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Hong Kong

Hong Kong. La Chine menace les manifestants de « périr par le feu ». Quelle issue ?

Ce mardi, la Chine a accéléré sa rhétorique martiale à l'encontre des manifestants hongkongais. Ces menaces font suite à la grève générale historique du 5 août qui a paralysé l’économie, les transports urbains et les vols aériens. La puissance chinoise est prise sur deux fronts alors qu'à l'extérieur, la guerre commerciale avec les Etats-Unis repart de plus belle.

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« La Chine ne sera pas faible avec ceux qui enfreignent la loi. Ne sous-estimez jamais la ferme détermination et la puissance immense du gouvernement central. » Yang Guang, le porte-parole du bureau des affaires de Hongkong et Macao, l’agence gouvernementale chinoise en charge, à Pékin, de ces deux régions administratives spéciales poursuit, menaçant : « Cela doit être très clair pour le tout petit groupe de criminels violents et sans scrupules et les forces répugnantes qui se cachent derrière eux : ceux qui jouent avec le feu périront par le feu. En fin de compte, ils seront châtiés. » Mardi 6 août, tout en réaffirmant leur soutien à la cheffe de l’exécutif de Hong-Kong, Carrie Lam, les autorités chinoises ont donc, comme le précise le quotidien Le Monde, lancé l’« avertissement le plus fort depuis le début, il y a deux mois, du mouvement de contestation du régime chinois ».

Il faut dire que cette mobilisation inédite en réaction à un projet de loi impulsé par l’exécutif local et appuyé par Xi Jinping permettant l’extradition immédiate vers le continent des nombreux dissidents chinois qui actuellement se réfugient dans l’archipel, a dépassé très rapidement la « révolution des parapluies » de 2014. Des libertés démocratiques que tente de rogner peu à peu Pékin, alors que celles-ci ont été octroyées à Hong-Kong suivant le principe « un pays, deux systèmes » mis en place lors de sa rétrocession, en 1997. Les citoyens de l’archipel bénéficient en effet de droits démocratiques que n’ont pas les autres citoyens chinois : droit de manifester, liberté d’expression et de presse, absence de censure sur les réseaux sociaux.

La mobilisation contre ce projet de loi a d’emblée été massive. Le premier jour, dimanche 9 juin, un million de hongkongais manifestent dans les rues de la ville. Le dimanche suivant, leur contingent double : l’archipel comptant 7,4 millions d’âmes, c’est plus du quart de la population qui bat le pavé.

Au-delà du retrait du projet de loi, de nouvelles revendications face aux violences policières et pour la démission de Carrie Lam

Depuis neuf semaines, la lutte a évolué à bien des égards. Face à une féroce répression policière, les manifestants ont su se défendre astucieusement (parapluies et casques de chantier, lasers pour éviter la reconnaissance faciale, films étirables pour stopper les voltigeurs). Alors qu’un mois tout juste après le début du mouvement, la cheffe du gouvernement local, Carrie Lam, déclarait le 9 juillet dernier le projet de loi sur les extraditions « mort », les hongkongais n’ont pas été dupes, cette annonce n’étant qu’une suspension du projet. Les manifestants ne feront aucune concession, ils demandent son retrait pur et simple.

Ces violences policières à coup de gaz lacrymogènes, tirs de balles en caoutchouc ou utilisation de canons à eau ont radicalisé une frange de ces nombreux hongkongais qui ont décidé de relever la tête. Comme le note le très libéral Financial Times, « la confrontation entre la police et les manifestants s’est intensifiée à mesure que la crise politique de Hong Kong s’aggrave. La police a arrêté 148 personnes et tiré 800 cartouches de gaz lacrymogène lundi soir [le 5 août, ndlr], contre environ 1 000 cartouches auparavant, depuis l’éruption des manifestations le 9 juin ». A cela s’est ajoutée, à l’image des gilets jaunes en France, une répression judiciaire terrible : 420 manifestants de 14 à 76 ans ont déjà été interpellés. La semaine dernière, 84 inculpations avaient été prononcées pour « émeutes », un chef d’accusation qui peut vous coûter 10 ans d’emprisonnement.

Par ailleurs, ces 9 semaines de mobilisation ont permis à toute une nouvelle génération de se politiser à grand pas, alors que « la révolution des parapluies » de 2014 lui avait permis de faire ses premiers pas dans la lutte. Désormais, les manifestants ne demandent pas uniquement le retrait du projet, ils revendiquent également le retrait de la qualification « d’émeutes » quant aux manifestations pacifiques du 12 juin, une enquête indépendante sur les violences policières subies par les manifestants et la libération inconditionnelle des centaines de manifestants arrêtés, une dissolution de la législature actuelle et l’instauration du suffrage universel, et enfin, la démission de la cheffe de l’exécutif Carrie Lam.

A l’avant-garde, une jeunesse de plus en plus résignée et précarisée

« Dans l’ancienne colonie britannique, le taux de suicide des 15-24 ans a bondi de 76 % entre 2012 et 2016. Et les tensions actuelles ne font qu’accroître le malaise des jeunes, dont les perspectives sont obstruées par le poids des inégalités et le coût du logement », écrit l’envoyée spéciale de Libération à Hong-Kong, Laurence Defranoux. Son article intitulé Sans horizon, la jeunesse hongkongaise étouffe dans la jungle urbaine est particulièrement éclairant. Concernant le suicide d’une jeune femme de 21 ans pendant la mobilisation, elle décrit ce « sentiment général d’« ultime bataille pour la liberté » qui anime les opposants à une loi qui mettrait fin de facto aux droits fondamentaux dont jouit l’ancienne colonie britannique ».

A Hong Kong, les dépressions et les suicides sont devenus monnaie courante. D’après une étude du Hong Kong Medical Journal de septembre 2018, près de 70 % des étudiants ont déjà ressenti des symptômes sévères de dépression. Plusieurs facteurs l’expliquent. Un système scolaire ultra-exigeant et anxiogène basé sur la performance et la concurrence. Des conditions de vie de plus en plus difficiles alors que la ville connaît une vraie crise du logement : les « maisons cages » où les familles s’entassent dans des appartements sombres sur des lits superposés, et même les « capsules » en mode chrysalide à l’horizontale sont devenues monnaie courante. La faute à une explosion des prix de l’immobilier et des inégalités. Les activités extérieures sont aussi limitées, difficile de faire du sport et de recharger les batteries mentales sans poumons verts. Enfin, une explosion des inégalités, alors que les taux de pauvreté des étudiants et jeunes diplômés ne cessent d’augmenter, la classe moyenne hongkongaise se retrouve également touchée. C’est ce que décrit Frédéric Lemaître, correspondant du Monde à Pékin :« Acheter une maison est impossible pour les enfants de la classe moyenne. Contrairement à ce que suggère le paysage enchanteur de la baie de Hong Kong, la vie est souvent difficile et l’avenir, tant politique qu’économique, semble sombre pour nombre de ses habitants. Dans pareil cas, la crise que vit Hong Kong est bien existentielle. »

Au vu de cette situation matérielle désastreuse, cause de dépression et de paupérisation grandissante, l’« une des seules choses auxquelles se raccroche la jeunesse hongkongaise est la liberté dont elle jouit comparativement aux jeunes Chinois du continent. Sur l’archipel, pas de censure des réseaux sociaux », poursuit Libération. C’est en ce sens qu’il faut comprendre la radicalité exprimée par la jeunesse, prête à se faire incarcérer dans ce qu’elle perçoit comme une « ultime bataille pour la liberté ». Pour l’activiste et analyste Au Loong Yu : « La génération « Parapluies » représente une rupture avec la génération plus âgée en termes d’identité culturelle : ils sont maintenant plus susceptibles de s’identifier comme Hongkongais que comme Chinois. Et derrière cela se cache le lien émotionnel avec Hongkong qui fait défaut à la génération plus ancienne. Ce qui rend particulière la génération « Parapluies », c’est qu’elle a commencé à développer de tels engagements et qu’elle a été politisée lorsque le gouvernement a refusé sa demande du suffrage universel. Cette année, le projet de loi sur l’extradition en Chine a politisé une génération encore plus jeune. Je me souviens que le dernier jour du Mouvement des parapluies, les gens accrochaient une énorme banderole qui disait :« Nous reviendrons. » Cette prophétie s’est réalisée. ».

Si l’issue du conflit venait à être favorable à la Chine, elle n’en n’aurait certainement pas fini pour autant. C’est ce qu’exprimait hier Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la Recherche Stratégique au micro de BFM TV : « il y a une vraie difficulté à Pékin, c’est qu’en fait les autorités de Hong-Kong et Pékin n’ont pas à gérer une seule manifestation, une série de manifestations, il faut qu’ils gèrent la politisation d’une génération, et ça va avoir des conséquences à plus long terme, que ce soit politiques ou économiques. ».

Intensification du rapport de force provoquée par la grève générale historique du 5 août

Si d’emblée la mobilisation avait été massive, elle a franchi un pas. Au début du mouvement, seules les manifestations dominicales avaient lieu. Puis la semaine normale de travail reprenait le pas. De semaines en semaines, suite aux violences policières, les affrontements se sont durcis et la population est moins critique par rapport à la radicalité des manifestants qu’en 2014. Il faut dire que le mécontentement dans la population, - au fur et à mesure qu’elle prenait conscience des violences policières - est allé crescendo. Mais ces derniers jours, des actions de secteurs entiers de travailleurs se sont succédé. Simon Leplâtre journaliste au Monde égrène : « jeudi soir, les employés du secteur financier, très puissant à Hongkong, s’étaient rassemblés trente minutes à Central pour dénoncer une loi d’extradition vers la Chine. Vendredi soir, les fonctionnaires ont pris le relais, pour un rassemblement exceptionnel au même endroit. Secteur après secteur, c’est toute la société hongkongaise qui s’engage pour marquer son hostilité au projet de loi d’extradition et, au-delà, à la surdité d’un gouvernement non élu. ». Vendredi soir, ce sont ainsi quelques 40 000 fonctionnaires, pourtant réputés politiquement conservateurs qui se sont rassemblés, et ce malgré les menaces du gouvernement. « Les fonctionnaires doivent respecter le principe de la neutralité politique, ce qui veut dire que les fonctionnaires doivent servir le chef de l’exécutif et le gouvernement avec une loyauté totale », indiquait une lettre officielle, avant d’indiquer que le gouvernement « réagirait sérieusement à toute violation du règlement ». Ajoutons que, ce week-end, des manifestations ont eu lieu bien qu’interdites par les autorités hongkongaises.

Mais le réel saut qualitatif dans la mobilisation et dans les perspectives qui s’ouvrent à elle, est sans nul doute la grève générale du 5 août. Jamais Hong-Kong n’avait connu de grève générale depuis sa rétrocession à la Chine. Et pour cause la dernière grève générale dans la cité remonte à 1967. Lundi, la circulation des métros a été largement perturbée, plus de 200 vols ont été annulés suite à la grève suivie massivement par les agents de bord. Au moins 95 syndicats des secteurs publics et privés auraient appelé à la grève. L’appel de la confédération syndicale pro-démocratie HKCTU (Hong Kong Confederation of Trade Unions) et du personnel des banques (incluant les banques d’investissement internationales et les banques d’État chinoises), aurait par exemple été repris par des enseignants et des groupes artistiques.

Une journée de grève générale qui a paralysé la ville alors même que, sous le régime de loi fondamentale de Hong-Kong, les salariés ne sont pas protégés quand ils font grève pour motifs politiques. C’est ce qui explique que beaucoup ont préféré feinter et prendre un jour de repos quitte à être « punis » par leur employeur sur des avancements de carrière, ou des revues de performance.

Suite à la grève générale, Hong-Kong et la Chine tentent par tous les moyens de retourner la population contre les manifestants

Ce sont au total environ 300 000 manifestants qui se sont retrouvés sur huit rassemblements différents dans la ville. Au-delà de la question légale, le gouvernement de Hong-Kong a également tenté de faire culpabiliser les travailleurs sur les répercussions de la mobilisation quant à la santé économique de l’archipel, afin de les empêcher de faire grève. Un porte-parole a par exemple déclaré : « Toute grève ou acte de violence à grande échelle affectera les moyens de subsistance et les activités économiques des citoyens de Hong Kong. Cela ne fera que miner davantage l’économie locale qui est confrontée à des risques à la baisse, ainsi que la confiance de la communauté internationale et des investisseurs étrangers dans la société et l’économie de Hong Kong. »

Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la Recherche Stratégique confirmait hier au micro de BFM TV qu’« une des stratégies qui a été utilisée pour l’instant c’est l’argument économique, de dire aux hongkongais, « regardez le coût économique de ces manifestations ». […] Mais la réponse pour une grande partie d’entre eux est de dire que leurs revendications politiques sont plus importantes que leurs avantages économiques. Ils sont donc déterminés à poursuivre les manifestations, et ça c’est un vrai problème pour Pékin. »

Le fait de vouloir diviser les rangs d’une mobilisation est un grand classique pour le pouvoir. Tout le monde a en tête les nombreuses tentatives en France de faire passer les gilets jaunes pour des fachos, des antisémites, ou des criminels. Le spécialiste de la Chine Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) affirme ainsi que « Pékin pousse à la radicalisation du mouvement, excite les manifestants déjà au bord de la rupture, infiltre les manifestations pour provoquer des hyperréactions, afin de lancer le cycle radicalisation-répression. Il y a toujours une tranche des manifestants prêts à se radicaliser, et Pékin appuie dessus pour provoquer une division de l’opinion publique. C’est un cas d’école de comment ruiner un mouvement populaire. On a vu la même chose en France avec les « gilets jaunes » : une fois que le mouvement se radicalise et que l’opinion publique se désolidarise, c’est fini. ».

Au-delà de l’argument économique, de l’agitation autour des prétendues violences des manifestants, Carrie Lam affirme que la mobilisation vise « à renverser Hongkong, à détruire complètement la précieuse vie de plus de sept millions de personnes. Le gouvernement sera ferme pour maintenir la loi et l’ordre et rétablir la confiance. ». Puis elle s’adresse à chaque citoyen : « Tous les Hongkongais doivent se poser la question calmement : si le chaos continue, à la fin, qui sera gagnant, qui sera perdant ? La Chine ne sera pas faible avec ceux qui enfreignent la loi. Ne sous-estimez jamais la ferme détermination et la puissance immense du gouvernement central. » S’appuyant sur les velléités séparatistes minoritaires dans la contestation, la cheffe du gouvernement essaie de terroriser la population : « Ils appellent à une révolution pour libérer Hongkong. Ces actions remettent en cause la souveraineté nationale.

Une intervention de l’armée chinoise est-elle possible ? Quelle issue pour cette mobilisation ?

Si les menaces les plus graves de Pékin (« ceux qui jouent avec le feu périront par le feu. En fin de compte, ils seront châtiés ») surviennent après la grève générale du 5 août, c’est tout sauf un hasard. En l’espace d’une journée, Hong Kong, l’un des centres financiers les plus importants du monde, l’un des principaux ports mondiaux pour le trafic de conteneurs et, sur le plan politique, la tête de pont de la République populaire de Chine à l’ouest, s’est retrouvé paralysé. Une démonstration de force possible grâce à la détermination des travailleurs qui, pour beaucoup d’entre eux ont fait grève pour la première fois de leur vie, et ont démontré que ce sont eux qui font tourner l’économie. C’est ce rapport de force instauré par la grève générale qui a entraîné tout à la fois Pékin, et le gouvernement de Hong-Kong a sortir du silence. Sur les réseaux sociaux, le mutisme de la dirigeante (trois semaines sans dire mot !) s’était transformé en slogan humoristique appelant à la grève : « Carrie Lam est en grève depuis dix jours, alors pourquoi pas vous ? ».

Ces menaces martiales, qui tentent de sonner comme un ultimatum pour faire rentrer les manifestants bien sagement dans le rang, cachent, en réalité, le peu de marge de manœuvre de Pékin. D’après le professeur Ma Ngok, politologue de l’Université chinoise de Hong Kong, cité par le Financial Times, « Pékin "essaye de montrer qu’ils ne vont pas reculer", car ils sont de plus en plus "inquiets de la perturbation de l’économie de Hong Kong, en particulier de la menace que représente la grève générale [du 5 août]" ». L’indice boursier de Hong Kong a effectivement chuté de 3 % le jour même. Les prévisions de croissance sur l’année 2019 passent de 2,6 % à 0,8 %, « des conséquences directes qui tiennent tant à la guerre commerciale plus généralement, qu’à ces manifestations », estime Antoine Bondaz.

Il faut également noter que quelques jours en amont, l’armée chinoise (APL) avait diffusé sur ses réseaux (repris par les medias officiels) des simulations de maintien de l’ordre avec chars et canons à eau, qui ressemblaient comme deux gouttes d’eau aux émeutes de Hong Kong. Andreas Fulda, spécialiste de la Chine à l’université de Nottingham (Royaume-Uni), analyse cette vidéo de propagande comme « un instrument de la guerre psychologique menée [par Pékin] aux Hongkongais ».

Il faut ajouter que Pékin a peur du risque de contagion. La bureaucratie du Parti Communiste Chinois (PCC) vient de publier un livre blanc sur la défense. « Le livre blanc généralement parle avant tout de la question de Taïwan, du Xinjiang, du Tibet puisque jusqu’à présent la question du séparatisme à Hong-Kong ne se posait pas. Il y a des mouvements qui peuvent demander de revenir à l’accord de 1997 qui était normalement garanti, à savoir un haut degré d’autonomie que Pékin a été grignoter depuis 1997 », détaille Antoine Bondaz. Pour le spécialiste de la Chine Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), « Pékin appuie d’autant plus qu’il se rend compte du risque de contagion. Il voit certaines contestations naître dans des villes chinoises. Du coup, le gouvernement passe à la dénonciation d’agents étrangers, qui seraient à l’origine des manifestations, et lance des appels au nationalisme. Cela rajoute encore de la tension. »

Mais une intervention armée de maintien de l’ordre est-elle réellement envisageable ? Pékin a revendiqué ouvertement, il y a quelques mois, le massacre de la place Tian’anmen 30 ans après son anniversaire. Comme l’indiquait dans ces colonnes Juan Chingo, dans un article intitulé Xi Jinping recule face à la pression de la rue, une première, « à l’époque, l’Occident a, de fait, tourné la tête étant intéressé par l’ouverture commerciale de la Chine. Dans le nouveau contexte géopolitique de rivalité stratégique entre Washington et Pékin, les équations ne seraient manifestement pas les mêmes ». Et ce d’autant plus que Pékin est pris conjointement sur deux fronts : ce lundi 5 août marquait en effet un nouveau rebond dans la guerre commerciale entre la Chine et les USA.

Pour Jean-Vincent Brisset, « Pékin cherche une légitimité à tout prix dans ses actions à Hong Kong. Ce que la Chine souhaite, c’est pouvoir dire : « On avait prévenu, on a été attentistes, malheureusement il y a eu des morts, on est forcé d’intervenir maintenant. » Le discours est même sans doute déjà prêt. C’est un hyperclassique de la gestion d’une manifestation, patienter paisiblement jusqu’à ce qu’elle dégénère. Ils attendent « le débordement de trop », et plus que l’attendre, ils vont essayer de le provoquer.

Cependant, Pékin est dans une situation inconfortable, une intervention pourrait lui coûter cher, y compris politiquement et économiquement à échelle internationale. Démissionner la cheffe de l’exécutif Carrie Lam et/ou acter le retrait total du projet de loi serait vu comme une défaite pour Xi Jinping alors qu’il a déjà reculé (avec la suspension du projet de loi) face à la pression de la rue. Nul doute que les séparatistes de Taïwan ou les adversaires internationaux et en premier lieu les Etats Unis, seront attentifs aux choix pris par Pékin. Le plus probable, pour l’heure, est que Xi Jinping laisse Carrie Lam en poste le plus longtemps possible, quitte à la « griller » totalement.

La reconduction de la grève générale, l’unique réponse pour une issue favorable à la jeunesse et aux travailleurs

Il est impossible d’exclure totalement une intervention de l’armée, le douloureux souvenir de Tian’anmen est là pour nous le rappeler. Celle-ci apparaît cependant, pour l’heure, très peu probable. Dans tous les cas l’étape précédent une telle offensive serait la mise en place d’un cessez-le-feu. Et puis, pour Willy Lam, chercheur au Center of China Studies de l’Université chinoise de Hongkong cité dans Libération, « cela signifierait la fin de l’accord "Un pays, deux systèmes". Hongkong deviendrait une ville chinoise comme les autres, sous la coupe de la police et de l’armée chinoise. Pour la Chine, et pour Xi Jinping lui-même, ce serait perdre la face et son prestige. ». Hong-Kong est effectivement une vitrine pour la Chine : des milliers de multinationales sont installées, et les riches propriétaires ne sont pas prêts à voir leur quotidien bouleversé par les restrictions d’un système et d’une justice aux ordres du PCC. La perte d’autonomie est pourtant le scénario vraisemblable en cas d’intervention militaire chinoise. Le chercheur de poursuivre : « Une grave crise économique pourrait se déclencher. Or, parmi les cadres haut placés dans le Parti et dans l’armée, beaucoup ont de la famille ou des intérêts à Hongkong ».

Mais l’heure n’est pas aux pronostics d’ « experts » sur une éventuelle intervention militaire. Pour les travailleurs qui sont entrés en action, et qui, au-delà du retrait du projet de loi, réclament également la tête du gouvernement de Hong-Kong et le suffrage universel, la seule issue favorable est la poursuite et l’extension de la grève générale reconductible associée à la jeunesse et aux masses dans la rue. Une grève qui paralyse totalement l’économie et les flux de l’archipel sur plusieurs jours. Il faut espérer également un réveil ouvrier et démocratique des masses chinoises continentales face au block out médiatique de Pékin. C’est la seule issue pour éviter une contre-offensive réactionnaire et répressive du gouvernement de Hong-Kong et de Xi Jinping. C’est la seule issue pour sortir cette jeunesse de la dépression et de la précarité, et faire en sorte que la classe ouvrière et la classe moyenne qui se paupérise d’année en année, mais aussi plus généralement que tous les exploités et les opprimés hongkongais triomphent face à une grande bourgeoisie locale et internationale qui ne cesse de s’enrichir sur leur dos.


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