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Coup de gueule d'un cheminot en colère

Gilets jaunes et gilets oranges : on s’y met quand pour faire dérailler Macron ?

Face à l'atonie (ou l'agonie ?) des directions syndicales devant le puissant mouvement des Gilets jaunes, en train de bousculer toutes les habitudes, un cheminot, gréviste acharné au printemps dernier en défense du service public pour tous et toutes et aujourd'hui mobilisé avec les Gilets jaunes, nous transmet son coup de gueule.

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Gilet orange, Gilet jaune, sans gilet... peu importe en réalité. Ce qui compte c’est qu’on soit en colère et qu’on se révolte aujourd’hui ensemble pour tout changer.

D’abord la méfiance, car on ne savait pas trop au début, chez les cheminots et dans le milieu syndical surtout, à quoi s’attendre avec ces Gilets jaunes qui semblaient anti-politique et anti-syndicats… étaient-ils tous d’extrême droite, ou en majorité du moins ? Des gens qui n’avaient jamais manifesté de leur vie, n’avaient jamais fait grève, se méfient de toutes les organisations ayant pignon sur rue, et n’ont certainement jamais rien fait de réellement collectif jusqu’à présent, ces personnes nous donneraient des leçons de militantisme ? D’opiniâtreté ? De persévérance ? De motivation ? Voire de courage ? Eh bien oui, c’est une réalité, les Gilets jaunes ont gagné le droit de devenir nos maîtres en toutes ces matières.

En matière de résultat déjà c’est un fait, même si on est encore loin, très loin du compte. Avons-nous, nous cheminots, fait trembler Macron comme les Gilets jaunes d’aujourd’hui ? Une chose est sûre, nous avons contribué, avec notre longue grève et notre détermination, à faire en sorte que Jupiter soit un peu moins jupitérien. Mais nous n’avons pas réussi à faire trembler Macron et son monde comme le font aujourd’hui ces Gilets jaunes qui se battent pour la dignité.

Mais en réalité, je vous rassure tout de suite : ils n’ont aucune intention de se comporter en maîtres, ni en donneur de leçons. Au contraire, aujourd’hui l’apprentissage de la lutte et de cette démocratie leur a donné à voir la complexité du fonctionnement collectif et c’est avec une grande bienveillance que ces Gilets jaunes accueillent aussi bien les cheminots, pour leur combativité reconnue grâce à la grève du printemps (avec même le regret chez beaucoup de ne pas nous avoir plus soutenus), que les militants syndicaux et politiques de tous bords, tant qu’ils sont de bonne foi et entrent dans la lutte que la bonne foi et entrent dans la lutte aux cotés des Gilets Jaunes.

Aujourd’hui, les Gilets jaunes sont demandeurs de cette convergence avec les militants syndicaux et politiques de terrain. Certainement pour éviter de tomber dans les pièges qui les attendent, pour savoir jusqu’où on pourrait « aller trop loin », car ils ne savent pas, pour certains, s’ils doivent s’effrayer de leur propre audace ou s’ils ont été trop timides dans leurs demandes. Aussi parce que Macron, comme face aux cheminots et à tous les travailleurs qui ont lutté depuis son couronnement compte bien ne pas reculer sur ses positions. Et surtout parce qu’ils sont conscients de cette évidence, censée être une injonction du syndicalisme : l’union fait la force et tous et toutes ensembles, nous réussirons.

Ils sont de tous horizons, plutôt des smicards et des précaires, des intérimaires, des chômeurs, mais aussi des fonctionnaires et assimilés (profs, EDF, RATP, cheminot.e.s, employé.e.s de mairie, etc), des travailleurs de l’associatif, des artisans, même la classe moyenne plus riche car ils ont peur pour l’avenir de leurs enfants (à juste titre !), ainsi que des syndiqués, des encartés, des retraité-es bien entendu…

Et ne croyons pas qu’ils n’ont pas compris l’intérêt de la grève, du moins pour une bonne partie d’entre eux. Comprenons, nous plutôt, qu’ils ne peuvent concrètement pas, pour bon nombre, faire grève. Et oui, quand tu travailles en intérim, faire grève est synonyme de revenir à pôle emploi. Parfois ce sont aussi des salariés de petites et moyennes entreprises, souvent sans structure syndicale, ou du moins sans tradition de lutte. Donc ils se rebellent comme ils le peuvent. Faute de sacrifier du salaire, ils sacrifient leur temps et leur énergie. Ils tiennent encore, mais notre renfort sera le bienvenu, et ils nous appellent de tous leurs vœux !

Gilet orange, Gilet jaune… ou les deux !

Alors oui, je suis Gilet orange, je le porte fièrement comme symbole de la lutte de tous les cheminots, depuis des décennies, en défense d’un service public de qualité pour tous et toutes et des conditions sociales du statut. Mais je suis également Gilet jaune, parce que je fais partie de cette classe, des travailleurs, avec ou sans emploi, qui aujourd’hui se révoltent. Ils sont ma classe !!

Je suis un Gilet jaune parce que c’est pour moi une évidence. Je travaille en horaires décalés et ai besoin de ma voiture pour aller bosser : je suis donc touché par l’augmentation du carburant, même si je me veux écolo, c’est un fait. Et si je suis demandeur de solutions plus écologiques, le train ou toute autre solution adaptée, encore faudrait-il qu’elles existent.

Je suis un Gilet jaune, merci à l’entreprise de me le rappeler. Sur 145 000 cheminots, 100 000 ont touché, pour tout ou partie, la prime Macron. J’ai 52 ans, 27 ans d’ancienneté à la SNCF et j’ai touché 200€. L’entreprise est composée de plus de 50% de maîtrise et cadre et 100 000 ont touché la prime ??? A méditer concernant l’augmentation des salaires demandée par les Gilets jaunes...

Je suis Gilet jaune car je serai bientôt précaire. La réforme du ferroviaire fait de nous des prestataires en sursis, des salariés de la sous-traitance, des précaires sans autre statut que les accords d’entreprise et autres conventions collectives qui me donneront, c’est une certitude, moins de repos et moins de garanties d’emploi, voire moins de salaire (pour ceux qui croient que la concurrence et patati et patata…), et nous serons virés si nous refusons le transfert !

Je suis Gilet jaune car je vais crever de faim à la retraite. En effet, vais-je pouvoir continuer à effecteur des horaires décalés jusqu’à annuler ma décote ou avoir les annuités nécessaire ? Si ce n’est pas le cas, je risque l’inaptitude et aujourd’hui, les emplois de reclassement ont disparu (emploi en journée et/ou de bureau dans les différents services). Donc j’ai de fortes chances d’être licencié avant l’âge pivot, puisque le statut n’est déjà quasiment plus appliqué, à un âge où on n’est pas réembauché…

Je suis Gilet jaune parce que quand je suis en colère, je veux qu’on m’écoute. Oui, les manifs des Gilets jaunes sont impressionnantes, et ils font la une, ils sont encore bien visibles et gênants dans toute la France. Et ils ont décidé que ça serait suivi d’effet tout ça, merde !! Bien plus décidés que nous, on dirait, non ? Bon, nous c’est plus la grève que les manifs, mais quand même… Une chose est sûre, la stratégie des Gilets jaunes n’est pas "perlée", et tant qu’ils n’auront pas gagné, ils ne rentreront pas chez eux !

Je suis Gilet jaune car je veux que ça s’améliore pour tout le monde et maintenant, que nous fassions de réels progrès sociaux et démocratiques... Ce monde doit changer de base, on doit tout renverser pour construire une nouvelle société sur des nouvelles bases ! Je suis Gilets jaune parce que je veux plus de justice dans tous les domaines, je suis Gilet jaune car j’essaie d’être solidaire et humain en toute circonstance, je suis Gilet jaune car je pense qu’on peut faire mieux, et surtout, je suis Gilet jaune car J’ai BESOIN DE CROIRE QU’ON VA FAIRE MIEUX ET VITE !

Mais... comment faire basculer la situation ? Que font les organisations syndicales ?

Ce mouvement puissant des Gilets jaunes dure depuis maintenant deux mois. Comment faisons-nous pour passer à la vitesse supérieure ? Comment faisons-nous pour faire plier Macron et son monde ? La question de la grève se pose de plus en plus chez bon nombre de Gilets jaunes... Mais que font les organisations syndicales ? Et nous, ne voudrions-nous pas aider les cheminots, tous les travailleurs et les Gilets jaunes en entrant dans la lutte pour renforcer le mouvement ? Ne voudrions-nous pas des manifs qui font trembler le Méprisant de la République à 20h00 à la télé ? Il apparaît assez clairement qu’une entrée massive des travailleurs et travailleuses, avec les méthodes de la grève, en plus des manifestations déterminées, pourrait faire basculer la situation. Si le pouvoir a bien résisté ce printemps à la grève et cet l’automne à la mobilisation populaire, alors il faut les deux en même temps pour le faire plier une bonne fois pour toutes.

La peur des organisations syndicales de perdre le contrôle de la contestation est un fait. Car, c’est sûr, il n’y a jamais aucun contrôle absolu ni certitude dans un processus radicalement contestataire et sur des aspirations profondément démocratiques d’une telle envergure. Pour certains responsables syndicaux, nul doute que la soupe est bonne et la place confortable. Mais pour les autres, ceux qui agiraient encore pour des principes, ceux de la lutte des classes, se sentent-ils outragés de ne plus être les interlocuteurs responsables et incontournables représentant le peuple face à un pouvoir qui leur fait l’insigne honneur de leur faire l’aumône ? Et voient-ils les Gilets jaunes comme des concurrents, dénigrant le mouvement dès que possible pour cette raison ?

Mais cette lutte déjà INCONTESTABLEMENT historique. Si elle était renforcée, commune, liée, convergente diront certains, elle pourrait donner des fruits insoupçonnés, inespérés et durables, qui profiteraient à tous et toutes pour longtemps. Des avancées dont nous rêvons tous, et pour les cheminots, déjà l’abrogation de la réforme ferroviaire mais aussi sur l’abrogation des lois anti-salariés et anti-pauvres, et pourquoi pas aussi aller bien plus loin que tous ces sujets. Une chose est sûre : c’est l’heure de la révolte, ne regardons pas le train passer devant nous sans rien faire !

Certes, il n’y a pas de recette pour déclencher la grève générale, mais faisons déjà ce qu’on sait faire : du travail de terrain, des tracts et de la communication pour la grève. Allons chercher nos collègues, heureusement que beaucoup n’ont pas attendu et ont déjà enfilé leur gilet jaune, ou gilet orange, depuis longtemps. Mais il est temps de s’organiser, en tant que cheminots, pour frapper là où ça fait mal, par la grève et le blocage de l’économie. Les directions syndicales ont visiblement du mal à se décider... mais allons-y nous alors, poussons-les, obligeons-les à y aller, c’est à la base de faire un rappel à l’ordre et d’obliger ceux qui hésitent encore et éternellement. Le "TOUS ENSEMBLE" peut aujourd’hui devenir une réalité, ne perdons plus de temps !

Et le pouvoir tremblera, et pas seulement le pouvoir de façade (le Méprisant et ses parasites) mais toute la classe capitaliste. Allons-nous laisser passer cette occasion inespérée de saisir notre chance d’une victoire de notre classe, de notre camp social ?

Vous n’y croyez plus ? Cela vous semble inatteignable ? Croyez-vous que les résistants au nazisme torturés dans leur cellule en 1944, croyaient qu’ils allaient créer le CNR et mettre en place la sécurité sociale 6 mois plus tard ? On ne sait pas de quoi demain sera fait, mais c’est nous qui le faisons et rien n’est impossible si nous unissons nos forces. Ne recommençons pas l’erreur et les réticences de nos prédécesseurs en 1968, rejoignons sans retenue les forces de la révolte, d’où qu’elles viennent si ce ne sont pas des forces réactionnaires et conservatrices.

C’est possible, c’est maintenant, et c’est urgent car notre impact écologique nous oblige à changer de système ou à disparaître ! Si nous, les forces vives de la résistance au patronat et de la contestation sociale nous ne nous soulevons pas pour nous battre aux cotés des Gilets jaunes alors nous serons les fossoyeurs de l’espoir pour des décennies. L’année 2018 fut rude, il est vrai, pour de très nombreux travailleurs et fut pavée de sacrifices financiers, mais aujourd’hui nous pouvons regagner notre mise au centuple. Construisons un véritable séisme social de l’importance qu’a eu celui qui a amené les congés payés en 1936, voire plus si nous avons le courage et la clairvoyance de laisser l’ensemble des travailleurs, avec ou sans emploi, français ou immigrés, les femmes, les étudiants et les lycéens, prendre en main notre avenir à cette occasion. Nous ne sommes rien, mais soyons tout ! Voilà ce que nous rappellent, avec tellement de réalité, les Gilets jaunes !


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