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Gouvernement Trump. Focus sur Linda McMahon, ministre en charge des « Small Business »

Vendredi 20 janvier dernier, Donald Trump a été officiellement investi et est donc devenu le 45e président des États-Unis d’Amérique, succédant à Barack Obama. Son équipe est connue depuis de longues semaines et l’on peut déjà remarquer que la rupture que souhaitait incarner Donald Trump se résume au final à placer au sein des différents ministères d’anciens banquiers, des climato-sceptiques ou, dans le cas qui nous intéresse ici, des amis et collaborateurs de longue date au passé pour le moins trouble. Dylan Leonard

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Tout d’abord, il est important de dresser le portrait de Linda McMahon. Née en 1948, elle est principalement connue pour avoir été à la tête, de 1994 à 2012, d’une entreprise du nom de World Wrestling Enterteinment se spécialisant dans le catch et le « divertissement sportif ». L’entreprise est également côtée en bourse. Linda est ainsi la femme de Vince McMahon, considéré par beaucoup comme l’homme le plus influent de l’histoire de cette industrie. L’entreprise, cependant, a au fil des décennies vécu de nombreuses périodes de troubles, l’ayant presque conduite, au début des années 90, à mettre la clé sous la porte. Linda McMahon n’est, par ailleurs, pas une débutante dans la sphère politique américaine, s’étant présentée par deux fois aux campagnes sénatoriales du Connecticut au sein du Parti républicain, en 2010 et 2012. Se trouvant battue par deux fois, elle a investi près de 50 millions de dollars, une somme conséquente.

Ensuite, il est nécessaire de savoir ce qui lie la famille Trump à la famille McMahon. C’est avant tout une relation d’affaire entre deux businessmans : Donald Trump et Vince McMahon. Les deux hommes se connaissent et se fréquentent depuis près de 40 ans, la compagnie de Vince et Linda McMahon ayant, par deux fois, investi le Trump Plaza, respectivement en 1988 et 1989 pour le plus gros événement produit par la WWE, à savoir Wrestlemania. Mais cela n’est pas tout. Donald Trump est également apparu en personne lors de Wrestlemania 23, en 2007, dans un combat qui aura vu ce dernier frapper Vince McMahon avant de lui raser les cheveux devant plusieurs dizaines de milliers de personnes, dans ce qui est considéré comme étant « The Battle of the Billionaires ». Quelques années plus tard, toujours au sein des scénarios imaginés par les scénaristes de l’entreprise, il deviendra propriétaire de « WWE Monday Night Raw » un show télévisé se produisant chaque semaine depuis le 11 janvier 1993, étant de fait le show télévisé diffusé depuis le plus longtemps dans l’histoire de l’Amérique, et comptant actuellement plus de 1 200 épisodes. Dernier point, la famille McMahon a également financé la campagne de Donald Trump à l’investiture américaine à hauteur de plusieurs millions de dollars. Un président qui est pour le moins anti-système, donc.

Maintenant que le portrait de la principale intéressée est effectué et que nous connaissons mieux les liens unissant ces deux familles, nous allons nous attarder sur trois cas précis, tous reliés de près à la World Wrestling Enterteinment, afin d’avoir une idée de la politique menée au sein de l’entreprise. Ici, donc, nous n’entrerons à aucun moment dans ce qui est communément nommé, en Amérique, le « Kayfabe » notion qui sépare le réel des scénarios produits par l’entreprise afin de divertir le public lors des différents événements proposés. Tout ce qui suivra dans la suite de cet article sera donc réel et avéré. De ce fait, nous passerons sous silence de nombreuses histoires effarantes ou immorales. Ainsi, nous ne parlerons pas de l’affaire concernant Jimmy Snuka, un lutteur mort il y a quelques jours et qui a été poursuivi lors des dernières années de sa vie suite à la réouverture d’une affaire datant de 1983 ayant vu la mort, pour le moins suspecte, de sa copine de l’époque, Nancy Argentino. Finalement condamné pour meurtre quelques mois seulement avant sa mort des suites d’un cancer, l’affaire, qui n’est rien d’autre qu’un féminicide, avait été couvert à l’époque par le journaliste le plus influent du milieu, Dave Meltzer. De par son expérience de cette industrie et des échos qu’il a reçus d’anciens lutteurs ayant travaillé pour l’entreprise de la famille McMahon au même moment, il est intimement convaincu du fait que, lorsque les faits se sont produits, la famille McMahon a couvert ce meurtre. Pas surprenant, donc, que lundi 16 janvier dernier, une vidéo hommage à Jimmy Snuka ait été diffusé en pleine représentation, faisant totalement l’impasse sur ce crime pourtant reconnu par la justice. Nous ne parlerons pas non plus du scandale de l’affaire des stéroïdes ayant frappé de plein fouet l’entreprise au début des années 1990, nous ne parlerons pas de l’utilisation des lutteuses et de l’image de la femme, absolument nauséabondes. Nous ne parlerons pas de l’homophobie abjecte au sein de l’entreprise l’ayant conduite à refuser de faire participer le lutteur gay Darren Young (de son vrai nom Frederick Douglas Rosser III) à une tournée se déroulant à Dubaï. Nous ne parlerons pas non plus de l’islamophobie à peine voilée au travers de la figure de Mark Caponi, ayant joué au début des années 2000 le personnage de Muhammad Hassan, un personnage usant de tout l’imaginaire terroriste. Nous n’en parlerons pas mais il y a pourtant beaucoup à en dire.

Chris Benoit : meurtres/suicide

Le 24 juin 2007, la famille Benoit est retrouvée morte à leur domicile. Nancy, 43 ans, Daniel, 7 ans, ainsi que Chris Benoit, 40 ans. L’enquête révélera que ce qui est d’abord considéré, dans les premières heures, comme une série de meurtres a une réalité bien plus terrifiante. Chris Benoit, lutteur de renom et probablement l’un des hommes les plus respectés au sein de l’entreprise de la famille McMahon est en réalité le meurtrier, se suicidant de très nombreuses heures après avoir commis l’irréparable. À l’origine, il devait participer à un événement organisé par la WWE, mais il appela l’entreprise pour dire qu’il ne pouvait pas se déplacer suite à un problème familial.

L’on pourrait penser que ce drame n’a aucun lien avec Linda McMahon, mais la réalité est bien différente et plus dramatique encore. L’autopsie effectuée sur le corps de Chris Benoit révéla que son cerveau était similaire à celui d’un homme de 80 ans atteint de la maladie d’Alzheimer. En réalité, cette incroyable révélation est à mettre en lien avec le métier qu’il pratiquait, c’est-à-dire le métier de catcheur.

Ayant passé la majorité de sa carrière au sein de l’empire McMahon, il reçut de nombreuses commotions cérébrales au fil des années ainsi que ce qui est appelé dans le milieu des « Chairshot », à savoir des coups de chaises portés directement dans la tête du lutteur (pratique ayant, depuis cet incident, été bannie de l’entreprise, son utilisation étant passible d’une amende de plusieurs milliers de dollars). De ce fait, l’on ne peut enlever à la WWE la responsabilité de ce drame.

Chris Benoit, instable mentalement à cause de son métier mais aussi à cause de la mort de son meilleur ami, lui aussi catcheur, Eddie Guerrero, mort d’une crise cardiaque en 2005 à cause d’un passé rongé par la drogue, presque indispensable à cette époque dans ce milieu (cet autre drame obligea la WWE, afin de laver un minimum son image, à instaurer la « Wellness Policy » visant à encadrer, sanctionner et offrir des cures de désintoxication à tout employé sous contrat ou l’ayant été). Cet exemple nous montre l’inhumanité dont peut faire preuve une grande entreprise capitaliste vis-à-vis de ces salariés, quel que soit le métier en question. Depuis, aucune mention n’a été faite de Chris Benoit au sein des programmes de la compagnie, comme si ce dernier n’avait jamais existé.

Owen Hart : mort en direct devant plusieurs dizaines de milliers de spectateurs

Le 23 mai 1999, Owen Hart doit participer à l’événement organisé par la WWE et intitulé « Over The Edge ». Jouant le personnage du Blue Blazer, le lutteur doit, pour mettre l’ambiance, descendre en rappel depuis une structure se situant très haut pour arriver directement sur le ring. Malheureusement, et sans que, près de 20 ans plus tard l’on en sache plus, la corde lâcha et Owen Hart fit une chute mortelle. Il est mort pendant le trajet en direction de l’hôpital le plus proche.

L’on pourrait bien évidemment jeter la pierre sur l’entreprise familiale des McMahon pour une sécurité visiblement défaillante, mais une chose encore absolument abjecte eut lieu après cela… Le spectacle continua, comme si de rien n’était. Oui. L’entreprise décida de poursuivre le show devant plusieurs dizaines de milliers de spectateurs qui ne savaient plus quoi faire. Un des commentateurs chargé de raconter l’action lors des combats s’adressa aux spectateurs pour leur annoncer sa mort, avant de poursuivre le spectacle. Une décision folle mais compréhensible selon cette même logique capitaliste. Le profit, encore et toujours. Owen laissa derrière lui ce jour-là sa femme Martha ainsi que deux enfants.

Pat Patterson : scandale de pédophilie

En 1993, Pat Patterson, alors figure importante de l’entreprise de la famille McMahon, se voit poursuivi en justice par Tom Cole, un jeune homme (qui n’était pas majeur au moment des faits) qui avait pour tâche d’aider à monter le ring pour des événements organisés par l’entreprise de Linda McMahon. Dans une plainte que Tom Cole a déposé, il explique qu’il s’est fait sexuellement agresser par le « Director of Wrestling Operations » Terry Joyal, un haut placé dans l’organigramme de la compagnie à l’époque. Il explique également que Mel Philips, alors engagé pour présenter les lutteurs lorsqu’ils arrivent en direction du ring, vouait une fascination malsaine pour les pieds du jeune homme. Il annonce ensuite que Pat Patterson, ancien lutteur au sein de l’empire McMahon, et à l’époque des faits l’équivalent du directeur des ressources humaines, lui aurait touché les fesses.

Les deux premiers ont quitté immédiatement l’entreprise, seul Pat Patterson refusa de partir. Il a en réalité démissionné, mais l’on ne saura jamais vraiment s’il ne travaillait pas toujours pour la compagnie en sous-main. L’histoire s’est poursuivie pendant de longues années, et il est désormais difficile d’en faire un résumé bref traitant de toutes les éventualités. Mais, peu après avoir déposé cette plainte, l’entreprise de Linda McMahon proposa un contrat alléchant à Tom Cole, qui l’accepta, cette clause l’empêchant de divulguer des informations pouvant nuire à l’intérêt de l’entreprise. Cependant, les experts du dossier s’accordent tous à dire (encore une fois, grâce aux anciens employés ayant vécu cette période en interne et les révélations même de Tom Cole au début des années 2000, lorsque celui-ci n’était plus sous contrat) que cette plainte était totalement fondée, et qu’à l’époque, si un employé voulait avoir une place plus importante lors des événements organisés par l’entreprise, alors il devait se plier à certaines conditions, dont celles de Pat Patterson.

Il faut cependant noter que Vince McMahon, lors de ce scandale, se défendra en prétextant qu’on attaquait l’entreprise familiale car elle avait le courage d’employer un homosexuel, et que cela choquait. Pat Patterson, lui, apparaît toujours occasionnellement au sein des programmes de la World Wrestling Enterteinment à ce jour.

Finalement, ces trois histoires, qui ne sont, au fond, qu’une infime partie des scandales ayant traversé l’entreprise, dressent un portrait pour le moins peu flatteur de la compagnie de celle qui est désormais en charge du « Small Business Organisation » au sein du gouvernement de Donald Trump. Voici l’exemple typique et profondément choquant d’une grande entreprise sous le système capitaliste : immorale, dégradante, mensongère… Et pourtant n’ayant jamais été réellement inquiétée par la justice. Plus que jamais, il est de notre devoir de nous battre contre ce système et ses dérives toutes plus inhumaines les unes que les autres. Quittons-nous donc par une citation de Stephanie McMahon, fille de Linda et de Vince, qui devrait reprendre le flambeau familial d’ici quelques années.


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