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Elections. Front de Gauche et des Travailleurs.

Interview-Del Caño. Le nouveau visage de l’extrême gauche en Argentine

La victoire du candidat du Parti Socialiste des Travailleurs (PTS) lors de la primaire du Front de Gauche et des Travailleurs (FIT) pour les élections présidentielles a eu un impact formidable au niveau de la politique nationale. Nicolas del Caño est devenu, en l'espace de quelques semaines, la nouvelle figure de proue de l'extrême-gauche argentine.

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Nicolas del Caño n’est pas un nouveau venu en politique. Malgré son jeune âge, 35 ans au compteur, cela fait 20 ans qu’il milite. Aujourd’hui, il est en passe de devenir une figure du paysage politique national. Il a fait ses premières armes en tant que militant du mouvement lycée, lors de son passage au Lycée Manuel Belgrano, puis comme dirigeant étudiant au Département de Philosophie et Humanité de l’Université Nationale de Cordoba. Il a participé de la lutte de 2005, durant laquelle des dizaines de milliers d’étudiants se sont mobilisés et ont occupé les facultés en soutien de leurs professeurs. A partir de 2006, il s’est installé à Mendoza pour appuyer la construction du PTS dans cette région viticole de l’Ouest du pays, à la frontière avec le Chili, marquée par un taux important de précarité et de travail au noir. En 2013, il est élu député national du Front de Gauche et des Travailleurs (FIT), et en 2015, il remporte l’élection locale contre le candidat péroniste dans la ville de Mendoza.

Comment perçois-tu le fait d’être devenu, avec cette élection, une nouvelle figure politique pour l’extrême-gauche ?

Comment dire... Je crois qu’avec ma candidature, on a pu exprimer les voix des centaines de milliers de femmes, de jeunes, de travailleurs de tout le pays qui voient actuellement les limites de ce qu’on a pu appeler « la décennie gagnée » pour désigner les années du kirchnerisme au pouvoir depuis la crise de 2001. Avec mes camarades, on a réalisé un effort très important pour être à même de diffuser largement nos idées et la victoire électorale que nous venons de gagner a montré que nous avons été un canal d’expression de ce mécontentement sur la gauche. Ce qu’on pourrait appeler « mon succès » exprime également le profond désenchantement social qui touche le kirchnérisme.

Évidemment, le fait d’avoir remporté la partie contre une personnalité historique de la gauche comme Jorge Altamira aide beaucoup pour se faire connaître à plus large échelle. Mais notre projet a des objectifs collectifs. Nous ne proposons pas de construire des figures isolées de l’extrême-gauche, mais bien un parti qui s’enracine dans la classe ouvrière et dans la jeunesse, qui puisse influencer la politique nationale et préparer les luttes à venir qui seront nécessaire pour avancer vers notre objectif final qui est l’instauration d’un gouvernement des travailleurs et du peuple.

D’ailleurs, cela a été ul’n des thèmes sur lequel vous avez du répondre tout au long de la campagne...

Oui, à plusieurs occasions, des médias ont voulu nous montrer comme une extrême gauche dépourvue de stratégie de prise du pouvoir et qui n’était là que pour jouer un rôle d’agitateur. Nous avons ainsi dû expliquer notre programme plus général, en précisant que, pour nous, la forme de pouvoir à laquelle nous aspirons implique l’organisation et la mobilisation active des secteurs les plus larges de la classe ouvrière. Un véritable pouvoir des travailleurs et du peuple ne peut surgir qu’à la base, depuis les usines, les entreprises, et les lieux de travail en général. Si nous gagnons des députés, c’est uniquement dans l’objectif de les mettre au service de cette perspective là.

Il y a deux semaines, au cours du programme télévisé « Los Intratables », avec à mes côtés mes camarades Christian Castillo (professeur à l’Université de Buenos Aires), Claudio Dellecarbonara (délégué du métro de Buenos Aires) et Maria Victoria Moyano (petite-fille de disparus, victime de la dictature), nous avons parlé du bilan que nous faisons des révolutions victorieuses du XX° siècle et des limites qu’elles avaient rencontrées, de la catastrophe qu’a représenté le stalinisme et la bureaucratisation des Etats où la prise du pouvoir par le peuple avait été effective. C’était précisément pour signaler que nous n’avons pas un « modèle » de pays en tête pour notre programme. Il est assez commun que les médias essayent de nous présenter comme des utopiques et c’est pour cela que reviennent régulièrement ces explications.

Mais ce qui me semble réellement utopique, c’est de tenter de soutenir un système économique qui court à sa propre perte, et dont la base repose sur l’accumulation des profits dans les mains d’une poignée de capitalistes. Cela ne peut qu’amener au soulèvement croissant de la population et au développement des luttes de la classe ouvrière contre cette injustice.

Lorsque nous intervenons au Congrès, c’est pour promouvoir la lutte des travailleurs et des opprimés, en étant également présent physiquement sur les piquets de grève, en s’affrontant à cette caste politique qui gouverne pour au profit des multinationales et des patrons. Avec cette tribune, nous contribuons à construire une force sociale capable d’influencer de manière décisive la réalité nationale, car nous parions sur la capacité d’union des millions de travailleurs quand surgira des processus larges de luttes et de mobilisations de masses dirigées contre cet ordre des choses. On se prépare à cela. L’histoire nationale est riche en expériences de luttes ouvrières et populaires de masse.

Une dernière chose ? {}

Oui. Seulement que c’est en vue de cet objectif que nous avons dénoncé tout au long de la campagne la caste politique qui gouverne pour les intérêts des grands patrons. Nos spots qui disent que nos élus toucherons le salaire d’un instituteur ou celui qui montre l’affrontement avec Capitanich [l’équivalent du Premier ministre de Cristina Kirchner] au Congrès ont eu une très bonne audience.

Notre proposition en faveur de l’alignement du salaire de tous les fonctionnaires et des députés sur celui d’un professeur du primaire n’est pas une lubie sortie de nulle part. Elle reprend une tradition du marxisme révolutionnaire et de la lutte de la classe ouvrière, une lutte qui remonte à l’instauration de la Commune de Paris en 1871. Durant cet épisode de l’histoire de la classe ouvrière, les délégués élus de la Commune touchaient le salaire d’un ouvrier, éliminant ainsi tous les privilèges liés à l’exercice du pouvoir. C’est cette tradition, clairement anticapitaliste, que nous reprenons dans notre programme.


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