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Pas d'accord pour des baisses de salaire

Grève des ports allemands. Le syndicat ver.di négocie dans le dos des dockers !

Dans la négociation de la convention collective portuaire, Ver.di a obtenu un accord de fin de conflit avec le syndicat des employeurs – avec des augmentations différentes selon les secteurs. De nombreux travailleurs en sont mécontents. C’est maintenant à eux de décider : accepter le résultat ou continuer à se battre.

Klasse Gegen Klasse

31 août 2022

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Dockers au rassemblement pour le dixième cycle de négociations lundi dernier à Brême.

Crédit photo : Maxi Schulz (KGK)

Lundi dernier, le 22 août, 200 travailleurs des ports maritimes d’Allemagne du Nord ont manifesté dans la ville de Brême avec des dizaines de militants syndicaux et politiques venus les soutenir. C’est là que s’est déroulé le dernier cycle de négociations pendant la "période de paix" imposée. Les travailleurs ont exprimé dans plusieurs discours leur volonté de continuer à se battre jusqu’à ce qu’ils obtiennent toutes leurs revendications, pour tous les travailleurs et pas seulement une partie d’entre eux. Lors de cette manifestation, ils ont également manifesté leur solidarité avec la grève des dockers en Angleterre, qui s’ajoute à plusieurs autres grands processus de grève en Grande-Bretagne au cours des dernières semaines, comme ceux des cheminots, des travailleurs de la santé et des postiers. Les travailleurs de Brême ont insisté sur le fait que la lutte devait être étendue et internationalisée.

Malgré tout, mardi soir, il a été annoncé que ver.di et la fédération centrale des entreprises portuaires allemandes (ZDS) sont parvenus à un accord lors du dixième round de négociation en cours sur la question des salaires. Dans un premier communiqué de presse, Ver.di parle d’un résultat « qui prévoit des augmentations de salaire significatives et compense l’augmentation des prix ». La négociatrice de la ZDS, Ulrike Riedel, s’est également félicité du résultat de la négociation. Selon elle, grâce à un effort conjoint des employeurs, il a été possible de trouver un compromis, « notamment à l’aide de nouveaux instruments ». 12.000 salariés sont concernés par la convention collective.

Malgré ce qu’en pense ver.di et ZDS, le résultat n’est satisfaisant que pour une faible partie du personnel. Alors que les salaires pour les salariés des entreprises de conteneurs complets devraient augmenter de 9,4 %, avec application rétroactive à partir du 1er juillet, dans les opérations de fret conventionnel et général, l’augmentation n’est que de 7,9 % (ce qui correspond au niveau de l’inflation pour août). Dans les deux cas, les primes sont déjà prises en compte. La première annonce de ver.di n’a pas dit un mot de la situation des salariés des entreprises de catégorie C, c’est-à-dire les entreprises pour lesquelles une convention collective de protection de l’emploi est en vigueur. Désormais, on sait qu’ils ne recevront que 3,5% d’augmentation de salaire la première année. La deuxième année, il n’y aura que 2,5% de hausse.

Le résultat des négociations accroît l’écart salarial déjà existant et risque de diviser davantage les travailleurs des différentes entreprises. A l’inverse les grévistes n’ont cessé de souligner l’importance qu’ils attachaient à l’unité des travailleurs pendant le conflit, notamment à travers le slogan « Nous sommes le port ». L’augmentation des bas salaires, notamment dans les entreprises de catégorie C avait été une revendication centrale de nombreux travailleurs. Or, c’est précisément cette revendication qui a été laissée de côté par la direction du syndicat dans les négociations.

Dans un tract, la commission fédérale des conventions collectives justifie cette mesure par les difficultés économiques des entreprises de catégorie C. Selon la commission, ce serait maintenant au tour du syndicat ver.di de trouver des solutions en dehors de l’accord salarial de branche. Pourtant, de véritables améliorations sont possibles pour les travailleurs des entreprises C, si tous les travailleurs du port se battent unis.

Alors, le résultat des négociations a-t-il abouti à une compensation de l’inflation pour tous les salariés ? Loin de là. Même l’augmentation de salaire la plus importante, employés des entreprises de conteneurs ne suffira pas à couvrir l’inflation en 2023, puisque la Banque centrale allemande prévoit une hausse des prix d’environ 10% pour l’année à venir.

Ensuite au 1er juin 2023, les salaires devraient augmenter mais seulement de 4,4%. Si le taux d’inflation s’avérait plus élevé, une clause s’appliquera pour porter cette hausse à 5,5%. Mais cela aussi marquera vraisemblablement une perte de salaire réel. Si l’inflation grimpait encore davantage, il existe une clause spéciale de résiliation de l’accord, qui pourrait être l’occasion de nouvelles grèves.

Avec un accord d’une durée totale de 24 mois, ver.di assure aux employeurs une longue période de tranquillité. La durée de validité de l’accord collectif était précisément l’une des principales exigences du ZDS. Les augmentations de salaire sont destinées à convaincre les travailleurs d’abandonner la lutte pendant un certain temps et de se contenter des conditions offertes. Une bien maigre consolation compte tenu de la combativité dont ont fait preuve les travailleurs dans les grèves et les manifestations.

Il y a encore beaucoup à faire !

La conclusion des négociations est intervenue lorsque le pouvoir de ver.di à la table des négociations était particulièrement limité. En effet, en raison d’un accord avec les employeurs sur une « obligation de paix » temporaire [une interdiction de la grève pendant les négociations prononcée par un tribunal], la bureaucratie de ver.di avait lié les mains des travailleurs et renoncé à de nouvelles grèves. Le plan des « partenaires sociaux » semble donc fonctionner pour le moment : freiner les luttes des salariés et arriver sereinement à un résultat qui permette à la direction de ver.di et à la ZDS de sauver la face.

Les dernières grèves d’avertissement de 48 heures en juillet avaient pourtant démontré de manière impressionnante la puissance des salariés. Lundi 22 août, lors de la manifestation à Brême avec la présence de nombreux soutiens, les travailleurs ont insisté sur leurs revendications pour le dixième cycle de négociations. Environ 200 travailleurs portuaires sont descendus dans la rue avec des groupes de gauche et des syndicats malgré « l’obligation de paix » décrétée par ver.di et les employeurs. Ce n’est donc pas à cause d’un manque de combativité des manifestants que la commission des salaires appelle désormais à la fin de la lutte. Le succès retentissant des grèves d’avertissement montre que la pression qu’une grève totale peut exercer permet de faire aboutir les revendications.

Ver.di a annoncé un « processus de discussion » avec les syndiqués sur le résultat de la négociation collective, dont la forme est encore floue. Le 5 septembre, la Commission de négociation collective du syndicat doit prendre une décision finale sur le résultat. Cependant, une chose est claire : si la direction de ver.di obtient ce qu’elle veut, l’avis des travailleurs sera au mieux entendu, mais la véritable décision reviendra uniquement à la commission de négociation collective.

Faut-il accepter l’issue des négociations ou est-ce l’heure de la grève dure et illimitée ? La Commission fédérale de négociation collective a déjà décidé et recommandé d’accepter le résultat. Cependant, la décision doit être entre les mains de tous les travailleurs en lutte. Les militants de l’Organisation Internationaliste Révolutionnaire (RIO) en Allemagne estiment que l’heure à un large débat entre les travailleurs, avec des assemblées sur tous les lieux de travail, et un vote sur les suites du mouvement. Il ne peut y avoir d’accord inférieur au taux d’inflation pour aucune des catégories salariales. Une grève totale pourrait faire aboutir les revendications dans leur intégralité.


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