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Horreur

Huit attentats meurtriers simultanés au Sri Lanka qui rappellent les horreurs du passé

Ce dimanche 21 avril, une vague d'attentats a sévi au Sri Lanka, faisant au moins 290 morts et 500 blessés. Une barbarie sans précédent, révélatrice d'un pays où la violence est loin d'avoir disparu en 2009 avec la fin officielle de la guerre civile.

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Ce dimanche, Colombo, capitale du Sri Lanka, ainsi que deux autres villes du pays, Dehiwala et Orugodawatta, ont connu une vague d’attentats extrêmement meurtrière, d’une violence immense. Au total, et selon les chiffres de la police locale ce lundi 22 avril : 290 morts, et plus de 500 blessés. Ce sont ainsi plus de 8 lieux, presque simultanément, dans le pays qui ont été dévastés par ces attaques étant pour la plupart des attentats-suicides : parmi eux plusieurs églises et 3 hôtels de luxe de la capitale.

Bien qu’ils n’aient pas été revendiqués, les suspects de la police à ce jour pour ces attentats principalement dirigés contre la communauté chrétienne, avec l’attaque de plusieurs églises pendant la messe de célébration de Pâques, est un groupe islamiste local, le "National Thowheeth Jama’ath" (NTJ), groupuscule pour lequel des attaques d’une telle ampleur, notamment visant les chrétiens locaux, serait une première. 24 arrestations ont ainsi été effectuées pour l’instant, et ne concernent pour l’instant que des Sri Lankais.

Sous un angle bien lointain de celui que l’on met habituellement en valeur, d’un pays attractif, destination de vacances très prisée depuis quelques années pour ses plages et paysages paradisiaques – attractivité touristique que montrent par ailleurs les chiffres, avec presque 40 étrangers morts dans les attaques de ce dimanche - le Sri Lanka révèle avec ces nouveaux attentats la violence extrême qui l’habite. Ravagé par la guerre civile qui a fait près de 100 000 morts pendant presque 30 ans, de 1972 à 2009, le Sri Lanka reste un pays profondément marqué par la violence à tous les niveaux. En effet, les attentats et attaques violentes d’une communauté religieuse contre une autre sont loin d’être des phénomènes isolés, bien au contraire, et à cette barbarie s’ajoute la violence de la pauvreté extrême que vivent de nombreux habitants du pays, comme le montrent par exemple les bidonvilles qui entourent la capitale.

Couvre-feu, appel de l’armée, blocage des réseaux sociaux : panique d’un pays marqué par la guerre civile

La crise ouverte par ces attaques d’une violence inouïe et le risque qu’elles ne s’arrêtent pas (une bombe a d’ailleurs été retrouvée à l’aéroport de Colombo et désamorcée à temps), a justifié pour le gouvernement l’édiction d’un couvre-feu le soir même. Couvre-feu qui a aussi eu une réalité virtuelle puisque les réseaux sociaux et de messagerie ont ainsi été bloqués pour l’ensemble du pays, sous prétexte d’éviter la diffusion de fausses images ou de fausses informations.

Ces mesures autoritaires immédiates, et la terreur exprimée par les habitants du Sri Lanka montrent à quel point le pays est sous-tension, et comment la violence y revêt une réalité particulière. En effet, on voit dans les faits et dans de nombreux témoignages comment le choc de ce dimanche sanglant fait renaître le traumatisme des trente ans de guerre civile, qui, malgré la célébration approchant du dixième anniversaire du « retour à la paix », est bien loin d’être reléguée au domaine du passé.

Cette guerre civile, officiellement terminée depuis presque dix ans maintenant, a vu s’affronter deux peuples les Cinghalais, en majorité dans le pays, et en grande partie de confession bouddhiste, et les Tamouls, qui regroupent les principales minorités religieuses : les musulmans, les chrétiens et les hindouistes. Jadis chacun à la tête de royaumes différents sur le territoire, les deux peuples ont vu leur pays « s’unifier » sous l’action des colonisateurs portugais, hollandais puis anglais. Dès l’indépendance du pays en 1948, et sous la domination des Cinghalais, les conflits engendrés par la rébellion de la minorité tamoule donnent lieu à cette guerre civile dévastatrice.

Depuis 2009, et la fin de ce conflit, loin d’être réellement apaisée, la situation au Sri Lanka, tendue par ces rapports de domination et ces conflits culturels et politiques reste d’une violence remarquable. Ainsi, les attentats de ce dimanche ne peuvent être compris dans le cadre strict d’un extrémisme islamiste anti-chrétien, mais dans le contexte de ces rapports de tension entre toutes les confessions au sein du pays. D’ailleurs, les directions d’associations chrétiennes déclarent quant à elles être « confrontées à des manœuvres d’intimidation de plus en plus appuyées de la part de certains moines bouddhistes extrémistes ces dernières années » d’après France Info. De même, les attaques contre les hindouistes et conte les musulmans se sont fait très nombreuses depuis dix ans, notamment de la part des nationalistes bouddhistes.

Bien au delà de conflits purement religieux, les attentats de dimanche, d’une ampleur terrifiante et d’une barbarie sans nom, semblent ainsi révéler la réalité d’un conflit entre des communautés religieuses au sein d’un pays facticement unifié, où la domination culturelle d’un peuple sur des minorités se fait extrêmement forte. Mais ces conséquences de l’impérialisme et de la colonisation ne sont évidemment pas parmi les axes mis en avant par les médias, qui se focalisent sur des conflits prétendus strictement religieux, ramenant cette violence sur l’unique terrain de l’extrémisme et de la foi.

Ainsi, cette principale piste des suspects de ces attentats par un groupe islamiste, contre la communauté chrétienne, la presse française l’a saisie avec une rapidité qui n’a malheureusement plus rien de surprenant. Surfant sur les scènes bien réelles d’horreur absolue, d’églises dévastées, des centaines de morts et de blessés ainsi que de la population traumatisée, les médias français n’ont pas beaucoup tardé à enfoncer le couteau dans la plaie déjà purulente de l’islamophobie française. C’est ainsi que des journaux tels que le Figaro, qui s’’alarme depuis des années sur la « montée du l’Islam », qui menace d’effectuer une transformation profonde et irréversible du patrimoine culturel français, a dès aujourd’hui lancé un sondage à son image : « Craignez-vous une recrudescence des attentats anti-chrétiens dans le monde ? ». Sondage qui ramène ces attentats terribles à une supposée attaque mondiale de la chrétienté. Il faut rejeter ces manipulations inacceptables de l’opinion, alors que nous avons très peu d’éléments sur ces attentats.


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