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Variant indien

Inde. Le nouveau "laboratoire à variants" et l’échec de la gestion nationaliste de la crise

La deuxième vague, hors de contrôle, ravage le pays et pose même la question d’un nouveau variant. Une catastrophe sanitaire dans le deuxième pays le plus peuplé du monde promet déjà de lourdes conséquences internationales.

Olive Ruton

21 avril 2021

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Crédits photo : Europress

Une très puissante deuxième vague de Covid-19 se déverse aujourd’hui sur l’Inde qui enregistre des scores de contaminations qui vont presque jusqu’à doubler le pic épidémique de la première vague. L’explosion des contaminations ces dernières semaines (à titre d’exemple, 200 000 nouveaux cas ont été déclarés jeudi dernier, et 870 000 cas sur la seule semaine dernière), porte les chiffres à plus de 15 millions de cas et 179 000 décès. L’Inde se range ainsi à la deuxième place des pays les plus impactés au monde par le Covid-19, juste devant le Brésil (13,9 millions de cas au total) et toujours derrière les États-Unis qui détiennent le terrible record de 31,7 millions de cas et de 567 000 décès.

Dans des régions comme l’État du Maharashtra, dont Bombay est la capitale (qui atteint à elle seule en ce moment 7 000 à 10 000 nouveaux cas par jour), la situation est totalement hors de contrôle. Un reconfinement total a été remis en place, répondant bien faiblement et tardivement aux taux de positivité qui dépassent les 15 % dans un État de 120 millions d’habitants. Y sont enregistrés ces derniers jours un tiers des nouvelles contaminations quotidiennes du pays. Du coté de New Delhi, un nouveau pic à 17 282 nouvelles contaminations a été enregistré mercredi dernier, le plus élevé depuis le début de l’épidémie.

Au cœur de cette deuxième vague, un nouveau variant

Parmi les phénomènes nouveaux et particulièrement inquiétants de ces dernières semaines, ont été observées des contaminations chez des enfants en bas âge, de 1 à 5 ans, voire même chez des nourrissons.. Et si la violence de cette deuxième vague est particulièrement alarmante au regard du nombre de cas et de la vitesse de sa propagation, elle l’est aussi car elle révèle l’apparition d’un nouveau variant en Inde, qui s’ajouterait aux variants d’Afrique du Sud, du Brésil et de Grande-Bretagne déjà présents sur le territoire.Celui-ci pourrait coïncider avec le développement de nouveaux symptômes comme de très forts maux de tête, voire des confusions mentales comme le déclarait un médecin local dans Libération, qui révélait également que beaucoup de ces cas n’avaient pas été détectés par les tests PCR : « Le virus s’adapte intelligemment et cette mutation indienne semble échapper aux détections. Beaucoup de nos patients ont des tests négatifs mais des symptômes graves. »

Qualifié de « double mutant », ce variant, qui a été détecté dans 20 % des cas au Maharasha,se trouve donc au cœur de la recherche des scientifiques. En l’état actuel des re-cherches, des désaccords existent sur la responsabilité ou non de ce nouveau va-riant dans le lancement de la seconde vague que connaît l’Inde aujourd’hui. On peut lire dans les colonnes de la BBC que la mutation du gène spike pourrait selon son évolution permettre à cette forme du virus de réinfecter des personnes déjà soignées du Covid-19 ou déjà vaccinées (a priori sous une forme plus légère). En revanche, cette forme de Covid ne serait pas forcément plus contagieuse ou plus mortelle, et le variant anglais demeurerait le plus ravageur sur le sol indien.

Une situation catastrophique, conséquence de la politique criminelle du gouvernement

Suite à la première vague, le gouvernement indien, son premier ministre d’extrême-droite Narendra Modi en tête, s’était targué d’avoir parfaitement géré la situation, édifiant presque l’Inde en exemple pour le reste du monde. Un bilan quelque peu cynique au regard des, tout de même, 147 000 morts du Covid-19 en 2020 dans un pays aux conditions sanitaires et d’hygiène désastreuses, à la mesure de l’extrême pauvreté d’une grande partie de la population. Un chiffre auquel s’ajoutaient les conséquences du confinement et de la crise économique, avec les 6,7 millions de personnes forcées à l’exode loin des grandes villes, et les 75 millions d’Indiens tombés sous le seuil de pauvreté (selon le centre de recherches américain Pew Research). Réservoir de main d’œuvre pas cher notamment pour les puissances impérialistes, en Inde les mesures de confinement n’ont pas pu être appliquées par des millions de travailleurs et ont signifié par beaucoup d’autres la perte d’emploi du jour à lendemain.

Rien à revendiquer cette fois pour l’État indien, responsable des ravages de cette deuxième vague. Suite aux conséquences notamment économiques de la première vague, le gouvernement a à tout prix évité de redéployer les mesures sanitaires strictes de l’année dernière. De grands meetings politiques en vue des prochaines élections nationales ont ainsi été maintenus, rassemblant des milliers de per-sonnes. Dans le même sens, le Kumbh Mela, immense festival religieux qui ras-semble chaque année plusieurs millions de personne a également été autorisé sans que le gouvernement ai prise aucune type de mesure sanitaire. En parallèle, les messages contradictoires se multiplient, puisque certaines écoles ont été fermées et des régions reconfinées, jusqu’à l’absurde obligation déclarée mercredi dernier sous peine de sanction de porter un masque au volant d’une voiture, même vide, dans la région de New Delhi.

Résultat, la situation est hors de contrôle et rien ne parvient à ralentir la courbe des contaminations. Le pays se retrouve pris au dépourvu, sans aucun moyen de ré-pondre à la hauteur de la situation épidémique. Les hôpitaux sont saturés, contraints de refuser des patients faute de respirateurs ou de lits de réanimation. Dans certains centres hospitaliers, on voit même des services complètements débordés, forcés de soigner deux patients par lits,voire des patients allongés sur le sol.

Du coté des vaccinations, là aussi les ressources se sont retrouvées largement dé-passées par les besoins d’une telle recrudescence de l’épidémie. Bien que l’Inde soit leader mondial de production de vaccins, le pays s’est retrouvé en pénurie à cause des brevets sur les vaccins détenus par les principaux laboratoires et a vu de nombreux centres de vaccination fermer alors que 6’5% de la population est aujourd’hui vaccinée (au moins une fois). « Au rythme de deux millions de vaccins par jour, il nous faudra deux ans et demi pour que 70 % de la population soit vaccinée avec deux doses » déclarait en ce sens Ramanan Laxminarayan, le directeur du Center for Disease Dy-namics, Economics and Policy.

Un désastre qui menace le monde entier et montre l’échec des gestions nationa-listes de la crise sanitaire

Comme le rapporte justement le New York Times, « les épidémiologistes préviennent qu’un échec continu en Inde aurait des implications mondiales. » Il est évident qu’une situation catastrophique dans le deuxième pays le plus peuplé du monde ne peut qu’avoir des conséquences importantes pour le reste de la planète, en commençant par les pays de la région. On remarque d’ailleurs que l’Inde a immédiatement stoppé toutes ses exportations pour réserver ses doses à sa propre population, alors qu’elle avait envoyé 65,1 millions de doses dans le monde, en particulier dans les pays les plus pauvres.

Or, la dimension mondiale de cette pandémie prouve depuis le début l’échec total de toutes les politiques nationales. A l’heure où les variants anglais, sud-africains, et aujourd’hui brésiliens se répandent partout dans le monde en faisant des ravages, la politique des capitalistes révèle une fois de plus son caractère criminel et destructeur. Ainsi, ce sont les populations locales, mais bien au-delà, de l’ensemble de la planète, qui paient les politiques négationnistes de certains États comme les États-Unis ou le Brésil (les plus sinistrés par le virus). De même, la privatisation des brevets par les grands laboratoires pharmaceutiques et leur défense du côté des états impérialistes, est à la base de l’accès profondément inégale au vaccin des différents pays et à la sous-utilisation des capacités de production mondiales. Autant de politiques qui sont responsables de de la situation actuelle où, plus d’un an après le début de la pandémie, le virus ne cesse de se répandre aux quatre coins du monde, de muter en des formes plus meurtrières encore, et de causer des centaines de milliers de morts chaque jour.

Toutes ces politiques qui ne sont tournées que vers le profit se font plus que jamais au prix de millions de vies des classes populaires. Contre ces gestions nationales et criminelles de cette crise sanitaire sans précédent, les travailleurs et les classes populaires du monde entier doivent lutter pour l’abolition des brevets, l’accès pour tous aux vaccins et aux soins, et pour une gestion internationaliste de la crise sans la-quelle il apparaît clair qu’il sera impossible d’endiguer l’épidémie.


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