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Capitalisme et patriarcat

Inflation : la double peine pour les femmes précaires

Charge du budget du foyer, augmentation plus forte des produits premier prix, sur-représentation dans les emplois à temps partiels ou sous-payés : les femmes précaires sont parmi les plus touchées par l'inflation.

Cléo Rivierre

4 novembre 2022

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[Crédits photo : Philippe Hugen - AFP]

Une inflation plus forte sur les produits premier prix et les produits « féminins »

Sur l’année 2022, l’inflation en France est estimée à 6,2% dans l’ensemble, à 11,8% sur l’alimentation, et à 19,2% sur l’énergie. Chacun est impacté par cette inflation, mais à des niveaux différents selon les catégories sociales. Parmi ces catégories sociales, les femmes précaires sont parmi les plus touchées.

L’inflation est en effet bien plus forte sur certains produits, à commencer par les produits « discount ». Comme le souligne Femina, « ce ne sont pas les enseignes les plus chères qui affichent la hausse la plus saignante, mais celles spécialisées dans le hard discount (Netto, Leader Price…) avec un bond de + 8,66 %. Elles devancent les magasins de proximité, tels que Leclerc Express ou My Auchan (+ 8,37 %), les supermarchés (+ 7,95 %) et les hypermarchés (+ 7,70 %) ». Le site souligne aussi que les « marques dites nationales, qui sont gérées par des industriels » affichent 6,82 % d’inflation, tandis que « c’est deux fois plus (+ 12,87 %) pour les marques premiers prix ». Ainsi, derrière les chiffres officiels de l’inflation, se cache une réalité de classe : pour les plus précaires, l’augmentation des prix se fait ressentir dans une proportion bien plus grande.

De plus, les produits dits « féminins » font aussi partie des produits sur lesquels la hausse des prix est la plus forte. Comme le souligne Midi Libre, « une étude récente de la société Comparatis relève qu’en 20 ans, les prix des vêtements pour hommes ont augmenté de 0,3 % pour les hommes et de 6,51 % pour les femmes ». Cette hausse des prix s’ajoute au fait que « les produits markétés pour les femmes coûtent, inflation ou pas, plus chers que les mêmes produits destinés aux hommes », mais aussi au fait que les femmes, plus sujettes au contrôle de la société sur leurs corps, peuvent difficilement échapper aux injonctions concernant leur apparence.

Les femmes sont davantage touchées par l’inflation et la précarité

À cause de la répartition patriarcale des rôles sociaux, les femmes en général se voient enfermées dans un grand nombre de tâches domestiques. Ce sont elles qui prennent la plus grande part dans la garde des enfants, le soin aux autres, la cuisine et le ménage, etc. Selon une étude récente de l’INSEE, 25 % des femmes en couple avec enfant consacrent quatre heures ou plus par jour aux tâches domestiques, contre 10 % des hommes. C’est aussi beaucoup aux femmes qu’incombe la tâche de gérer le budget du foyer. Comme le relate le site iQera, « selon les données INSEE, les femmes ont plutôt en charge les dépenses liées au foyer et aux enfants, tandis que les hommes gèrent le patrimoine et les dépenses exceptionnelles ». De plus, « plus les finances du foyer sont exsangues, plus les femmes se retrouvent à devoir le gérer et à se démener pour boucler les fins de mois ». Ainsi, au sein d’un même ménage, a fortiori précaire, les femmes se retrouvent davantage en difficulté face à l’inflation car ce sont elles qui doivent en gérer les conséquences.

À ces éléments, s’ajoute le fait que les femmes en général sont plus touchées par la précarité que les hommes. Selon Dominique Meurs, professeure à l’Université de Paris Ouest Nanterre La Défense, « les femmes représentent environ trois quarts des bas salaires » et « ces bas salaires s’expliquent par le fait que les femmes sont, plus souvent que les hommes, payées aux alentours du smic ». En effet, 62% des personnes au smic sont des femmes. De plus, ces dernières sont à temps partiel : 30% des femmes sont à temps partiel – situation liée, encore une fois, aux charges parentales qui leur incombe davantage qu’aux hommes. Dans nos colonnes, Estelle, AESH dans une école de Sarcelles élevant seule sa fille, témoignait récemment : « Je suis AESH, je gagne 900, et animatrice le midi, selon les heures que je fais ça peut m’amener à 1200, et avec la prime d’activité je dirais que je gagne 1400€ à peu près. Je suis souvent à découvert, à partir du 15 ! »

Étant sur-représentées sans certaines professions sous-payées, notamment du service et du commerce, les femmes sont davantage exposées à la colère des personnes constatant l’augmentation des produits du quotidien. Ces dernières semaines, plusieurs médias se sont fait l’écho de ce phénomène. Plusieurs caissières témoignent pour France TV info : « Le moindre dix centimes de plus sur un article, on prend cher. Tout est de notre faute et toute la journée on a des insultes, tous les jours. » ; « La caissière est la dernière personne qu’ils voient dans le magasin. Donc en fait, ils s’en prennent à nous mais par rapport à Carrefour, ils disent : ’C’est des voleurs’. Mais nous, on est pareils, on a des salaires très bas, on compte tous les mois ! »

Pour que ce ne soit pas aux travailleur·euses de payer la crise !

Pour toutes ces raisons, il est urgent de se battre pour imposer que ce ne soit pas aux travailleuses et aux travailleurs de payer la crise. Ainsi, nous revendiquons l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, dans le public comme dans le privé ; mais aussi l’augmentation immédiate de 400€ de tous les salaires, pensions et minima sociaux ; ainsi que leur indexation sur l’inflation. Les exemples de grèves pour des augmentations de salaires, des raffineurs de Total aux travailleurs précaires de Geodis en passant par les travailleuses de la clinique du Tondu à Bordeaux, montrent la voix à suivre pour tout le mouvement ouvrier et le mouvement féministe.


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