Un candidat en faveur des réformes néolibérales à l’université
Bien que son militantisme à l’UNEF soit connu de tous, Benoît Hamon sera resté, pendant toute la campagne des primaires, relativement silencieux sur son programme concernant l’Enseignement supérieur. Un oubli ? Disons plutôt un silence choisi. Car pour le candidat « frondeur », difficile d’admettre en pleine campagne que son programme sur ce sujet se situe dans la droite ligne du gouvernement Hollande, dont il cherche tant à se démarquer. Lui-même ministre de l’Education et de l’Enseignement supérieur pendant une courte période, Benoît Hamon n’a jamais critiqué et n’a fait qu’entériner les lois néo-libérales mises en place sous Sarkozy (lois LRU 1 et 2) et poursuivies sous Hollande (loi Fioraso).
En effet, alors que le milieu universitaire aurait pu s’attendre, à l’arrivée de la « gauche » au pouvoir en 2012, que celle-ci remette en cause la loi dite « d’autonomie des universités » (LRU) qui pousse les universités à aller rechercher des financements dans le privé et instaure la présence de « personnalités exterieures » (banques, assurances, entreprise du CAC 40...) dans les conseils d’administration, il en fut tout autrement. Dès 2013, le gouvernement Hollande persiste et signe dans la même logique néolibérale avec la loi Fioraso qui, non contente de poursuivre le processus, ajoute une pierre à l’édifice : les communautés d’universités (COMUE) et les fusions d’universités. L’objectif affiché est en effet de créer de grands pôles universitaires, qui seraient de plus en plus liés aux intérêts immédiats des patronats locaux, et qui par ailleurs permettraient de diminuer encore un peu les budgets publics de l’Enseignement supérieur en faisant des économies d’échelles – sans oublier son caractère anti-démocratique. En d’autres termes, accepter une bonne fois pour toute la mise au pas de l’université aux exigences néolibérales, renforçant la concurrence entre les établissements (d’un côté les « facs d’élites », de l’autre, les « facs poubelles »), mais aussi entre les enseignants, entre les étudiants dans la course à la meilleure promo et la meilleure fac, et entre les personnels désormais destinés à la précarité et la surcharge de travail.
Ainsi, une chose est claire : à l’université, le président « de gauche » a bel et bien fait une politique de droite. Une politique qui est d’ailleurs aujourd’hui combattue dans un certain nombre d’universités, notamment au Mirail, à Toulouse. Une politique que pourtant Benoît Hamon ne dément pas, comme en témoigne les félicitations qu’il a tenu à adresser à Geneviève Fioraso lors de sa conférence de presse du 10 janvier 2017. En effet, le candidat soutient « la nécessité de poursuivre dans le sens des COMUE ». Plus encore, Benoît Hamon souhaite renforcer les crédits de recherche sur appel à projets et est à peine critique du Crédit d’impôt recherche, qui permet chaque année de faire économiser plusieurs milliards d’euros au patronat sans aucune contrepartie autre que la promesse d’investir dans la recherche : un simple « chèque en blanc », comme le dit l’association Science en marche, et ce malgré le contexte austéritaire de baisse du budget de l’Enseignement supérieur et la recherche.
Grandes réformes néolibérales et petites miettes pour les étudiants : ou comment le Parti socialiste cherche encore et toujours à ménager sa jeunesse
Mais alors, comment faire accepter un tel programme au milieu universitaire et au mouvement étudiant ? C’est là que le soutien de William Martinet, que toute une série d’étudiants connaît pour avoir dirigé l’UNEF pendant la mobilisation contre la loi Travail, n’a rien d’anodin. En effet, tout en critiquant la situation dans laquelle se retrouve de nombreux étudiants et étudiantes, destinés à suivre leur cours assis par terre dans les amphis et à survivre d’une maigre bourses et d’emplois de plus en plus précaires, la direction majoritaire du syndicat aura fait preuve, pendant le mandat de Hollande, d’une politique on ne peut plus aimable à l’égard des politiques du Parti socialiste. Au cours des mobilisations locales dans certaines universités contre la baisse de budget sur les facs, celui-ci se refusait par exemple à critiquer les lois LRU entérinées par le PS et la loi Fioraso, pourtant la cause de ces problèmes budgétaires structurels, estimant qu’il était possible d’en extraire quelques miettes pour les droits étudiants par le biais de quelques négociations. Plus récemment, pendant la mobilisation contre la loi Travail et même si le syndicat avait signé les premiers appels à mobilisations, la direction majoritaire a œuvré à la casse des organismes d’auto-organisations qui émergeaient, et n’hésitait pas à accepter d’aller négocier à Matignon malgré le refus des étudiants et étudiantes mobilisés.
Ressorti quelque peu amoché de la mobilisation contre la loi Travail et plus généralement du quinquennat Hollande, qui mettait en contradiction ses liens avec le Parti socialiste et son image de défenseur de l’intérêt des étudiants, le syndicat espère donc certainement surfer sur la nouvelle vague de sympathie autour du candidat Hamon. Mais qu’aurait-il à sauver du programme du Parti socialiste en ce qui concerne l’Enseignement supérieur ? Quelques miettes, peut-être, mais sûrement pas une quelconque remise en cause du projet des classes dominantes pour les universités. Si tous les militants de l’UNEF ne sont sûrement pas tous « hamonistes », une chose est sûre : Hamon est bel et bien le candidat de sa direction et des trahisons des revendications étudiantes. En ce sens, difficile d’y voir le candidat de la lutte contre la sélection à l’université, la marchandisation des savoirs et la précarité des conditions de vie et d’étude de la jeunesse.