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McDonald’s de Fouquières-lès-Béthune

Grève à McDo. "80% des salariés sont sous le seuil de pauvreté"

Après cinq jours de grève reconductible au McDonald’s de Fouquières-lès-Béthune contre les conditions de travail intenables et le manque de reconnaissance, la direction est contrainte d’ouvrir les négociations. Erika, travailleuse depuis 9 ans à McDo et déléguée syndicale à l’origine de la création de la CGT dans son restaurant revient sur la mobilisation et dénonce le mépris de la direction, la précarité et les conditions de travail que subissent les salariés.

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RP : Tu peux nous raconter à quoi ressemblent tes conditions de travail ?

Erika : Nos conditions de travail sont vraiment médiocres. Que ce soient les équipements, qu’on doit parfois payer comme nos chaussures de sécurité, ou les pressions qu’on subit de la part de la direction. On nous pousse constamment à être plus rapides car pour eux le but du jeu c’est le chiffre d’affaires du restaurant. Mais nous on a des salaires de misère, il faut se rendre compte que 80 % des salariés sont sous le seuil de pauvreté et ça c’est dû au fait qu’on soit obligés d’accepter des contrats à temps partiels.

Moi par exemple, j’ai un contrat de 24 heures par semaine et je suis aussi maman célibataire de 3 enfants. J’ai plusieurs fois demandé à ce que mon contrat soit augmenté et la seule réponse que me donnait ma direction c’est « fais des heures complémentaires pendant 3 mois et tu pourras augmenter ton contrat ».

RP : En 2018, tu t’es syndiquée à la CGT et tu as créé une section CGT dans ton magasin, tu peux nous raconter comment ça s’est passé ?

Erika : En 2018, j’en avais vraiment ras-le-bol du comportement de la direction, je connais des femmes qui ont subi des remarques sur leur physique, sur leur couleur de peau ou sur leurs relations amoureuses. La même année, j’avais une collègue qui subissait du harcèlement sexuel et quand elle l’a dénoncé, elle s’est faite virer ! Aujourd’hui elle est obligée de se battre aux Prud’hommes et après 3 années ce n’est toujours pas fini.

Je voulais me syndiquer pour me défendre, me former, faire respecter les droits de salariés et améliorer nos conditions de travail. Mais il n’y avait aucun syndicat dans mon restaurant, on a donc monté avec une collègue notre propre section syndicale CGT. Au début on avait peur de la répression patronale, on s’est dit qu’on allait en chier. La direction raconte des rumeurs sur nous, ils veulent nous isoler. J’ai même été mise au placard parce que la direction mettait la pression aux collègues en expliquant qu’il fallait pas faire partie de la « clique d’Erika ». Du coup, on ne te dit pas bonjour, et à la longue ça devient compliqué.

En 2019, il y a eu les premières élections du CSE (comité social et économique) de mon restaurant. J’ai été élue et nommée déléguée syndicale, ça m’a permis d’aller aux négociations obligatoires annuelles (NAO) en entreprise qui se sont achevées sur des propositions totalement indécentes. Par exemple, on a eu 1,2 % d’augmentation de salaire, pas de 13ème mois, une prime trimestrielle pour tous à hauteur de 90€. Et le pire c’est qu’il y a des salariés qui n’ont jamais vu la couleur de cette prime.

Par exemple j’ai appris il n’y a pas longtemps que lors d’entretiens d’embauches les responsables demandaient aux futurs salariés ce qu’ils pensaient de la CGT.

RP : Quelle a été la réaction des collègues ?

Erika : En août 2020, suite aux NAO, mes collègues étaient super remontés. Ils me disaient « mais qu’est-ce que tu veux qu’on fasse avec ça, ça ne nous fera pas sortir du seuil de pauvreté, on se tue à la tâche pour rien, il n’y a même pas de reconnaissance ». On a donc décidé de se mettre en grève pour se faire entendre. C’était la première grève de l’histoire du restaurant. On a fait deux journées de grève, mais après 2 jours de grève, on nous a complètement ignoré : la seule réponse qu’on a eu c’était un PV de désaccord !

Par contre, la grève a eu de l’écho puisque des salariés d’autres restaurants nous ont contacté pour savoir ce qu’il se passait.

Ils se demandaient pourquoi est-ce qu’ eux n’avaient même pas eu le droit aux NAO, ils nous disaient que chez eux c’était encore pire, ce sont des restaurants dans lesquels il n’y a pas de syndicats. En plus, vu qu’on est franchisés les acquis pour lesquels on s’est battus dans un restaurant ne sont pas gagnés dans l’ensemble des restaurants. Ceux qui m’ont contacté avaient envie de se mobiliser mais c’est dur ! Nous, on est là pour les accompagner, les aider à monter leur syndicat et relever la tête.

RP : Quel a été l’impact du manque de réponse de la direction sur votre mobilisation ?

Erika : Forcément ça nous a un peu démoralisé mais avec la pandémie on a vu nos conditions de travail se dégrader davantage et ça donne envie de se battre. Avec le protocole sanitaire on doit tenir des distances de sécurité qui sont difficiles à respecter avec la façon dont on travaille.

Avec le chômage partiel nos effectifs sont réduits mais du coup ils nous mettent encore plus la pression pour combler le sous-effectif, on se retrouve à devoir occuper plusieurs postes et courir de droite à gauche parce que les parents qui devaient garder leurs enfants avec la fermeture des écoles n’ont pas été remplacés. Par exemple, quand on arrive au travail on est à un poste mais sur trois heures de rush on va devoir occuper quatre postes différents.

Pour couronner le tout, alors qu’on était déjà en sous-effectif, on nous a annoncé que la franchise voulait en plus réduire la main-d’œuvre en mettant plus de salariés en activité partielle.

RP : Tu as parlé de l’impact de la crise sanitaire sur vos conditions de travail, est-ce que vous avez été remerciés de vos efforts avec la prime Covid de 1 000€ ?

Erika : Non, pas du tout. Lorsque qu’on a demandé à avoir la prime, la direction nous a répondu que la franchise avait perdu de l’argent et donc que ce n’était pas possible. Pour les collègues, c’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et donc on a décidé de se mettre en grève reconductible à partir du 17 avril, nous étions 28 salariés grévistes sur 46 équipiers.
Le PDG est venu nous voir au restaurant après deux jours de grève. Il m’a dit qu’il voulait bien discuter de la prime si on arrêtait la grève et qu’on reprenait le travail et seulement à ce moment-là il nous recevrait pour discuter des revendications.

On a fait une assemblée avec les collègues pour discuter de la proposition du PDG, ils étaient super remontés car la direction méprisait notre mobilisation. On a donc décidé que tant qu’on n’avait pas des propositions concrètes, on continuerait la grève.

Le soir même le PDG m’a rappelé pour me menacer de laisser pourrir le mouvement si on ne reprenait pas le travail ! Il nous a ensuite proposé un CSE exceptionnel pour renégocier les NAO en nous certifiant qu’on aurait la prime Covid mais il n’a donné aucune garantie, ni même sur son montant.

RP : Et maintenant, c’est quoi les suites ?

Erika : Après ce premier pas de la part de la direction, on a suspendu la grève. Au total, la grève a durée 5 jours. C’était pas facile pour nous de faire grève car on est précaires, on a dû être solidaires et s’entraider pour pouvoir manger. Mais le retour au travail se passe un peu mal, mes collègues qui ont fait grève se voient être méprisés, se faire bousculer, mal se faire parler par l’équipe de gestion.

Aujourd’hui on va essayer d’arracher le plus qu’on peut lors des NAO. On va exiger à minima une augmentation de salaire et la prime Covid. Si les NAO ne sont pas concluantes nous sommes prêts à nous remobiliser.


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