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Secteur énergie

Grève pour les salaires à GRDF : « Le service public se fait détruire depuis des années »

Depuis près d'une semaine, les travailleurs de nombreux sites sont entrés en grève pour leurs salaires chez GRDF. Alors que les salariés réclament une augmentation de 4,6 % des salaires pour tous, la direction fait la sourde oreille et propose 2,3 %, un chiffre bien en dessous de l'inflation. Malgré les multiples tentatives pour casser la grève, les ouvriers continuent de relever la tête.

Noah Rapa

25 novembre 2022

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Crédits photos : CGT GRDF

Une grève pour les salaires

Septembre dernier, le secteur de l’énergie a conclu un accord de branche, augmentant de 1% l’ensemble des salaires, avec rétroactivité au 1er juillet 2022, et une augmentation de 2,3% des salaires à compter de Janvier 2023. Ces augmentations étant largement inférieur à l’inflation, plusieurs NAO par filiale (Enedis, RTE, GRDF, Engie, etc...) se sont ouvert dès cet été, et une majeure partie d’entre elles ont débouché sur des accords prévoyant au moins une hausse de 70 euros de salaires brut.

Chez GDRF où la CGT représente 47% des syndiqués, « Il n’y a que trois organisations syndicales qui ont signé un tel accord le 18 Novembre 2022 : Force ouvrière, la CFDT et la Confédération de l’encadrement de l’énergie » explique Philippe Faure, élu CGT énergie 42. Et cet accord ne prévoit qu’une augmentation de 2,3%, l’équivalent de 30 euros brut, et ce alors qu’une majeure partie des salariés souhaitaient 4,6%, afin de n’être pas plus lésé que leurs collègues des autres filiales.

C’est la signature de cet accord au rabais qui a mis le feu aux poudres : « La colère a explosé quand les salariés de GRDF ont appris que leurs collègues de Enedis ont obtenu 2 NR (niveau de rémunération), alors que nous avons obtenue seulement 1 NR », nous raconte Frédéric Probel, élu CGT Engie Clamart et élu au service commun, regroupant GRDF et Enedis.

Aussi, loin d’être une exception, le mépris relatif du secteur de la distribution est une constante des négociations salariales du secteur : « Historiquement, la distribution a toujours été le parent pauvre de la branche de l’énergie. Elle a toujours eu des mesures différentes par rapport aux autres filiales, toujours avec des mesures aux rabais sur le salaires » dénonce Thomas Duteil, élu CGT et secrétaire au CSE de GRDF, également au comité de groupe Engie.

La colère monte, les grévistes s’organisent

Aux dernières nouvelles, plus d’une quarantaine de sites sont désormais dans le conflit et provoquent des degrés de perturbations plus ou moins importants. Selon Frédéric Probel : « on organise des roulements, les salariés se mettent en grève une demi-journée par semaine, pour éviter de trop grosses pertes de salaire ».

Pour saboter le rapport de force qu’installent les grévistes, GRDF n’hésite pas à déplacer ses agents entre différentes régions pour casser le mouvement là où il est le plus puissant. Thomas Duteil explique que la direction « distribue et augmente des primes pour les agents qui se déplacent hors de leurs agences respectives » et va « même jusqu’à cacher ces agents » pour saper le droit de grève à l’ombre. Dans le même temps, « dans les médias, l’entreprise n’hésite pas à raconter des mensonges et désigner les grévistes comme les responsables de la dégradation du service public ».

Afin de défaire la direction de l’entreprise, les travailleurs multiplient les actions pour bloquer l’activité : les travaux de raccords sont retardés, les agents effectuent des filtrages sur les appels téléphoniques, ou exercent carrément leur droit de retrait, laissant libre cours à la colère des consommateurs qui se propage à son tour.

Sur l’agence de Trudaine, la tension est montée d’un cran. En effet, les grévistes ont décidé qu’ils ne s’occuperaient pas des « urgences gaz ». La préfecture, pensant que les grévistes avaient bloqué tout accès aux véhicules, a donné l’ordre aux CRS de débarquer sur le site pour déloger d’éventuels bloqueurs. Mais ils n’ont trouvé que l’équipe d’astreinte, en grève, qui ne bloquait aucun matériel. « Jusqu’à maintenant, le droit de grève étant constitutionnel, les camarades ont tout à fait le droit de se mettre en grève. C’est à l’entreprise de trouver une solution, c’est eux les responsables » souligne Frédéric Probel. Pour le militant CGT, le mouvement ne cédera pas face aux intimidations et a les ressources pour tenir : « on compte aussi sur la prime Engie de 1500 euros, qui arrive en décembre, pour compenser les manques de salaires. On est déterminé à faire valoir nos revendications. S’il le faut, on ira jusqu’au 31 Décembre ».

Des dividendes records, pour un service public qui se dégrade

Du côté consommateur, depuis notamment l’ouverture du marché de l’énergie, impulsé par Nicolas Sarkozy en 2007, les prix de l’énergie n’ont fait qu’augmenter et la qualité du service plonger en flèche. Comme en témoigne Thomas : « Nous on dénonce ce démantèlement du service public, qui s’opère depuis des années : les temps d’attente au téléphone augmentent, les travaux de mise en service s’allongent, etc... Même dans un fonctionnement « normal », sans grève, je peux trouver une brouette de plaintes des consommateurs ».

Véritable cas d’école de la période qui s’ouvre, le cas de GRDF dit tout de la casse et de la pression salariale que réserve le patronat et le gouvernement au service public et à ses agents : « On ne comprend pas pourquoi on n’est pas traités de la même manière. On pourrait le comprendre si GRDF est en faillite. Mais c’est tout le contraire qui se passe cette année ; c’est 518 millions d’euros de dividendes distribués à Engie, qui, à son tour, a déversé 2,4 milliards d’euros à ses actionnaires », dénonce Thomas Duteil. Sur une année, l’augmentation proposée par la direction, à savoir 2,3%, correspond à une dépense de 18 millions d’euros supplémentaire pour les salaires : « autrement dit une goutte d’eau ».

Ainsi, le combat des grévistes se porte non seulement pour leurs salaires, mais également pour un service public de qualité pour tous. Dans les coordonnées inflationnistes qui rongent aujourd’hui nos salaires et ruinent les usagers facture après facture, pour un service en ruine et entièrement à la botte du profit de quelques-uns, la lutte pour résoudre de manière durable la crise énergétique implique de s’allier avec ces secteurs en grève. C’est leur force de frappe qui rendra possible l’expropriation et la mise sous contrôle ouvrier les grands groupes de l’énergie.


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