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Harcèlement, violences sexuelles : 30 salariées de la RATP sortent du silence en soutien à Ahmed Berrahal

Elles s'appellent Christelle, Nadia, Dylia, Jennifer... qu'elles aient 3 ou 30 ans d'ancienneté à la RATP, ces 30 conductrices de bus ont souhaité apporter leur soutien à Ahmed Berrahal, syndicaliste CGT menacé de licenciement pour avoir dénoncé les violences sexuelles dans l'entreprise. Dans une vidéo poignante, elles parlent à cœur ouvert, dénonçant le harcèlement au travail et les pressions à se taire.

Flora Carpentier

7 avril 2021

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S’en prendre à celui qui les défend depuis tant d’années, à leur écoute « de jour comme de nuit », aura été la goutte d’eau de trop pour ces salariées de la RATP. Face à l’acharnement de leur direction contre Ahmed Berrahal, syndicaliste CGT et référent harcèlement dans l’entreprise, elles ont décidé de briser le silence, à visage découvert, à travers une vidéo poignante. Plus question de se taire pour celles qui subissent au quotidien, dans un milieu majoritairement masculin, le harcèlement sexiste et dans les cas les plus graves, des agressions sexuelles sur lesquelles leur direction ferme les yeux.

Toutes sont scandalisées par l’accusation de harcèlement moral d’un chef qui pèse sur Ahmed Berrahal et pourrait le conduire au licenciement, d’après la convocation reçue pour un entretien disciplinaire qui aura lieu ce jeudi 8 avril. Comble de l’ironie, « le monsieur qui l’accuse de harcèlement moral est accusé de harcèlement sexuel », comme l’explique Nadia, machiniste au dépôt de Flandre, qui connaît bien le chef en question. « Je l’ai côtoyé au travail, et à ses côtés je n’étais pas à l’aise (…). C’est quelqu’un qui m’invitait avec insistance au resto. J’ai dit non une fois, deux fois, trois fois, quatre fois... la cinquième fois il a fouillé dans mon planning personnel en me disant ’tel soir tu n’as pas d’excuse, tu viens dîner avec moi, j’ai regardé ton planning’. Et c’est ce monsieur qui se plaint de harcèlement moral ! »

La répression subie par le syndicaliste est ainsi l’occasion pour ces travailleuses de lever le voile sur le harcèlement au travail et les violences faites aux femmes à la RATP. Christelle, machiniste de Nanterre, raconte ainsi son histoire : « J’ai été agressée par deux agents GPSR [agents de sûreté RATP, NDLR] dans l’enceinte de mon travail. On m’avait proposé de venir boire un café et cette pause café a dégénéré. J’ai subi des attouchements. J’ai voulu dénoncer ces choses-là, et malheureusement cette affaire a été classée sans suite ». Dans son cas comme tant d’autres, la réaction de la direction, menant des enquêtes à charge pour étouffer des affaires qui dérangent, est vécue comme une double-peine et conduit à ce que les salariées victimes de violences s’isolent et tombent en dépression. Dans le cas de Dylia, dont nous avions recueilli le témoignage, le harcèlement de sa hiérarchie a conduit au pire : « J’ai été licenciée suite à l’annonce de ma grossesse gémellaire (…). Suite à ces accusations et au harcèlement que j’ai subi de la part de ma direction, j’ai perdu mes jumeaux à 5 mois de grossesse ».

Machiniste au dépôt de Flandre depuis 14 ans, Delphine fait ce constat amer : « Le harcèlement moral et le harcèlement sexuel sont de plus en plus présents, et quand on les dénonce on est une femme qui n’a pas d’humour ». Pour la plupart d’entre elles, Ahmed Berrahal est le seul à avoir été à l’écoute et à avoir tenté de les aider dans leurs démarches pour faire reconnaître les violences subies, comme en témoigne Jennifer : « Lorsque j’ai été harcelée, Ahmed m’a permis de me défendre et j’ai gagné aux Prud’hommes contre ce harcèlement moral. Je trouve bien dommage d’être dans une entreprise où on a peur de parler parce que tout le monde agit en toute impunité. Ces gens qui nous harcèlent sont déplacés sur des postes d’évolution tandis que nous on se rend malade ». Sandrine, du dépôt de Saint-Denis, abonde dans son sens : « malheureusement le harcèlement existe, et bien souvent on ne sait pas vers qui se retourner ».

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Alors pour elles toutes, pas question de laisser tomber Ahmed face à cette nouvelle attaque. Comme en témoigne Nabila, du dépôt d’Aubervilliers, ce serait un affront à toutes les femmes de la RATP que de le laisser se faire réprimer : « je trouve injuste qu’on veuille pénaliser Ahmed parce qu’il a voulu dénoncer ce genre de pratiques qui est pourtant très courante dans ce genre d’entreprise, mais qui est un sujet encore tabou, parce que la plupart des femmes ont peur de parler. Et le fait d’avoir un Ahmed Berrahal dans notre entourage est pour moi un réel atout ». « Quand ça va trop loin on se doit de dire stop ! », tranche Nadia, sur un ton déterminé.

En s’attaquant à ce « syndicaliste de cœur », selon les mots de ses collègues, la RATP pourrait bien avoir contribué malgré elle à lever l’omerta sur les violences sexistes et sexuelles subies en son sein, dans un contexte où dans diverses entreprises, comme à Chronodrive ou Mc Donald’s, les témoignages se multiplient. Révolution Permanente s’associe avec force à cette dénonciation de la répression à l’encontre d’Ahmed Berrahal et invite toutes les salariées de la RATP victimes de harcèlement ou de violences sexistes à témoigner en nous écrivant à [email protected].


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