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Construire la reconductible !

Grève pour les salaires chez Total : « l’arrêt de la raffinerie de Normandie montre la voie à suivre »

Ce mercredi, la plus grande raffinerie de France a commencé les procédures de mise à l'arrêt des installations. Les raffineurs de TotalEnergies Normandie prennent leurs responsabilités et montrent la voie à suivre : celle de la grève reconductible pour bloquer l’économie. Adrien Cornet de la CGT Total revient sur la situation.

Damien Bernard

29 septembre 2022

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Crédits photo : AFP

Pour les travailleurs, enclencher l’arrêt de leur outil de production n’est jamais une décision facile. Encore plus pour les raffineurs pour qui un tel processus nécessite un travail sans relâche, jour et nuit, des jours durant. C’est donc après avoir épuisé un certain nombre d’actions que les grévistes durcissent le mouvement et décident de l’arrêt des unités. A partir de là, non seulement, plus aucun produit ne sort, mais le produit brut n’est plus raffiné. La production est à l’arrêt.

Depuis mercredi, c’est ce processus que les grévistes de la plateforme TotalEnergies Normandie ont enclenché. Nous avons interviewés Adrien Cornet de la CGT Total Grandpuits sur ce tournant et sur les perspectives qu’il ouvre.

« Un véritable tournant, une accélération nette de la grève »

Pour Adrien Cornet, militant à la CGT TotalEnergies Grandpuits et à Révolution Permanente, cette décision des grévistes constitue « un véritable tournant, une accélération claire et nette du mouvement de grève ». Il ajoute : il va falloir « 5 jours pour arrêter, 5 à le redémarrer, plusieurs jours avant mise en conformité ». Avec beaucoup de détermination, les grévistes de la raffinerie Normandie montrent la voie à suivre pour l’ensemble des salariés du groupe TotalEnergies : face à une direction qui ne lâchera rien, il va falloir durcir la grève et généraliser l’arrêt des raffineries.

Ainsi, la plus grande raffinerie de France (12,5 millions de tonnes de capacité de raffinage) rejoint le mouvement d’arrêt des raffineries enclenché par les grévistes d’Exxonmobil dans les deux unités françaises du groupe américain, Gravenchon (12Mt) et de Fos-sur-Mer (6,6Mt). Au total, les trois sites représentent un tiers des capacités de raffinage en France auxquels s’ajoutent les grèves sur d’autre sites de TotalEnergies comme à Donges (44), Carling (57), Feyzin (69), Grandpuits (77) ou encore la bioraffinerie de La Mède (13), ainsi que certains dépôts de carburant comme celui de Flandres (59).

Si pour l’heure le mouvement de grève occasionne des stations à sec en raison de désorganisations liées à la grève mais aussi de rupture de stock en lien avec les opérations promotionnelles de Total, une pénurie réelle n’est pas encore à l’ordre du jour. Cependant, le contexte de crise actuel pourrait accélérer et accentuer le risque de pénurie d’ici les prochaines semaines pointe Adrien Cornet. Mais « l’enjeu fondamental des prochains jours consiste à voir comment faire pour que les exemples des travailleurs d’ExxonMobil, de TotalEnergies Normandie se propagent sur les autres sites à Feyzin, Donges, etc… » explique-t-il.

« La colère est nourrie par les profits historiques des grands patrons »

Pour Adrien Cornet, ce durcissement de la grève exprime « beaucoup de radicalité ». Cela est nourri par une profonde injustice, un ras le bol des salariés face aux deux poids deux mesures. « Chaque année c’est une année record et il n’y a jamais d’évolution sur le salaire, aucune reconnaissance, pour eux nous sommes juste des numéros sur des fiches de paye » dénonce ainsi une gréviste de l’équipe de jour de Total Normandie.

Pour Adrien Cornet, « les grévistes refusent d’attendre 2023 mais veulent chercher des augmentations de salaires pour rattraper l’inflation de 2022 maintenant ! ». Alors que les travailleurs doivent se serrer la ceinture, le patron de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, lui ne s’embarrasse pas : son salaire a bondi de 3,9 à 5,9 millions d’euros, progressant de 52% ! Face à la chute des salaires réels, les grévistes ne font que revendiquer le minimum : une augmentation de 10% de leurs salaires, des investissements pour leur outil de travail, le dégel des embauches.

Une colère qui s’étend au-delà de TotalEnergies comme on peut le voir à PSA notamment où les grèves se multiplient sur différents sites du groupe. « Le point en commun entre ces grèves est la colère profonde qui nait face au deux poids deux mesures criant entre le traitement réservé aux travailleurs, et les profits pharamineux des grands patrons » souligne Adrien. Alors qu’avant l’été la vague de grève touchait des secteurs moins concentrés de notre classe, le mouvement actuel se concentre dans les grandes entreprises et se nourrit d’une colère profonde face aux profits du CAC40.

« Il faut qu’on aille chercher l’indexation des salaires sur l’inflation »

Pour Adrien Cornet, il faut aller plus loin. Le militant de la CGT Grandpuits appelle à « revendiquer l’indexation des salaires sur l’inflation » : « face à la crise sanitaire, à la crise liée au conflit en Ukraine et à la crise inflationniste, pour survivre, il faut qu’on aille chercher cette indexation des salaires, des pensions, des bourses et des minima sociaux sur l’inflation ». Il ajoute : alors que 2023 sera pire que 2022, on ne peut pas remettre le couvert tous les ans, il va falloir aller chercher cette indexation ». « il est très important d’apporter ce mot d’ordre là » souligne Adrien.

De ce point de vue, l’exemple des raffineurs belges est très parlant : « On a découvert au niveau de Total Europe, en Belgique, dans l’une des très grosses raffineries, à Anvers, que les salaires des travailleurs sont partiellement indexés à l’inflation. Résultat : leur salaire va augmenter de 12,6% cette année. 12,6%, en salle de contrôle ça a fait beaucoup de bruit », pointe Adrien. Sur le site Actu.fr un syndicaliste pointe : « nous on demande 10 %. On ne voit pas pourquoi ce qu’on peut faire en Belgique ne peut l’être chez nous ».

Ce mardi, ces mêmes travailleurs belges qui ont apporté leur solidarité internationalistes à leurs collègues raffineurs français. Ils écrivent dans un communiqué : « Nous avons appris par nos instances et les médias que les travailleurs de TotalEnergies et d’Esso en France sont actuellement en grève pour obtenir plus de salaires et d’investissements. L’augmentation du coût de la vie et l’inflation galopante rendent ces revendications plus que justifiées. […] Nous sommes solidaires de votre combat. Ensemble on est plus forts ! »

« Il faut exproprier les grands patrons de l’Energie qui détruisent la planète »

Mais derrière les profits, la multinationale TotalEnergies détruit aussi la planète comme le pointe Adrien Cornet : « face à la crise climatique, ce qu’on a porté pendant la marche climat ce dimanche, c’est la nécessité d’exproprier les patrons qui détruisent la planète, et la mise sous contrôle ouvrier des usines ». Avant d’ajouter : « pour une vraie transition, il faut qu’on ait la main sur la production, et qu’on ait la maitrise de ce que l’on produit, c’est cela qui pose la nécessité de l’expropriation, notamment celle des grands groupes de l’énergie.

Pour Adrien, l’autre raison « d’exproprier tous ces patrons » est que « les grandes entreprises de l’énergie crée des biens qui sont communs, indispensable ». De son côté, « Bruno Le Maire appelle à mettre un col roulé et fait croire qu’il agit pour la planète, c’est d’une hypocrisie totale. Pendant ce temps, il y a la crise climatique, la multiplication des sécheresses » pointe-il.

L’autre raison d’exproprier les grands groupes de l’énergie comme Total est la précarité permanente des travailleurs qu’ils généralisent à différents niveaux. Les « grands capitalistes sont responsables de nombreux accidents du travail, de la mise en danger des travailleurs. Oui, les travailleurs meurent au travail. » ajoute-t-il. Avant de noter : « Total a une filiale qui gère les stations-services, qui ne gagnent même pas, au SMIC. Dans le même temps, ils touchent de l’argent public, la prime d’activité, Total Energie n’assume pas du tout ça. »

« C’est parti pour durer, il faut organiser un plan de bataille d’urgence

Avec la mise en arrêt de la raffinerie de Normandie, une chose est sûre, « c’est parti pour durer » lance Adrien Cornet. Pendant ce temps, « les directions syndicales ne cessent d’interpeller le gouvernement sur la question des salaires. En réponse Elisabeth Borne a dit que ça se règlerait dans le dialogue social, et dans le cadre des NAO ». Mais « les patrons, ils ne sont pas prêts à lâcher du salaire, et surtout pas au niveau de l’inflation, pas au niveau de nos pertes », rétorque-t-il.

Pour l’heure, « les directions syndicales appellent au dialogue social » pensant « convaincre autour d’un café » dénonce Adrien. « Pourtant ce n’est pas le plan qu’on devrait suivre, c’est pourtant le plan que suit Martinez et la direction de la CGT », continue-t-il. « On voit très bien que ce qui les intéresse ce n’est pas le plan de bataille », interpelle-t-il. « Il suffit de voir pour cela, la journée isolée du 22 dans la santé ou encore l’absence d’un appel à une véritable journée interprofessionnelle qui cherche à bloquer réellement l’économie ».

« Ce dont nous avons besoin, c’est d’un vrai plan de bataille, c’est urgent ! » lance Adrien. « Dans les tôles, on parle de la contre-réforme des retraites, que Macron veut imposer rapidement ». Aussi, « quand on parle de plan de bataille, on parle d’un plan de bataille beaucoup plus large, pour en finir avec ce gouvernement, avec ce système, pour obtenir l’indexation des salaires sur l’inflation, à lutter contre la loi sur l’assurance chômage qui est une attaque très grave, le RSA conditionné, ou encore l’état des services publics, de la crise climatique. »

Adrien souligne : « Pour la suite, il va falloir qu’on embraye sur des assemblées générales, de toute façon, les raffineries à l’arrêt, elles ne vont pas redémarrer demain, c’est parti pour durer, au moins dix jours. Il faut battre le fer tant qu’il est encore chaud, et organiser le plan de bataille d’urgence, organiser des AG, unissant les travailleurs à la base qu’ils soient syndiqués ou non. Il nous faut coordonner à la base les travailleurs ».

« Face aux multiples attaques du gouvernement Macron II, il nous faut opposer une riposte, et imposer un plan de bataille, au travers des grèves massives et reconductibles. Et elles ont commencé dans le raffinage. Il faut que d’autres secteurs rejoignent le mouvement comme les travailleurs des transports en communs. Clairement, ’’c’est parti’’, il nous faut opposer une alternative à la routine syndicale pour l’appel à une véritable journée de grève ’’tous ensemble’’. Une telle journée pourrait être un point d’appui pour exiger un véritable appel à la grève d’au moins 48 ou 72h, et commencer à construire un plan de bataille à la hauteur de la crise à laquelle nous faisons face », conclut Adrien.


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