès de leurs collègues. Mais le problème c’est qu’un certain nombre de syndicalistes, et pas seulement à la Poste, ont renoncé à le faire, sous la pression des dirigeants et des cadres, et qu’il faut aujourd’hui une bonne dose de combativité pour s’y risquer. Pourtant c’est le seul outil efficace pour regrouper les travailleurs et obtenir des résultats.

Ce que voudraient les patrons, c’est cantonner les représentants dans un syndicalisme de bon aloi qui accompagne les salariés au cas par cas. L’encadrement peut, en face à face, se montrer un peu plus conciliant, céder parfois quelques miettes ou maintenir les sanctions, selon son bon vouloir. Bref, faire des délégués syndicaux des sortes d’avocats dans un cadre dont il garde le contrôle. Du coup l’intervention syndicale est beaucoup moins efficace.

La prise de parole ouverte, ils n’en veulent pas parce que ce n’est plus la situation de Monsieur X ou Madame Y qui est en jeu mais les conditions de travail, les horaires qui deviennent démentiels, les réorganisations constantes, la précarité croissante qui sont expliqués et contestés ; ils n’en veulent pas parce qu’elle crée un cadre collectif qui potentiellement peut leur donner du fil à retordre et passer à des situations sociales ouvertement conflictuelles.

RP : Mais tout de même, 3 conseils de discipline en 4 ans, ça devient beaucoup. Comment peuvent-ils aller aussi loin dans l’acharnement ?

Vincent : Oui, c’est énorme, invraisemblable. Malgré la jurisprudence et les nombreuses requêtes d’inspecteurs du travail qui déclarent que la prise de parole fait normalement partie des activités de représentants qui, il faut le rappeler, ont été légalement élus, la direction de la Poste s’obstine.

Je ne suis d’ailleurs pas le seul dans mon cas, d’autres comme Gaël Quirante, Yan Le Merrer ou mon collègue des Yvelines, Fabien Lecomte ont eux aussi été victimes de cet acharnement. Les sanctions sont diverses : elles peuvent aller de la mise à pied jusqu’au licenciement ou la révocation, n’épargnant ni les contractuels ni ceux qui ont le statut de fonctionnaire.

C’est devenu pour eux une véritable stratégie sur laquelle ils ne veulent pas lâcher. Leur rêve, ce serait évidemment d’être débarrassés de tous les militants combatifs qui ne jouent pas, de manière docile, le jeu de « partenaires sociaux », mais qui défendent jusqu’au bout les intérêts de leurs collègues travailleurs contre les patrons. Pour parvenir à leurs fins, les dirigeants utilisent les pires méthodes et notamment le recours à la délation et à la manipulation. Par exemple, pour m’attaquer, l’encadrement a fait pression sur un jeune, nouvellement embauché et précaire. Son chef lui a demandé d’écrire une lettre dans laquelle il dit qu’il en a marre parce que « les prises de parole font du bruit et l’empêchent de travailler... ». Une similitude frappante avec ce qui s’est passé pour un militant syndical FO, chez Toyota à Trappes, contre qui l’encadrement utilisait les mêmes procédés de manipulation de salariés les plus faibles pour l’abattre, allant jusqu’au harcèlement caractérisé.

C’est à cela aussi que sert la privatisation : à importer à la Poste des méthodes et des modes de management expérimentés dans les boîtes réputées les plus réactionnaires et qui étaient quasiment inconnus dans le passé.

RP : A quoi peux-tu t’attendre maintenant et comment leur porter un coup d’arrêt ?

Vincent : Dans mon cas, au moins pour cette fois-ci, je ne pense pas qu’ils iront jusqu’au licenciement, mais je pourrais bien écoper d’une mise à pied de plusieurs semaines. Ce qui veut dire, pour moi, une perte de salaire équivalente, alors que j’ai deux enfants et mon salaire unique de facteur, soit entre 1300 et 1 400 euros par mois, pour les faire vivre.

Ca veut dire aussi pour moi et ma famille, une longue période d’angoisse ; car, malgré toute la défense que l’on peut déployer au moment du conseil de discipline, l’affaire aboutit généralement devant les tribunaux. Même si, le plus souvent, la Poste finit par perdre en justice, la procédure peut cependant durer des mois, voire des années, avant que l’affaire soit close. Cela fait aussi partie du dispositif de harcèlement.

Plus la défense sera puissante au départ, plus une partie de cette souffrance peut être épargnée à celui qui la subit et plus on aura de chance de contraindre la direction de la Poste à renoncer à ces pratiques intolérables qui transgressent les droits syndicaux les plus élémentaires.

Je suis convoqué à la direction de la Poste, le 18 septembre à 14 heures, pour un entretien en conseil de discipline avec une menace de sanction pouvant aller jusqu’au licenciement. Le mois de septembre n’est pas choisi au hasard, car c’est un mois où les collègues sont plus que jamais surchargés de travail et où il est très difficile de les regrouper.

Un rassemblement de soutien est prévu devant les locaux de la direction de la poste, 3 avenue du centre à Guyancourt. L’appui que pourront apporter aussi bien les collègues que toutes celles et ceux qui se joindront au rassemblement est essentiel pour peser sur la décision de la direction. Une pétition en ligne circule également et le nombre de signatures exerce évidemment une pression non négligeable auprès de la direction de la Poste qui a actuellement grandement besoin de préserver son image auprès de l’opinion publique.

Dans un contexte de rentrée politique agitée par les débats sur la réforme des retraites, tout mouvement de lutte prend une résonance à laquelle les entreprises et les politiques sont particulièrement sensibles et soucieux de ne pas vouloir voir s’allumer ici ou là des brulôts qui pourraient faire traînée de poudre.

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